Le village
s’est adapté aux chaleurs estivales ; au mois de juin, l’heure d’été
s’impose : les hommes partent à quatre heures vieilles pour sulfater et
soufrer tant que le vent n’est pas levé encore. A onze heures la journée de
longue est terminée : frais et changés, ils se regroupent au cagnard que
la rage du soleil n’étouffe pas encore ; la preuve, pour les gens de passage,
qu’on se s’en fait pas dans le Midi ! Nos vignerons et viticulteurs
parlent de la santé des ceps, de la floraison bien sûr mais pas que, puisque,
aussi, sinon plus incisifs que la gent féminine, ils colportent nouvelles et
ragots.
Le 14
juillet, date charnière pour la saison à la mer qui commence mais pour un mois
seulement et pour les femmes, les vieux, les gosses, parce que pour les hommes,
à moto et surtout à mobylette, l’ouvrage continue dans l’océan de vignes,
suivant un même emploi du temps.
Maintenant,
comment ne pas évoquer ces récréations à rallonges de fin d’année, veille du 14
juillet ? Innocence d’un âge loin de se douter des bas instincts, de la
filouterie du genre humain, d’une crapulerie congénitale à l’aune des grands
principes clamés de liberté, d’égalité, n’en jetons plus… du bourrage de crâne
patriotique avec la complicité inconsciente de générations d’enseignants, la
duplicité, intentionnelle ou non, de littérateurs conditionnés…
« La
dernière classe » c’est celle racontée par Alphonse Daudet dans ses Contes
du Lundi :
… « Mes enfants, c’est la dernière fois que je
vous fais la classe. L’ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que
l’allemand dans les écoles de l’Alsace et de la Lorraine… Le nouveau maître
arrive demain. Aujourd’hui, c’est votre dernière leçon de français. Je vous prie d’être bien attentifs. »
[…] M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que
c’était la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide :
qu’il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce que, quand un
peuple tombe esclave, tant qu’il tient bien sa langue, c’est comme s’il tenait
la clef de sa prison… »
Il est culotté Daudet, ce Petit Chose passé au Nord et qui, narquois, n’hésite
pas à cracher sur l’Occitanie puisqu’une note fait référence à Mistral « …qu'un
pople toumbe esclau, Se tèn sa
lengo, tèn la clau Que di
cadeno lou deliéuro. » (… qu’un peuple tombe esclave, s’il tient sa
langue, il tient la clé qui des chaînes le délivre).
Comment ne pas penser aussi à un Tomi Ungerer qui, bien que duplice (est
monté à Paris recevoir ses légions de breloques) a exprimé une déception
alsacienne à contre-courant :
« … Après la guerre ça ne valait guère mieux. Bon on s’attendait à une
libération… On appelle ça libération avant que ça arrive, une fois que c’est
arrivé c’est plus de la libération parce qu’alors là pour un mot d’alsacien
c’était une heure de retenue à l’école, y avait la même chose en Bretagne et
ailleurs… »
En 1999 la France a signé la Charte européenne des langues régionales ou
minoritaires, traité européen adopté en 1992.
En 2014, les députés voudraient, le président Hollande ayant promis en
2012, mais les sénateurs rejettent en 2015 tandis que le Conseil
Constitutionnel rechigne à l’idée de triturer la Constitution… Ce doit être
sacrilège alors qu’il ne reste que 30 articles inchangés sur les 92 de 1958 !
« La Charte ayant été signée mais pas ratifiée, la France n'a mis en
vigueur aucun engagement. »
« France mère des arts, des armes et des lois… » pleurnichait Du
Bellay l’Angevin, contemporain de l’ordonnance de Villers-Cotterêts en faveur
du français. Permettez que le Languedocien ne relève que la promotion de la
langue française aux dépens du latin et non des langues autochtones, souffrez que
l’Occitan ne retienne que la France des armes et des lois. Sous cet angle là,
les paroles des chansons récemment évoquées ici, de Claudi Marti et de La Sauze,
ne passent pas pour aussi outrancières qu’il y parait…