Affichage des articles dont le libellé est Septimanie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Septimanie. Afficher tous les articles

dimanche 15 décembre 2019

BATAILLE DE LA BERRE, LE VENT SUR GRATIAS / Histoire, paysage, Cers et sensations


Une page remarquable au style bien envolé, à lire sans hésitation aucune ! L'auteur aurait pu signer !


http://archives-du-sensible.parc-naturel-narbonnaise.fr/sensible/site_portrait/site/2016/bataille-de-la-berre/bataille-de-la-berre.html



« … Gratias …/… “La fù bataille grant et merveilleuse”. Ce plateau caillouteux, au nord-ouest de Sigean, est connu pour un célèbre combat qui opposa en 737 les Francs de Charles Martel, “insigne guerrier”, aux armées musulmanes de Omar Ibn Chaled. La carte de Cassini, levée vers le milieu du XVIIIe siècle, y situe un lieu-dit “Champ de Bataille”. Si le souvenir de cet événement persiste, véhiculé par une vieille et vague tradition, le lieu et les conditions de l’affrontement restent incertains. Les chroniques médiévales et les sources arabes demeurent lacunaires ; selon les Chroniques du Continuateur de Frédégaire (3ème continuateur, 736-752), la rencontre se déroula près du “super fluvium Birram in palatio valle Corbaria”, près d’un palais situé sur les bords de la Berre, dans la vallée des Corbières.



En 737, Charles assiège Narbonne, barre “le fleuve Aude par un ouvrage en forme de bélier” et défait sur les bords de la Berre l’armée de secours venue d’Espagne. “Les Sarrasins vaincus et leur roi tué prirent la fuite. Ceux qui échappèrent voulant utiliser des barques, se jetèrent dans l’étang marin et s’entremêlèrent. Mais les Francs sur des navires et armés de javelots, se ruèrent sur eux et les noyèrent dans les eaux. Ainsi vainqueurs... les Francs prirent beaucoup de butin, firent une multitude de captifs et ravagèrent... tout le pays de Gothie (1)”



Mais revenons sur nos deux mots clés. Gratias : en action de grâce pour la victoire, deume : la dîme des poissons offerte par les pêcheurs des étangs à Notre-Dame-des-Oubiels... Le plateau de Gratias devenait dans l’interprétation de Mgr Barthe de Portel (1912), un “monument d’action de grâces” en l’honneur de la Madone des Oubiels, cette “Reine de la Victoire reconnaissante” qui mit fin à la domination sarrasine. Mais chacun opère la lecture qui lui convient…/… Pour se livrer à un Cers qui déracine ou se couler dans la fluidité des choses.
Au printemps, le vent s’y répand comme une lumière et remplit tout le paysage. La feuille nouvelle de la vigne et du frêne, la pointe verte du figuier s’y balancent comme des brindilles de clarté dans le soleil du matin. Une grande paix frémit dans l’espace, une brillance nous pénètre sans heurt. Debout, immobile dans le vent qui passe sur les pierres, avec comme seul objectif : l’ombre légère des nuages qui court sur l’échine des serres. Pulsation de la lumière pareille à un souffle, une respiration. Le vent nous rend à notre destin premier : la seule présence au monde.”

(1) " ... Charles Martel revint sous les murs de Narbonne, triomphant et chargé de dépouilles ; mais ennuyé de la longueur du siège de cette ville, et rappelé dans la Nord par la mort du roi Thierry IV, il abandonna la Septimanie, qu’il eût pu conquérir, brûlant et détruisant tout sur son passage, et ravageant cette malheureuse province, presque autant que les Sarrasins eux-mêmes, sous prétexte de leur ôter tout moyen de nuire." A. Ditandy.  

Port Mahon Sigean Wikimedia Commons Autor Jacques Le Letty
 

mardi 10 décembre 2019

BATAILLE DE LA BERRE (Auguste Ditandy / Lectures variées sur le département de l’Aude 1875)

Les Sarrasins, maîtres de la Septimanie depuis l’an 720, faisaient de fréquentes et terribles irruptions dans toutes les parties de la Gaule. En 721, conduits par El Samah, ils avaient formé le siège de Toulouse, mais avaient été repoussés par Eudes, duc d’Aquitaine, avec de si grandes pertes que leurs historiens appelèrent la route de Toulouse à Carcassonne la route des martyrs. 
En 725, leur général, Ambessa-ben-Soheim, remonta le cours du Rhône et de la Saône, entra en Bourgogne et pénétra jusqu’à Autun, qu’il saccagea et détruisit entièrement. 
Abd-el-Rahyman, renouvelant la tentative d’El-Samah, se jeta sur l’Aquitaine, prit Bordeaux de vive force, anéantit l’armée du duc Eudes sur les bords de la Dordogne, et après avoir ravagé le Périgord, la Saintonge, l’Angoumois et le Poitou, se disposait à pousser jusqu’à Tours, dans l’espérance de s’enrichir du pillage de la célèbre église de Saint-Martin, lorsqu’il fut écrasé à son tour près de Poitiers, par Charles Martel. 
En 736, appelés en Provence par le duc Madronte, qui voulait se soustraire à la brutale domination des Austrasiens, les Sarrasins s’emparent d’Arles, d’Uzès, de Viviers, exercent en Provence et jusqu’en Bourgogne, d’épouvantables ravages et font d’Avignon leur seconde place d’armes.

Charles Martel était alors occupé à combattre les Saxons. A cette nouvelle, il accourt, avec son frère Childebrand, emporte Avignon d’assaut, passe tous les Sarrasins au fil de l’épée, pille la ville et la réduit en cendres (737). Il va mettre aussitôt le siège devant Narbonne, centre de la puissance musulmane dans la Septimanie, puis, apprenant qu’une armée de secours, envoyée par le gouverneur sarrasin d’Espagne, venait de débarquer sur les côtes, il marche à sa rencontre pour lui livrer bataille. 

Portel_Notre-Dame_des_Oubiels wikimedia commons Autor ArnoLagrange
Charles trouva l’armée ennemie campée dans une vallée des Corbières, près d’un ancien palais que les rois wisigoths avaient fait bâtir autrefois et qui portait le nom de ce pays. Amoroz, qui commandait les Sarrasins, s’était posté avantageusement sur les bords de la rivière de Berre, entre Ville-Salse et Sigean, à une demi-lieue de la mer, à sept milles au sud de Narbonne.

Charles se vit à peine en présence des ennemis qu’il fondit sur eux avec sa fougue habituelle, sans leur donner le temps de se reconnaître.  Les bandes légères des Sarrasins, quoique surprises, soutinrent d’abord avec fermeté le choc des lourds escadrons austrasiens. Mais la valeur irrésistible de Charles Martel décida bientôt de la victoire. Il tua de sa main le général ennemi. Aussitôt, saisis d’épouvante, les infidèles prennent la fuite. Les Franks les poursuivent vivement et en font un horrible carnage. En vain les fuyards cherchent à regagner leurs vaisseaux et se jettent précipitamment dans l’étang voisin pour se sauver à la nage ; les Franks, s’emparant de quelques barques, les suivent dans l’étang, les frappent de leurs piques ou les enfoncent dans l’eau : presque tous furent tués, noyés, ou faits prisonniers.

Charles Martel revint sous les murs de Narbonne, triomphant et chargé de dépouilles ; mais ennuyé de la longueur du siège de cette ville, et rappelé dans la Nord par la mort du roi Thierry IV, il abandonna la Septimanie, qu’il eût pu conquérir, brûlant et détruisant tout sur son passage, et ravageant cette malheureuse province, presque autant que les Sarrasins eux-mêmes, sous prétexte de leur ôter tout moyen de nuire.  

dimanche 1 décembre 2019

LES SARRASINS ENVAHISSENT NOTRE MIDI / 1ère partie 711 – 737

Préambule : cette chronique concernant plus particulièrement notre Sud est néanmoins liée aux articles plus généraux parus sur ma page :
1.      Malraux et son mysticisme annoncé pour le XXIième siècle.
2.      Finkielkraut : immigration et islam.
3.      Retour sur les mythes croisés du Moyen-Âge arriéré et de l’Andalus éclairé.   

Cavaliers arabes près du mausolée (1907) Musée de Narbonne . Wikimedia Commons. Artiste Henri Emilien Rousseau (1875 - 1933)
 C’est bien après les conquêtes (200 ans ?) que les Arabes eurent pour dessein de faire de la Méditerranée une mer musulmane, la religion désormais justifiant leurs succès. Dans le bassin occidental, cela correspondait à faire de la « mare nostrum » une « mare mauri », une mer des Maures.

En 711 le Berbère Tariq ibn Ziyad débarque dans le sud de l’Espagne pour une occupation qui durera près de 800 ans avant le dernier épisode de la Reconquista, le départ du roi Boabdil [1] laissant les clés de Grenade, sa capitale, aux rois catholiques. 
Leur présence en France et plus particulièrement dans le Midi a marqué la période 718-973. Elle se caractérise par la volonté d’installer les religionnaires de l’islam autour de la Méditerranée tout en menant des razzias afin de s’emparer des trésors chrétiens. Leurs incursions, vers Tours par l’Aquitaine ou Autun par la vallée du Rhône correspondaient à des raids pour piller les richesses de l’Eglise.
Leur présence conduit parfois à des alliances opportunes avec les seigneurs wisigoths ou provençaux, contre un autre chrétien, dans un contexte de domination, de conquête de territoire. Cela peut se produire aussi dans le cadre d’une sécession dans le camp arabe, comme celle de Munuza le Berbère, gouverneur du Nord de l’Hispanie, basé à Llivia en Cerdagne, donnant sa fille en mariage à Eudes d’Aquitaine et refusant dès lors de combattre les chrétiens.

Conquêtes et razzias des Sarrasins :
La Septimanie (Roussillon- Languedoc) attaquée 718.
Perte de Narbonne 719-721.
Bataille de Toulouse 721 (Eudes d’Aquitaine bat les Sarrasins).
Perte de Carcassonne 724-725.
Pillages monastère Lérins entre 728 et 739.
Perte de Bourges 731, pillage d’Autun, de Langres 731.
Pillage Lyon, Bataille de Bordeaux perdue par Eudes. Charles Martel gagne la Bataille de Poitiers[2], plus célèbre pour honorer notre « roman national »  (porté par Ernest Lavisse notamment) que pour la lutte contre les Infidèles 732.
Perte d’Avignon 735.  
Bataille de la Berre, non loin de Sigean, plus significative que celle de Poitiers, victoire de Charles Martel forçant les Sarrasins à se replier vers l’Espagne 737. 

Bataille de Poitiers 732 wikimedia commons Tableau (1837) de Charles de Steuben (1788-1856)


[1] Le roi Boabdil passant le col se retourna, la larme à l’œil, vers sa capitale perdue avant que le relief ne la cachât à jamais. « Pleure comme une femme pour un royaume que tu n’as pas su  défendre comme un homme » lui aurait dit sa mère. Pour ces raisons, le col se nomme « El suspiro del Moro ». Les élèves adoraient cette légende et le prof aimait d’autant mieux la raconter… 
[2] « Ils furent arrêtés par Charles Martel, près de Poitiers (732) » Malet et Isaac (ROME ET LE MOYEN-ÂGE / volume des classes de cinquième et quatrième, édition 1958).

samedi 9 mars 2019

LA SITUATION HISTORIQUE DES PAYSANS EN ESPAGNE.

Seulement des éléments de réflexion, des matériaux glanés surtout grâce au Net. Seulement le désir d'avancer dans cette réflexion surtout parce que son objet reste d'actualité.

1975. Vendanges dans les Corbières / Fonds André Cros/ Archives municipales de Toulouse.
Dans les années 60, par les vendangeurs venus d'Espagne et par les émigrés espagnols installés en Languedoc et plus particulièrement dans mon village dans les vignes, Fleury, une image avait filtré, me rendant concrète alors l'exploitation des pauvres par les riches. En corollaire, il y a aussi ce camarade de classe à Pézenas, André de son prénom mais je ne suis pas sûr, il habitait Castelnau-de-Guers. Tous les professeurs dont mon père qui me le citait presque pieusement en exemple, avaient beaucoup d'estime pour cet excellent élève dont les parents ne parlaient qu'espagnol. L'image qui me faisait plus d'effet que l'historique réalité de l'esclavage, était celle d'un propriétaire terrien passant en revue les journaliers réunis à l'aube sur la place du village. L'important personnage choisissait du geste qui aurait ou non droit au travail pour nourrir la famille... Marcher des heures parfois pour rejoindre le lieu d'une hypothétique embauche et, dans le meilleur des cas, repartir à la nuit vers son pauvre logis... 

Nous avons comme exemple l'abolition du servage en Russie en 1861 par le tsar Alexandre II préférant anticiper des ferments de révolte. Un geste fort mais bien trop insuffisant dans une société d'opprimés menés par une caste privilégiée. Un déséquilibre entretenu ne pouvant mener qu'à une rupture violente marquée par des révolutions dont celle, en Russie, durement réprimée, de 1905 et celle, réussie, de 1917. 

Parfois nous focalisons sur une situation sociale lointaine sans voir à nos portes des inégalités aussi criantes et inhumaines. Historiquement, la situation des paysans en Espagne fut aussi abominable qu'en Russie mais peut-être, de la part d'un bord qui se dit démocratique et libre, il est plus spontané de dénoncer la dictature rouge bolchévique qui en résulta, qu'une conséquence brune et fascisante sinon des inégalités qui perdurent quand la noblesse continue de posséder la terre, ce qui est encore le cas dans la plaine andalouse, puisqu'il s'agit du cadre de notre propos. 

L'esclavage est aussi normal que général chez les Grecs, les Romains. A leur suite, et en pointant du doigt la Méditerranée Occidentale, qu'en était-il chez les Wisigoths, ce peuple qui après avoir pillé Rome (410) resta maître de l'Espagne (1) jusqu'à la conquête berbère (711) ?

Voyage en Espagne (Théophile Gautier) Illustration de Gustave Doré.

Une minorité de riches accumulant toujours plus de richesses a besoin d'esclaves toujours en plus grand nombre (Code de Recceswinth / vers 650). Les propriétaires qui sont tenus de participer aux guerres doivent engager avec eux au moins un dixième de leurs esclaves (loi du Fuero Juzgo / 1241 / resté en vigueur encore fin XIXème). En échange les rois donnaient des terres que le vassal n'avait pas le droit de vendre. Par ailleurs, ces vassaux cédaient aussi des terres en échange d'une rente... le bien pouvait être repris en cas de cessation de paiement et sans que l'on tienne compte des sommes déjà versées... une procédure toujours d'actualité me semble-t-il... En regard de tous les codes et lois qui se succèdent (Fueros), la défense du droit de propriété reste essentielle. 


(1) les Romains leur concédèrent l'Aquitaine. Toulouse fut leur capitale. Après leur défaite contre Clovis (Vouillé 507) ils ne gardèrent que la Septimanie (Languedoc) au Nord de leur royaume (capitale Tolède).