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dimanche 1 décembre 2019

LES SARRASINS ENVAHISSENT NOTRE MIDI / 1ère partie 711 – 737

Préambule : cette chronique concernant plus particulièrement notre Sud est néanmoins liée aux articles plus généraux parus sur ma page :
1.      Malraux et son mysticisme annoncé pour le XXIième siècle.
2.      Finkielkraut : immigration et islam.
3.      Retour sur les mythes croisés du Moyen-Âge arriéré et de l’Andalus éclairé.   

Cavaliers arabes près du mausolée (1907) Musée de Narbonne . Wikimedia Commons. Artiste Henri Emilien Rousseau (1875 - 1933)
 C’est bien après les conquêtes (200 ans ?) que les Arabes eurent pour dessein de faire de la Méditerranée une mer musulmane, la religion désormais justifiant leurs succès. Dans le bassin occidental, cela correspondait à faire de la « mare nostrum » une « mare mauri », une mer des Maures.

En 711 le Berbère Tariq ibn Ziyad débarque dans le sud de l’Espagne pour une occupation qui durera près de 800 ans avant le dernier épisode de la Reconquista, le départ du roi Boabdil [1] laissant les clés de Grenade, sa capitale, aux rois catholiques. 
Leur présence en France et plus particulièrement dans le Midi a marqué la période 718-973. Elle se caractérise par la volonté d’installer les religionnaires de l’islam autour de la Méditerranée tout en menant des razzias afin de s’emparer des trésors chrétiens. Leurs incursions, vers Tours par l’Aquitaine ou Autun par la vallée du Rhône correspondaient à des raids pour piller les richesses de l’Eglise.
Leur présence conduit parfois à des alliances opportunes avec les seigneurs wisigoths ou provençaux, contre un autre chrétien, dans un contexte de domination, de conquête de territoire. Cela peut se produire aussi dans le cadre d’une sécession dans le camp arabe, comme celle de Munuza le Berbère, gouverneur du Nord de l’Hispanie, basé à Llivia en Cerdagne, donnant sa fille en mariage à Eudes d’Aquitaine et refusant dès lors de combattre les chrétiens.

Conquêtes et razzias des Sarrasins :
La Septimanie (Roussillon- Languedoc) attaquée 718.
Perte de Narbonne 719-721.
Bataille de Toulouse 721 (Eudes d’Aquitaine bat les Sarrasins).
Perte de Carcassonne 724-725.
Pillages monastère Lérins entre 728 et 739.
Perte de Bourges 731, pillage d’Autun, de Langres 731.
Pillage Lyon, Bataille de Bordeaux perdue par Eudes. Charles Martel gagne la Bataille de Poitiers[2], plus célèbre pour honorer notre « roman national »  (porté par Ernest Lavisse notamment) que pour la lutte contre les Infidèles 732.
Perte d’Avignon 735.  
Bataille de la Berre, non loin de Sigean, plus significative que celle de Poitiers, victoire de Charles Martel forçant les Sarrasins à se replier vers l’Espagne 737. 

Bataille de Poitiers 732 wikimedia commons Tableau (1837) de Charles de Steuben (1788-1856)


[1] Le roi Boabdil passant le col se retourna, la larme à l’œil, vers sa capitale perdue avant que le relief ne la cachât à jamais. « Pleure comme une femme pour un royaume que tu n’as pas su  défendre comme un homme » lui aurait dit sa mère. Pour ces raisons, le col se nomme « El suspiro del Moro ». Les élèves adoraient cette légende et le prof aimait d’autant mieux la raconter… 
[2] « Ils furent arrêtés par Charles Martel, près de Poitiers (732) » Malet et Isaac (ROME ET LE MOYEN-ÂGE / volume des classes de cinquième et quatrième, édition 1958).

vendredi 29 novembre 2019

QUESTION d’ACTUALITÉ / mythes croisés d'un Moyen-Age arriéré et de l'Andalus lumineux...

La Renaissance s'est tant voulue légataire d'un héritage antique de prestige qu'elle a considéré le millénaire la séparant de l'antiquité comme un bas-fond d'obscurantisme et d'ignorance. L'appellation "Moyen-Age" dit abusivement que ces mille ans auraient seulement été une parenthèse difficile, sombre, sale, obscurantiste et de régression.

Pain trempé dans du vin au Moyen Age Wikimedia Commons Auteur Unknown 14th
 
Difficile ? "A fame, bello et peste, libera nos Domine" : 
"De la peste, de la famine et de la guerre, délivrez-nous, Seigneur." 
La vision des disettes et famines ne doit pas occulter que si le paysan mangeait moins de viande que le seigneur, il disposait néanmoins, fut-ce moins souvent, de salaisons et de viande fumée pour agrémenter les légumineuses ou accompagner le pain, aliment de base. 

Sombre ? alors qu'entre le style roman ramassé, aux petites ouvertures et le gothique aérien aux grands vitraux parlants, on est passé de la prosternation religieuse, de la crainte des flammes de l'enfer à l'élévation mystique vers le paradis et la lumière ?

Sale ? alors qu'à la suite des Romains l'habitude des bains publics perdure, une fois par semaine et tous les jours pour les mains et le visage ? Finalement, avec les bains-douches encore dans les années cinquante c'était la même chose à notre époque. Et quoi qu'il en soit, la saleté est venue après, sous le roi-soleil par exemple. L'élite s'aspergeait de parfums pour tenter de camoufler les mauvaises odeurs... Les pores de la peau devaient rester fermés aux agressions extérieures et avant tout à la peste noire !.. Il était donc dangereux de se laver !

Detail of Les tres riches heures March Wikimedia Commons Auteurs Paul, Hermann & Jean Limbourg

Obscurantiste ? dans le sens de la rétention de la connaissance, du refus du changement et du progrès ? alors quid des mouvements hérétiques sans le ferment des idées ? alors pourquoi les premières universités, le roman courtois, la place de la femme ? et au chapitre des innovations, l'assolement triennal, la charrue, le collier d'épaules pour le cheval, la brouette, les boutons, les lunettes, l'horlogerie, le moulin à eau, la forge...

C'est bien qu'on ait oublié la signification profonde et péjorative de l'appellation "Moyen-Âge" pour ne retenir qu'un concept neutre d'âge moyen, ni bon ni mauvais en apparence et pourtant bien mieux que cela, car ni sombre, ni sale pas plus qu'obscurantiste et porteur, comme l'est chaque ère à son tour, des acquis du passé à transmettre !  

Et il ne faut pas surenchérir au prétexte que sans les traités arabes, la médecine européenne aurait stagné.   

A cause du romantisme, le XIXème siècle a justement rajouté le cliché idéalisé d'Arabes cultivés, brillants et bien supérieurs à nos Européens sales et obscurantistes. Un escamotage qui prévaut encore aujourd'hui.

Alhambra Granada wikimedia Commons Author Lettkow

Certes il y eut Averroes, Avicenne, les jardins de l'Alhambra, la mosquée de Cordoue, la transmission par leur entremise du bagage, des connaissances antiques, de la Grèce notamment... sauf que c'est cacher son ignorance derrière son petit doigt si on occulte l'esclavage, l'hégémonie islamique, la domination tyrannique que certains minimisent en prétextant que l'exploitation des territoires conquis ainsi que la gestion des terres étaient laissées à des locaux, des "collabos".

Déjà lorsque on s'extasie à propos de la gestion de l'eau sous un climat difficile, l'avis est plutôt péremptoire ! Sûr que les Berbères issus des oasis y sont pour quelque chose mais pas les Arabes, piètres agriculteurs et de toute façon enclins à faire travailler les vaincus.
Concernant l'esclavage, ce n'est pas parce que le capitalisme européen s'en est gavé pour déjà multiplier millions et milliards entre les XVème et XIXème siècles (1) qu'il faut taire, même sans parler ici des traites arabes transaharienne et de la côte swahilie, les filières européennes, ces slaves raflés en Europe Centrale, ces Blancs amenés à Verdun, centre de castration et marché aux humains renommé !

Concernant l'hégémonie religieuse, la rumeur insistante à propos d'une tolérance qui aurait duré des siècles ne résiste pas à la réalité historique.
Au IXème siècle, une islamisation violente a accompagné la mise en place de la domination arabe. De nombreux martyrs chrétiens en furent victimes. Conservatrice et intolérante, la charia est à l'origine de persécutions, d'expropriations de terres, d'extirpation généralisée des noms de lieu et des langues locales, de destruction des églises au profit des mosquées. Dans ces conditions la conversion massive des colonisés se comprend aisément. Avec la perte du statut de dhimmi, dans le meilleur des cas, ils n'avaient plus à payer l'impôt des infidèles (3,3 fois plus élevé que celui des musulmans). Contrairement au mythe entretenu de l'islam éclairé en Espagne médiévale, les trois religions n'ont pas cohabité en harmonie et la confrontation a même dépassé les Pyrénées, ce dont il sera question bientôt... 

Al_Andalus_geopolitico Wikimedia Commons Own work Author Bettyreategui / Pour Narbonne, "Harbuna" en phonétique arabe...
(1) vous remarquerez que je ne dis pas Espagne, Portugal, France, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas... parce qu'il est foncièrement malhonnête de faire endosser une responsabilité collective de l'esclavage à des peuples derrière lesquels se cachaient ces faiseurs de fric... des dominateurs qui se voudraient élite, qui se cachent d'ailleurs toujours, qui plus est, sous le vocable de "libéralisme" aussi hypocrite que partial s'agissant de la liberté d'accumuler des richesses déraisonnables au nom d'un sacro-saint principe simpliste de propriété individuelle...   

Sources et pour aller plus loin, entre autres :  
 https://histoirebnf.hypotheses.org/1378

https://www.franceculture.fr/histoire/des-paysans-sales-et-affames-a-lobscurantisme-cinq-cliches-sur-le-moyen-age

 https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Andalus