Mardi 18 juin 2024.
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Bec_d'Allier 2010 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Skymatt |
Aude, Languedoc, Tchécoslovaquie, Ariège, Pyrénées, Océan Indien, Lyon, Brésil, ports familiers mais unique maison des humains. Apprendre du passé, refuser la gouvernance cupide suicidaire. Se ressourcer dans l'enfance pour résister, ne pas subir. Passer ? Dire qu'on passe ? Sillage ? Aïeux, culture, accueil, ouverture aux autres, tolérance, respect, héritage à léguer (amour, écoute, cœur, mémoire, histoire, arts...) des mots forts, autant de petites pierres bout à bout qui font humanité.
Mardi 18 juin 2024.
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Bec_d'Allier 2010 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Skymatt |
Mais
là, ce chaînage logique qui implose, ce maillon qui saute, cette
inquiétante éclipse d'entendement, cette tournure incontrôlée des choses, en roue libre, ce fil d'Ariane sectionné, que la
conscience, la mémoire, ne sont pas capables de reconstruire, de remonter. Soit, un trou
noir angoissant, une menace potentielle, épée de Damoclès à jamais
au-dessus de sa tête. Alzheimer. Concrètement, le bouchon du vase
d'expansion perdu, le moteur qui agonise ; des objets donc, mais qui
auraient failli afin de prévenir des ennuis autrement plus graves, de
santé ?
17 juin 2024. Est-ce une fatalité ? c’est dans la descente vers la vallée, au même endroit, alors qu'il laisse la file de voitures passer, que la seconde se met à craquer. Millau : c’est toujours beau de voir le Tarn au sortir de ses gorges. L'ancienne capitale du gant met à disposition des trottinettes et que voit-il, à son encontre, sur la voie dédiée, Saroman, le magicien noir du Seigneur des Anneaux… mais non, seulement cette barbe poivre et sel, roide, sinon, pardon, ce visage aussi sec que spectral lui rappelle Serge, le copain du village, un peu barde et asocial, mort chez sa mère à la soixantaine, pour n’avoir pas voulu soigner son diabète... sur les rives du Tarn, un spectre solitaire pour l'an passé ? Tout comme ce dernier rond-point qui fait grimper sèchement vers l’autoroute, là où, l’an passé, il avait condamné à mort sa machine ; il en demande pardon au camion… “ Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui… ”. Ce camion, le moyen de ne pas se couper du pays, de moins peser sur la famille qu'on vient visiter... Ce camion, une petite maison, un refuge pour son fils des îles, afin de lui inoculer le virus du vieux continent, cher à son père... À chacun de se partager, de se déchirer pour n'être qu'un...
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Aguessac_viaduc ferrovaire 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Père Igor |
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Aire-de-la-Lozere-été 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Sancta floris |
Chaque kilomètre gagné l'exorcise ce signe indien sauf que la direction tire à droite… pour voir si à l’aire de la Lozère (144.150 km 21h 40), le gonfleur serait en fonction : il ne s’agit pas de perdre de la pression parce qu’il manque l’embout ou parce que le compresseur n’est pas en état surtout que pour 4,5 à 4,7 kilos, il faut plus de sollicitation et de temps. Le gonfleur fonctionnait.
144.256 km 23h 47 avant Clermont-Ferrand : faute de voir le numéro de sortie (la fatigue aussi), il sort par erreur à droite (direction Lempdes). Ensuite, la traversée bien en tête, ça roule même si les Clermontois circulent encore... Riom, Aigueperse, Gannat, Saint-Pourçain-sur-Sioule, toujours plus loin jusqu’aux abords de Moulins préfecture de l’Allier.
Rester vigilant, la boisson à 32 doses de caféine a bien aidé, mais là, le flou gagne, il faut stopper les machines.
144.377 km. 2h du matin, bilan positif, 383 kilomètres parcourus.
(1) Les Saltimbanques Guillaume Apollinaire
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La Lergue à hauteur du Puech, under the Creative Commons Attribution 4.0 International license. Auteur Tournasol7 |
La Lergue, belle rivière méditerranéenne (affluent rive droite de l'Hérault au niveau de Canet : un dénivelé de presque 770 m. pour 45 km de cours), appelant fort à la baignade par une canicule estivale ; grâce à son échancrure sur les contreforts du Larzac, elle permet le passage de l'amphithéâtre languedocien vers le Massif Central, directement vers la capitale, par l'A 75, de son petit nom, la Méridienne.
Elle
passe à Lodève, la Lergue, et après la géographie, c'est l'histoire qui
s'impose. Oh un détail seulement, mais pas comme dit par un
révisionniste ; et puis c'est la faute à Sean Connery ; avec « Le Nom de
la Rose », au sein d'une sévère abbaye-forteresse bénédictine, l'acteur
joue l'opposition entre Bernard Gui, le terrible inquisiteur dominicain
et lui même, moine franciscain, d'un ordre bien plus proche des valeurs
chrétiennes de bonté et de tolérance, Guillaume
de Baskerville.
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L'Agitateur_du_Languedoc (Bernard Délicieux) tableau de Jean-Paul Laurens (1838-1921) Domaine public. Musée des Augustins Toulouse. |
Le personnage, scenario oblige, évoque
incontestablement Bernard Délicieux, qui, au début des années 1300 dans
le Midi, a défendu les Bonshommes prétendus hérétiques ainsi que les
béguins dissidents... une prise de position qui amena l'idée de
sécession au profit du roi de Majorque sauf que Philippe IV le Bel et la
papauté, une fois réconciliés, réitérèrent sur le Midi la duplicité sanglante pour
le pouvoir, le sabre et le goupillon. Bernard Gui (et non «
Bernardo » du film), évêque de Lodève, mourut en 1331 à
Lauroux, sa résidence campagnarde proche. Bernard Délicieux perdit le
procès contre Gui ; il périt vers 1320 dans son cachot de Carcassonne ;
en 1318, un siècle en gros après la sinistre croisade contre les
Albigeois, Narbonne, Capestang, Béziers, Lunel et Lodève eurent à subir
les buchers purificateurs de la dite “ Sainte Inquisition ”...
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Brebis_en_pâture_sur_le_Larzac 2013 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license Auteur Jean-Claude Charrié |
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Panoramic_view_of_Millau 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Author Krzysztof Golik |
Pas d’arrêt au fameux point-de-vue sur Millau de sa grande déconvenue de 2023, nul besoin de l’ongle noir au gros orteil gauche pour rappeler ses trous noirs du voyage raté de l’été passé : d'abord se prendre l'unique roc dépassant de la terrasse sur le canyon de la Dourbie, ensuite ce bouchon de refroidissement passé on ne sait où, fatal pour le joint de culasse mais qui pourtant mit fin à une entreprise risquée... une folie que de partir avec une enflure vite diagnostiquée phlébite…
«...Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...» Milly ou la terre natale. Lamartine, même si le pays, le paysage qui lui est cher, ne peuvent être confondus avec des « objets ».
(1) Les moutons, adaptés au dénuement des causses, fondements, par le passé, de toute une économie, vivrière grâce au fumier pour le potager et les céréales du paysan, industrielle avec la laine matière première du tissage en ville de cadis et de serges, agronomique dans la production de lait pour le roquefort, agro-manufacturière avec le travail des peaux à Millau, la fabrication du fromage entraînant le sacrifice des agneaux au sevrage... Que reste-t-il de cette économie traditionnelle ? Et qu'en est-il de la transhumance séculaire qui voyait monter les troupeaux du Bas-Languedoc ?
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Années 70 |
Et alors ? pourquoi se raccrocher à un vécu “ romaingaryesque ” ? Pourquoi tenir au récit de ce voyage en Tchéquie ? Mystère... À en rester coi... À moins que ce ne soit surtout un voyage en soi...
VOYAGE EN TCHÉCO (17 juin – 7 juillet 2024).
Lundi 17 juin 2024.
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Béziers, cathédrale, pont vieux under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Sanchezn |
143.894 km. Départ de son bout du Monde vers 17h 45. Arrêt pipi sur le terre-plein juste après le pont sur l'Aude. C’est malin ! Deux kilomètres à peine ! La ville non loin. L'arrivée est marquée par la vue magnifique, sur son éminence, de la cathédrale Saint-Nazaire ; l’accès par Tour Ventouse empêché, il faut aller jusqu’au rond-point de la route de Murviel, sinon cet itinéraire permettant de ne pas prendre la longue déviation autour de l’ouest de la ville reste pratique. Une pensée pour une concitoyenne jadis à la mer, en mini-jupette, aujourd'hui lestée par l'âge, dans sa maison sinon en maison à en croire un on-dit … et son fils ? qui se droguerait, suivant une source aussi douteuse... souvenir des Noy, Chantal et Robert, ses gentils collègues de Sérignan (profs d'Hist-Géo et SVT) partis si vite tous les deux. Sur le grand rond-point nord, il ne sait plus quelle évocation marque la célèbre feria de la ville, peut-être un empilement de tonneaux.
Sortie sans problème vers l’A75. Pézenas : l’ancienne nationale a gardé ses platanes mais les herbes ont repris le goudron… difficile d'évoquer la Dauphine bleue de papa, qui, le lundi matin, à 110 à l’heure, nous ramenait vers nos classes, vu qu’une inondation n'est jamais venue nous offrir un lundi sans école.
143.947 km, 19 h. Aire de Paulhan.
Après Clermont-l'Hérault, la
Lergue, pensée hélas pour cet autre collègue de Ceyras qui avait invité à
cueillir les olives. L’occasion, pour les couples amis, d’agrémenter le train-train par une
sauterie camping…. Et notre Indien se pense que peut-être, avec sa légitime, un tel exotisme, une telle “ co à bitation ” aurait conforté un
futur… elle n’avait pas voulu venir… sinon elle aurait accepté comme elle
acceptait le devoir conjugal sans jamais en prendre l'initiative, le désir, dans une vieille France résiduelle, devant émaner du mâle...
Le magasin Leclerc dessert toujours ce coin pas très avantagé mais si beau à
habiter, si empreint d’histoire et si passant, sans compter les camions, avec
les voyageurs de l’A75… un coin si joli pourtant, invitant vers le Cirque-du-bout-du-Monde,
les pivoines de la Buèges, le cirque de Navacelles, le causse de Blandas ou plus bas les ruffes, les terres rouges du lac du Salagou.
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Aya_Nakamura_-_2024 under the Creative Commons Attribution 3.0 Unported license Author VOGUE Taiwan |
Vieux il se voit, tout vieux, comme devant se plier à ce corollaire de soldes « Tout doit disparaître ! ». Des ennuis de santé, des amis, des connaissances qui meurent de cancers impitoyables, un fils qui prend son envol, des signes de vie parfois trop facebookés chez ses contemporains, des arbres, une planète qui agonisent, la télé et radio d'État, un parasitisme politique... pas de problématique hiérarchisée dans cette liste, il dit comme ça vient, en se défendant de végéter, en essayant de réagir, en se disant que le « JE », le « MOI JE » peuvent passer pour non haïssables... surtout que France Inter veut marquer l'été avec Romain Gary, personnage au sens plein du terme, jouant d'une personnalité multiforme, d'une ambition, d'un égoïsme, d'une arrogance, d'une versatilité, sans parler de sa mythomanie et mystifications, nauséeuses (mais ce n'est qu'un avis personnel d'écrivaillon qui se voudrait seulement narrateur)... Ne parlons pas du Soleil de Platon qui nous carbonise les neurones... heureusement que les formes voluptueuses d'Aya Nakamura sont là pour rappeler le primordial du vivant...
Et
alors ? pourquoi se raccrocher à un vécu “ romaingaryesque ” ? Pourquoi tenir
au récit de ce voyage en Tchéquie ? Mystère... À en rester coi... À moins que
ce ne soit surtout un voyage en soi panaché des autres, plus ou moins proches...