mardi 10 décembre 2019

BATAILLE DE LA BERRE (Auguste Ditandy / Lectures variées sur le département de l’Aude 1875)

Les Sarrasins, maîtres de la Septimanie depuis l’an 720, faisaient de fréquentes et terribles irruptions dans toutes les parties de la Gaule. En 721, conduits par El Samah, ils avaient formé le siège de Toulouse, mais avaient été repoussés par Eudes, duc d’Aquitaine, avec de si grandes pertes que leurs historiens appelèrent la route de Toulouse à Carcassonne la route des martyrs. 
En 725, leur général, Ambessa-ben-Soheim, remonta le cours du Rhône et de la Saône, entra en Bourgogne et pénétra jusqu’à Autun, qu’il saccagea et détruisit entièrement. 
Abd-el-Rahyman, renouvelant la tentative d’El-Samah, se jeta sur l’Aquitaine, prit Bordeaux de vive force, anéantit l’armée du duc Eudes sur les bords de la Dordogne, et après avoir ravagé le Périgord, la Saintonge, l’Angoumois et le Poitou, se disposait à pousser jusqu’à Tours, dans l’espérance de s’enrichir du pillage de la célèbre église de Saint-Martin, lorsqu’il fut écrasé à son tour près de Poitiers, par Charles Martel. 
En 736, appelés en Provence par le duc Madronte, qui voulait se soustraire à la brutale domination des Austrasiens, les Sarrasins s’emparent d’Arles, d’Uzès, de Viviers, exercent en Provence et jusqu’en Bourgogne, d’épouvantables ravages et font d’Avignon leur seconde place d’armes.

Charles Martel était alors occupé à combattre les Saxons. A cette nouvelle, il accourt, avec son frère Childebrand, emporte Avignon d’assaut, passe tous les Sarrasins au fil de l’épée, pille la ville et la réduit en cendres (737). Il va mettre aussitôt le siège devant Narbonne, centre de la puissance musulmane dans la Septimanie, puis, apprenant qu’une armée de secours, envoyée par le gouverneur sarrasin d’Espagne, venait de débarquer sur les côtes, il marche à sa rencontre pour lui livrer bataille. 

Portel_Notre-Dame_des_Oubiels wikimedia commons Autor ArnoLagrange
Charles trouva l’armée ennemie campée dans une vallée des Corbières, près d’un ancien palais que les rois wisigoths avaient fait bâtir autrefois et qui portait le nom de ce pays. Amoroz, qui commandait les Sarrasins, s’était posté avantageusement sur les bords de la rivière de Berre, entre Ville-Salse et Sigean, à une demi-lieue de la mer, à sept milles au sud de Narbonne.

Charles se vit à peine en présence des ennemis qu’il fondit sur eux avec sa fougue habituelle, sans leur donner le temps de se reconnaître.  Les bandes légères des Sarrasins, quoique surprises, soutinrent d’abord avec fermeté le choc des lourds escadrons austrasiens. Mais la valeur irrésistible de Charles Martel décida bientôt de la victoire. Il tua de sa main le général ennemi. Aussitôt, saisis d’épouvante, les infidèles prennent la fuite. Les Franks les poursuivent vivement et en font un horrible carnage. En vain les fuyards cherchent à regagner leurs vaisseaux et se jettent précipitamment dans l’étang voisin pour se sauver à la nage ; les Franks, s’emparant de quelques barques, les suivent dans l’étang, les frappent de leurs piques ou les enfoncent dans l’eau : presque tous furent tués, noyés, ou faits prisonniers.

Charles Martel revint sous les murs de Narbonne, triomphant et chargé de dépouilles ; mais ennuyé de la longueur du siège de cette ville, et rappelé dans la Nord par la mort du roi Thierry IV, il abandonna la Septimanie, qu’il eût pu conquérir, brûlant et détruisant tout sur son passage, et ravageant cette malheureuse province, presque autant que les Sarrasins eux-mêmes, sous prétexte de leur ôter tout moyen de nuire.  

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