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lundi 7 octobre 2024

PROVENCE RHODANIENNE, à foison ! (4) Le CHEVAL de TRAIT.

Dans le triangle Châteaurenard-Cavaillon-St-Rémy, Mollégès est un bourg rural de la plaine fertile au sud d'Avignon. Exerçant, comme toute la Provence, une attraction certaine sur les gens en vue, les célébrités, la commune fut un lieu de séjour apprécié par Jean Drucker (1941-2003), Guy Marchand (1937-2023). Plus profondément dans le passé, à côté de la puissante abbaye de moniales, des Dames de Mollégès (XIIIe. s.), le château illustre la modestie du pouvoir féodal sinon, et en cela, encore à l'instar de nombre de nos villages dont le nôtre Fleury-d'Aude, une chapelle romane du cimetière, l'église de 1864 seulement mais au clocher inspiré du mausolée romain de St-Rémy (elle remplace une construction romane démolie en 1857), soulignent la localité.  

Mollégès cheval (1) mamoue13.ekablog.fr

Moins classique, plus inattendu vu qu'il n'en existe que deux autres en Bretagne (1), à Mollégès, un monument au cheval de trait, hors région d'élevage. Est-ce dans la continuité des fêtes du village lors de la St-Éloi, marquée par une bénédiction des chevaux, les courses de charrettes garnies de rameaux (la carreto ramado... jadis célébrée à Coursan aussi...) ? Rien que de plus normal qu'un auxiliaire aussi précieux dans le travail des hommes soit célébré dans les villages de Provence et Languedoc :        

« Noun se pòu devina ço que deman preparo
E pèr qu’à l’aveni se posque saupre encaro
Lou bonur qu’a liga lis ome e lou chivau
Dins la pèiro entaia, iéu, eici, fau signa. » (2)

Charles Galtier (1913-2004), écrivain en provençal et français. 

Mollégès cheval (2) mamoue13.ekablog.fr

Traduction approximative :
Ce que demain prépare ne peut se deviner
Et pour qu’à l’avenir encore on puisse savoir
Le bonheur qui a liés les hommes et les chevaux
Dans la pierre sculpté, moi, ici, vous fais signe. 

Nous devons cette sculpture récente (1989), taillée dans un bloc de pierre du Lubéron (12 tonnes), à Camille Soccorsi (1919 Bourg-Saint-Andéol - 2007 Tarascon), sculpteur animalier local (taureaux cocardiers Clairon à Beaucaire [1963], Goya encore à Beaucaire [1984], animaux de manèges forains) mais aussi de bustes de Provençaux (Frédéric Mistral, 1959, à St-Maximin [Gard], Charloun Rieu, 1965, Paradou [Bouches-du-Rhône]. 

Callac_22 Cheval Naous._2017-10-21 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. 2018 Auteur J.C EVEN

(1) La commune de Callac en Cornouaille centre Bretagne (Côtes-d'Armor), capitale de l'épagneul breton, est connue aussi pour son haras de chevaux de trait : sur la place, à l'honneur, la statue de Naous (1958), étalon célèbre, en bronze, œuvre de Georges-Lucien Guyot (1885-1972), animalier, auteur, entre autres, du Taureau de Laguiole (1947). 

Landivisiau (Finistère) est la capitale du cheval breton... Au lendemain de 1945, des vignerons dont mon grand-père, ont loué un wagon depuis Narbonne, afin d'acheter le cheval nécessaire à la reprise des vignes parfois abandonnées en zone interdite, encore minées... (notre dernier Lami, dénutri, sanglé pour tenir debout, avait été vendu au boucher pour prévenir sa fin certaine). 

« ... Sans argent, c'était là un difficile pari. Mamé Ernestine fut chargée de demander au richissime oncle Gérard du Quai Vallière à Narbonne, représentant de commerce enrichi par les deux guerres [...] Elle devait essuyer un refus poli mais définitif. Ce fut alors l'ami, Emmanuel Sanchon, qui sortit papé Jean d'embarras, et cela mes parents ne l'ont jamais oublié. 

Lami au Courtal Cremat, route de Saint-Pierre-la-Mer. 

Tu dois savoir que papé Jean et l'oncle Noé, accompagnés de Rey Antoine (père de Germain et Jeanine Carrière [...]), de Blaise Vicente et Jean Vila [...] étaient allés en Bretagne pour acheter les chevaux et cela en mars 1945, époque où c'était une véritable expédition (ponts coupés, trains aléatoires...) [...]

C'est au cours de ce voyage historique que l'oncle Noé avait attrapé sa fameuse sciatique et que Vila [...] lui avait confectionné (il était menuisier de métier) une paire de béquilles afin qu'il puisse se déplacer un peu pour aller voir les chevaux et acheter le sien... »

Caboujolette 2008, chapitre Les Vendanges, François Dedieu (1922-2017).   

Cheval Breton de Landivisiau Source mairie

(2) En 2009 pour les vingt ans du monument, les vieux outils sont sortis des granges pour être attelés à des comtois, traits du nord, percherons... (pour les photos voir Le vingtième anniversaire du Monument du [...] - Tradicioun)

mercredi 11 septembre 2019

CABOUJOLETTE & MOISSINES / Les vendanges à Fleury.

1950 

Plus actuelle.
 
A Fleury, au pied de la Clape, le coteau se nomme "Caboujolette". Des lotissements remplacent les vignes qui, jusque vers 1980, touchaient les dernières maisons des "barris", des faubourgs. Au-delà, la garrigue a repris ses droits sur les petites pièces, patiemment et vaillamment entretenues depuis le XIXème malgré la pierraille.  

Pierre Campourcy et l'oncle Pierre aux pals sémaliers.


« … Caboujolette.
Pour aller à Caboujolette – pour moi les vignes de l’oncle Pierre, avec le vieux sorbier, les figues « de Cabassou » avant d’y arriver, et surtout ma  « cabane bambou » (j’ai fait un papier là-dessus) – nous ne pouvions pas prendre le chemin encaissé que tu évoques et qui conduit à la carrière et aux vignes de M. Sanchon. On le prenait encore pour les vendanges, puisque c’est nous qui rentrions sa récolte, et j’ai des photos avec l’oncle Pierre et Pierrou de Montagagne en train de charrier les comportes aux pals sémaliers (la brouette à roue caoutchoutée n’existait pas encore). Nous montions au contraire par le mauvais chemin plein de rochers qui passe à présent par la bergerie Vieu et qui arrivait ensuite jusqu’aux « pins de Virginie », et tout en haut il fallait obliquer sur la gauche. Les quelques comportes de raisins que nous récoltions nécessitaient sur le chariot, avec les secousses de chaque instant et la pente du chemin, un cheval au pas assuré et une « mécanique » (ainsi nommait-on le frein actionné par une servante (uno chambrieiro) faisant levier et abaissée progressivement par un câble (grosse corde) solidement amarré au châssis) en bon état. C’était vraiment du vin qui serait revenu cher s’il avait été question de monnayer la peine… »

« … Les raccourcis de Jojo : Fleury le 17-10-1953 (un samedi). 
Nous sommes arrivés de la mer il a fait une belle saison, je me suis régalé, j’ai appris à nager, nous y sommes restés un mois et demi. J’ai vendangé huit jours après être arrivé. Les vendanges terminées il a fallu aller à l’école le 28 septembre, il n’y a pas eu beaucoup de récolte vu la sécheresse. Il a plu de lundi à jeudi et ce n’était pas trop tôt je suis passé en première division. (Jojo Ferry)… » 
Une façon plus alambiquée de conserver les raisins.
« … Merci pour les « moissines » (1) (C’est dans le Petit Larousse) mais c’est surtout Joseph et Jean Ferry qui conservaient ainsi les grappes, avec le bout de sarment. Mamé Ernestine suspendait seulement chaque fois deux belles grappes attachées par un fil sur une barre (genre manche à balai) posée sur le dossier de deux chaises, sièges en dehors (il y avait chaque fois deux barres de raisins blancs). Le tout était placé dans la cuisine de mamé Joséphine … et souvent beaucoup de grappes se périssaient, mais enfin nous pouvions goûter quelques raisins longtemps après les vendanges… »

(1)   Grappe coupée avec son bout de sarment, afin de conserver le raisin dit « de Noël ».

vendredi 28 décembre 2018

LES ÉCHOS DE NOËL SE PERDENT DANS LA NUIT... / Fleury-d'Aude en Languedoc

Diapo François Dedieu 1979.

Loin de moi l'idée pessimiste des témoignages qui se perdent dans un passé flou devenant opaque car ces échos tintent en moi tels les messages des cloches montant dans la nuit de décembre, une nuit cristalline. Le village, en effet, baigne dans une émotion partagée. Quelles qu'en soient les causes : la religion, le solstice, le seuil de l'hiver, les gens partagent une complicité apaisée, l'envie de parler aux autres, de partager la liesse, la félicité déjà entretenue au foyer avec le sapin, la crèche, la promesse des bonnes choses, de la dinde prévue au menu. 
Surtout ne pas taire cette ambiance révolue puisque certains de ses aspects demeurent et que, de toute façon, ils ne peuvent qu'éclairer le présent. 

Diapo François Dedieu 1979.


Loin mais pas si loin finalement, dans le temps... "... Basile Lignières (lou Craquet), notre bedeau, sonnait vaillamment les cloches placées encore autour du clocher [...] Basile distribuait également le pain bénit, et un dimanche une dévote voulut lui signifier d'un geste à peine ébauché... qu'il avait la braguette entrouverte et qu'on apercevait le panèl de sa chemise. Il crut qu'elle pensait ne plus avoir de pain bénit et la rassura d'un "N'y aura per toutos !" passé à la postérité..." (Y'en aura pour toutes !)

dinde Creative Common CC0 pxhere com


Après l'église, le loto... Coural, le beau-père de Marthe, arrête ! Il gagne la dinde ! 
"... Là ! Qu'uno pesto ! La fémno n'a croumpat uno aqueste mati !" (Là ! Quelle peste ! La femme en a acheté une ce matin !) [...] c'est Pistole qui lui avait répondu 
" Quand el gagnèt, et qu'i diguéri de baillar la pioto, respoundèt souloment "Ta gran !"" (Quand il gagna et que je lui dis de donner la dinde, il se contenta de répondre " Apporte ça à ta grand-mère !") réplique trouvée aussi en espagnol  ¡ Cuéntaselo a tu abuela ! (qu'on peut traduire par "à d'autres !""

"... Titato fut nommeur en occitan, sauf en quelques occasions, quand il nomma en français, "rapport aux étrangers " (des Parisiens !). Lou Ménot fut longtemps attitré à ce poste : 
"Remeno ! 
— Pot pas, és trop gros !" (Remue [les numéros] ! Il ne peut pas,il est trop gros !). 

Loto_à_Carpentras_Carton_de_loto Wikimedia Commons Auteur Varaine


Et de conclure avec un proverbe lié aux calendriers : 
"Un 20 décembre : aujourd'hui les jours recommencent à s'allonger, d'une minute pour commencer et je pense au proverbe que nous répétait l'oncle Noé – faux d'ailleursdepuis 1582 et la réforme grégorienne du calendrier – "A santo Luço, un pas de puço, à Nadal, un pas de gal." (A sainte Luce un pas de puce, à noêl, un pas de coq). or maintenant, pour sainte Lucie, le 13 décembre, les jours diminuent encore, puisque nous avons eu ce décalage de onze jours à l'époque. mais les dictons ont la vie dure et c'est très bien ainsi." 

 Ces quelques extraits sont tirés du livre "Caboujolette", 2008, François Dedieu. Merci papa !