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vendredi 5 juillet 2019

LA DERNIÈRE CLASSE / Pour des langues régionales reconnues...


 Le village s’est adapté aux chaleurs estivales ; au mois de juin, l’heure d’été s’impose : les hommes partent à quatre heures vieilles pour sulfater et soufrer tant que le vent n’est pas levé encore. A onze heures la journée de longue est terminée : frais et changés, ils se regroupent au cagnard que la rage du soleil n’étouffe pas encore ; la preuve, pour les gens de passage, qu’on se s’en fait pas dans le Midi ! Nos vignerons et viticulteurs parlent de la santé des ceps, de la floraison bien sûr mais pas que, puisque, aussi, sinon plus incisifs que la gent féminine, ils colportent nouvelles et ragots.
Le 14 juillet, date charnière pour la saison à la mer qui commence mais pour un mois seulement et pour les femmes, les vieux, les gosses, parce que pour les hommes, à moto et surtout à mobylette, l’ouvrage continue dans l’océan de vignes, suivant un même emploi du temps.
Maintenant, comment ne pas évoquer ces récréations à rallonges de fin d’année, veille du 14 juillet ? Innocence d’un âge loin de se douter des bas instincts, de la filouterie du genre humain, d’une crapulerie congénitale à l’aune des grands principes clamés de liberté, d’égalité, n’en jetons plus… du bourrage de crâne patriotique avec la complicité inconsciente de générations d’enseignants, la duplicité, intentionnelle ou non, de littérateurs conditionnés…

« La dernière classe » c’est celle racontée par Alphonse Daudet dans ses Contes du Lundi :

« Mes enfants, c’est la dernière fois que je vous fais la classe. L’ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que l’allemand dans les écoles de l’Alsace et de la Lorraine… Le nouveau maître arrive demain. Aujourd’hui, c’est votre dernière leçon de français. Je vous prie d’être bien attentifs. »

[…] M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que c’était la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide : qu’il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient bien sa langue, c’est comme s’il tenait la clef de sa prison… »

Il est culotté Daudet, ce Petit Chose passé au Nord et qui, narquois, n’hésite pas à cracher sur l’Occitanie puisqu’une note fait référence à Mistral « …qu'un pople toumbe esclau, Se tèn sa lengo, tèn la clau Que di cadeno lou deliéuro. » (… qu’un peuple tombe esclave, s’il tient sa langue, il tient la clé qui des chaînes le délivre). 


Comment ne pas penser aussi à un Tomi Ungerer qui, bien que duplice (est monté à Paris recevoir ses légions de breloques) a exprimé une déception alsacienne à contre-courant :
« … Après la guerre ça ne valait guère mieux. Bon on s’attendait à une libération… On appelle ça libération avant que ça arrive, une fois que c’est arrivé c’est plus de la libération parce qu’alors là pour un mot d’alsacien c’était une heure de retenue à l’école, y avait la même chose en Bretagne et ailleurs… » 

En 1999 la France a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, traité européen adopté en 1992.
En 2014, les députés voudraient, le président Hollande ayant promis en 2012, mais les sénateurs rejettent en 2015 tandis que le Conseil Constitutionnel rechigne à l’idée de triturer la Constitution… Ce doit être sacrilège alors qu’il ne reste que 30 articles inchangés sur les 92 de 1958 ! 

« La Charte ayant été signée mais pas ratifiée, la France n'a mis en vigueur aucun engagement. »   

« France mère des arts, des armes et des lois… » pleurnichait Du Bellay l’Angevin, contemporain de l’ordonnance de Villers-Cotterêts en faveur du français. Permettez que le Languedocien ne relève que la promotion de la langue française aux dépens du latin et non des langues autochtones, souffrez que l’Occitan ne retienne que la France des armes et des lois. Sous cet angle là, les paroles des chansons récemment évoquées ici, de Claudi Marti et de La Sauze, ne passent pas pour aussi outrancières qu’il y parait…    


mercredi 26 juin 2019

LA DERNIÈRE CLASSE (3) / La centrale atomique ou un Kourou bis ?


La dune aux Cabanes-de-Fleury 2019.

Quand vejeron aco an dit « A Las Cabanos i a de pescaires, n’en pas per de tems ». Commenceron de pintrar las plancartas, per perdre los toristos, a fotre de pertot « Toristos deforo ! » (Quand ils virent ça, ils dirent “Aux Cabanes ils n’en ont pas pour longtemps ». Ils commencèrent à badigeonner les panneaux indicateurs et à foutre partout « Touristes dehors ! »). E puèi, aven heritat dals trobadors la convivialitad, la convivienço, l’art de viure ensemble (Mais c’est que des troubadours nous avons hérité la convivialité, l’art de vivre ensemble).  
A Sant-Pèire e a Las-Cabanos, sen estats lous doublidats. An dit en premier « anan futre una centrala nucleari dins las terras saladas (A Saint-Pierre et aux Cabanes nous avons été les oubliés. En premier ils ont dit « on va foutre une centrale atomique (1) dans les terres salées). Tot lo monde gueulet. Alors an dit « anan faire Kourou » aco tabe marchet pas. Apuèi lo projet Nysa, 5000 lits a Las-Cabanas e 25000 a Vendres, creatiu de la 7èma estaciu dal litoral e aco se faguet pas (Tout le monde a gueulé, alors ils ont dit « On va faire Kourou : ce qui aussi ne marcha pas. Ensuite la création de la septième station du littoral avec le projet Nysa qui lui aussi ne vit pas le jour). Sen demorat piots como eron me pas completomen. Quand fasen la sardo a Las-Cabanas, i a de monde que vol manjar de sardos ame los dets (Nous sommes restés bêtes comme devant mais, pas complètement. Quand on fait la sardo aux Cabanes, ils sont nombreux à vouloir les manger avec les doigts, les sardines). N’i a qu’an d’argent de resto. Lo riche aimo s’encanaillar ame lo pople. Y metetz de sardas, fasetz la tonada, fasetz cuire de cagaraous, los besetz arrivar ame de els atal… cal pas dona ni la recetta ni l’endreit […] que demorario pare mai ! (Y en a qui ont de l’argent de reste. Le riche aime s’encanailler avec le peuple. Vous lui mettez des sardines, la thonade, vous faites des escargots et les voilà qui arrivent avec des yeux comme ça… mais faut pas donner la recette ni l’endroit […] qu’il ne resterait plus rien !)  


  Ero l’epoqua de la lutta contre lu toristo. Lo premier sioguet Marti de Carcassouna […] A escrit « La Florida occitana » (C’était l’époque du rejet du touriste. Le premier fut Marti de Carcassonne […]. Il a écrit « La Floride occitane ») :

« … Tous les bouseux et leur famille Le long des plages C’est bien fini ! »

Claudi Marti 2009 Commons wikimedia Auteur Llapissera.
[…] C’était l’époque du camping sauvage, des vacances gratuites à la mer. Il faut arrêter d’accueillir ces vacanciers traditionnels qui ne payent que 1500 euros à l’année ! Le riche veut camper à 1500 euros la semaine ! Du coup tous les campings passent à l’hôtellerie de plein air à 1500 la semaine. Des mobil-homes vite amortis. Une société Capfun vient d’acheter à la fois le camping des hamacs aux Cabanes et celui de la Grande-Cosse.
Les illuminés au niveau de l’administration ont dit « Mais c’est des gitans ! » D’abord ils font passer une commission pour l’esthétique qui enlève les étoiles disant c’est le musée des campings. Ils veulent des toits à deux pentes, des toits plats ils n’en veulent pas. L’administratiu dis si va fasetz pas doubrires pas ! A St-Peiré se son plegats. A Las Cabanas, soun testuts coma de miols. (L’administration dit que si ce n’est pas fait, vous n’ouvrirez pas ! A Saint-Pierre, ils ont cédé. Aux Cabanes ils sont têtus comme des mules). Lo camping es interdit « avis défavorable des commissions de sécurité ». Mon rôle est de dire aux campeurs que je vais le fermer. Je peux ne pas le fermer, ce que je vais faire. Sei testut ieu tabe ! Mè si lo camping pren foc, ieu vou en priso ! Voilà où on en est ! Arresti al mès de mars (Je suis têtu moi aussi ! Mais si le camping brûle, moi je vais en prison ! Et j’arrête au mois de mars [ses fonctions de maire NDLR][…]

(1) en plus du projet "Le Cap du Roc" à Port-la-Nouvelle annoncé en 1974 et abandonné un an après.   
à lire : 
https://www.midilibre.fr/2014/08/17/fleury-l-heureuse-oubliee-des-grands-projets,1038563.php

jeudi 22 février 2018

LA MER ENTRE PARENTHÈSES / St-Pierre-la-Mer, Les-Cabanes-de-Fleury.


Nous avons laissé Paulou, viticulteur en villégiature dans sa baraque de toile et de tôle, sur sa dune, les jumelles pointées sur un cargo au large, entre Sète et La-Nouvelle.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2018/01/mistral-fernandel-pagnol-arene-beart.html (30 janvier 2018).



La mer. Le symbole du bateau s’en trouvait joliment inversé car il n’était donné d’entendre, sobrement encore, que le désir de revenir pour ceux, ces émigrés de l’intérieur, qui avaient dû partir. Sauf que, loin de cesser, l’hémorragie a continué, plus fort encore à cause des crises du vin. Le pays saigné s’est rebiffé. Le Larzac qu’il fallait défendre a réveillé aussi la braise sous la cendre bonhomme des Languedociens. La colère, l’éveil des consciences a été instinctivement porté par la langue d’Oc avec le slogan « VIURE AL PAÏS », chanté par un instituteur de Couffoulens dans l’Aude :

« … Vos vau parlar d'un país
Que vòl viure.
Vos vau parlar d'un país.
Que morís[1]… » Claudi Marti (1940).

Le tenilleur aussi dut partir pour la ville. Lyon, de bons souvenirs quand même (normal à vingt-cinq ans) mais les barres d’HLM vingt-et-un jours une fois sans voir le soleil, ça ne s’oublie pas. Et vingt-et-un jours de décalage pour voir les bourgeons des platanes débourrer, un crève-cœur…
Bien sûr, à vingt-cinq ans, une tendre et douce, mignonne, cordon bleu, deux bambins adorables, le désir d’avancer sans « si » instillant le doute, l’envie de garder le cap sans chavirer ni sancir, sans même se douter que ça puisse tanguer… La vie emporte comme les flots vigoureux du Rhône. Mais quand le fleuve impétueux s’avoue impuissant à vous ramener au pays dans le Sud, le syndrome du bateau qui passe peut soulager. Romantisme ordinaire, aventure par procuration, baume au cœur néanmoins, en chanson encore…

« … Quand je vois passer un bateau
Je rêve de me foutre à l'eau
Et n'ai besoin d'autre Sésame
Que d'être là, à mon piano,
A rêver sur la gamme. » Guy Bontempelli (1940-2014).    

La mer. Le soir, une flottille de voiles latines part des Cabanes : les barques catalanes pour la pêche de nuit, au lamparo, pour des filets renflés de poissons bleus d’argent...
En été, le clair crépuscule et le Golfe faussement « tendre » vu du bord (avec le Cers, les vagues ne se forment qu’au large) ne peuvent évoquer les Travailleurs de la mer de Victor Hugo (1802-1885)


« … Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
 Il s'en va dans l'abîme et s'en va dans la nuit.
 Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien ne luit.
 Dans les brisants, parmi les lames en démence… » Les Pauvres gens.

Misère mise à part, même pauvre, notre Méditerranée sourit encore. Mais début septembre, pour la rentrée, les pieds à nouveau contraints, entre Rhône et Sâone, le sourire est crispé…  


[1] d = h × ( 12742 + h ) {\displaystyle d={\sqrt {h\times (12742+h)}}} « … Je vais vous parler d’un pays qui veut vivre. Je vais vous parler d’un pays qui meurt… »  

Photos autorisées : 
1. Une idée des baraques sur le sable à saint-Pierre-la-Mer 1952. 
2. pxhere cargo grossi. 
3. wikimedia commons barques catalanes Author Ville de Canet-en-Roussillon.