dimanche 5 février 2017

SE CANTO, QUE CANTE... / Et si février marquait la fête nationale occitane ?


S’il chante, qu’il chante... mais qu’il chante pour moi, pas comme dans ce qui ne fut longtemps qu’une chanson, devenue, seulement au siècle dernier, par la force des choses sinon par la bêtise jacobine et bornée, le creuset d’un reflux identitaire. 


A l’heure d’une "ouverture sur le monde" (1) ( trop souvent mise en avant par l’ambition démagogique de tribuns vaniteux et caressant ce que la plèbe peut avoir d’idiot), cela pourrait passer pour un repli sur soi, une régression. Sauf que dans notre méfiance pour le gris faussement perçu pour trop blanc ou trop noir, la nuance prévaut.
Ainsi, pour quelle mauvaise raison la recherche de ses racines (2), de son identité, de ce que l’on est, nous fermerait-elle aux autres alors que de se connaître, de s’accepter favorisent, au contraire, l’ouverture ?
Et puis les coupables le revendiquent même, et avec quelle arrogance, quel mépris émanant de l’Île de France des barons du Nord, si assimilateurs lorsqu’il s’agit des provinces à garder sous leur coupe et si opposés à l’acculturation s’agissant des allogènes...
Contrairement à ce qui fait gonfler le jabot des quelques coqs braillant vers le ciel sans se préoccuper du fumier qu’ils traînent aux pattes, la France ne s’est pas toujours distinguée concernant les progrès pour l’humanité. Évoquer les Lumières d’un second dix-huitième-siècle ne suffit pas. Ne sont-ce pas les États-Uniens qui ont les premiers institutionnalisé les droits de l’Homme dans la Constitution ? Le pays n’a pas été exemplaire, non plus, concernant, par exemple, le droit de vote accordé aux femmes...  exemples non exhaustifs... 

Alors, cette prétendue tradition... avec cette manière de gouverner loin d’être vertueuse. Trahissant l’esprit même de la République. Quand les politicards confisquent l’État à leur seul profit, quand les serviteurs et autres grands commis servent leurs intérêts et leur carriérisme avant tout, quitte à agir en véritables ennemis du peuple. Dans cette ambiance rappelant à certains et non sans raison, la décadence de l’Empire Romain (3), avec ce fond jacobin et quelque peu facho contre l’autonomie des provinces (piteux et honteux aussi dans l’abandon cynique de l’Outremer), la cristallisation du malaise se matérialise, la revendication identitaire ressemble de plus en plus à une prétention sécessionniste.
« Se canto », le chant attribué à Gaston Phoebus et qui nous en dirait davantage si la datation des versions italiennes le confirmait, devenu chant de ralliement, a atteint le symbole d’hymne national :     

Dessús ma fenèstra
I a un ameliè
Que fa de flours blancas
Coumo de papièr

Aquelas flours blancas
Faràn d’amellous
N'emplirem las pòchas
Per ieu e per vous (4)

Et que dit-il cet hymne d’Occitanie ?
Qu’au-dessus de ma fenêtre, il y a un amandier qui fait des fleurs blanches comme du papier, que ces fleurs blanches feront des « amandines » (5) qui rempliront nos poches pour moi et pour vous (remarquez l’impolitesse sinon le machisme de l’époque faisant passer celui qui parle avant l’amoureuse de ses pensées)...
À la roideur du chêne francilien de Louis IX dit saint, s’oppose la persévérance noueuse de l’amandier occitan longtemps oublié sur les marges (talus plus particulièrement des vignes) mais qui s’obstine, encore en hiver, à faire fleurir l’espérance. 



(1) formule vaseuse surtout pour ces hérauts trompetant bêtement la tradition "droit-de-l’hommiste"» de la France... dans un même élan, pourquoi ne défendent-ils pas la tradition de juger des animaux mis en prison et souvent soumis à la question, comme ce fut le cas pour des coqs, des chats, des chiens, des chèvres, des porcs, des chevaux sinon des mulets, un taureau coupable d’avoir encorné un enfant ?
(2) Brassens ? j’adore... oui mais je fais la moue et ne partage pas ses « imbéciles heureux qui sont nés quelque part ».
(3) « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans » Charles Baudelaire.
(4) graphie d’inspiration mistralienne.
(5) amande fraîche, à peine formée (mois de juin). 


samedi 4 février 2017

ON Y ARRIVE, ENCORE UN EFFORT ! / Messager des jours meilleurs...





Petit air frais sur la route. Plutôt prendre le vélo, parce que, chez Jean-Pierre... Trop peu d’exercice, trop de bide, et ce coteau qui essouffle. En haut, ça va mieux même s’il fait chaud sous les habits d’hiver. Oh ! un amandier mais ce n’est pas le moment de lambiner, parce que, chez Jean-Pierre... les photos, nous verrons au retour. 


La table est déjà mise. Une anisette pour se remettre... Lui prend un porto...
Ils étaient au Perthus, hier... Ah ! je me souviens de ces marchands de vins liquoreux dans des boutiques avec deux ou trois rangs de tonneaux empilés, qui vous le vendent au litre... Ils ont trouvé du ris de veau aussi...

Des toasts avec une pommade de champignons au cumin accompagnés de chardonnay.
S’il a fait gris ces jours-ci, la pluie manque toujours. Et ces nuages sur le Somail, c’est le Cers (1) qui va laver le ciel, le soleil va revenir...

L'entrée à présent, encore une crème brune de psalliotes sur des noix de saint-jacques avec, en surface, ce que je prends pour une fleur incarnat, des oeufs de lump en fait...
Et cette saison des pluies qui ne veut pas venir à Mayotte... 

Jean-Pierre débouche un La Livinière, un Minervois...
Vous avez-vu ? Fillon... c’est vrai que le temps des apparatchiks de la politique, omnipotents et enrichis est dépassé...

Un Sainte-Eulalie, 2011... Avec un civet de cerf, bien noir, bien tendre (il devait pas avoir de grands bois), on dirait pas qu’il titre 14 degrés...
Oh, à Mayotte, aussi français qu’ici, ils savent comment confisquer la démocratie et profiter des rentes de situation qui s’offrent aux deux grosses écuries de l’alternance monopolistique, sans parler des outsiders... c’est que les places sont bonnes...

- Et ce fromage ?
- Un saint-Marcellin... on en prend quand on passe par là-bas... Tu ne prends que ça ?..
- Les amandiers ? Juste après la croix de Saint Géniès, celui tout de suite à droite fleurit toujours quinze jours avant les autres !..  


Fameux à réjouir un Anglais, ce porto brun et épais, de douze ans d’âge. Francine s’occupe des crèmes catalanes. Elle part avec un rétroviseur de mobylette on dirait... pardon, le fer pour caraméliser.
- Méfie-toi que même à vélo, ils peuvent te sucrer le permis !
- Sur nos chemins vicinaux ? Ils ont autre chose à faire avec la période que nous subissons; Vous avez vu ? ce terroriste qui, avec des machettes, a attaqué des militaires au Louvre ?

Plutôt que de partir papillonner les amandiers en fleur, le maître de maison part ramasser des ceps arrachés... idéales ces souches pour la cheminée et la braise aussi, si parfumée... Parce que chez Jean-Pierre...

 
(1) le Cers qui se renforce dans le couloir suivi par l’Aude, entre la Montagne Noire et les Corbières, pourrait être considéré comme le "petit frère" du Mistral, attiré, comme lui, par des basses pressions au large du Golfe du Lion. Bien que le nom « Cers », un des plus vieux noms de vents de France, nous vienne des Romains, nos chers présentateurs météo et peut-être les ingénieurs météorologues persistent à l’appeler "tramontane" !   

dimanche 29 janvier 2017

SINGULIERS PLURIELS.../ Montpellier, Sète, Languedoc...


Est-ce en 1968 ? un ou deux ans après ? Il ne sait plus et puis qu’importe. Il sait seulement que c’est un jour d’été, annoncé par des les virages serrés et criards des martinets, dans un ciel pur, de lumière inondé.  


L’esplanade. Au fond de la perspective, le temple grec gardien des eaux. Les feuilles vernies des marronniers et leurs grandes fleurs qui l’égarent vers une improbable dame aux camélias. Son père l’a déposé à l’entrée de la Promenade. Il est à Montpellier pour une commission qui examine et  rattrapera peut-être des résultats qui pourraient passer. Journée repêchage non seulement pour des bilans ric-rac au bac mais aussi pour des relations père-fils plutôt grippées, d’où le prétexte pour la balade. 

Il a même prévu un itinéraire retour par Sète et le bord de mer. Seraient-ils natifs, ils ne se lassent pas des visages changeants de la Grande Bleue. Le passage par la corniche complète à merveille l’aller avec Molière et Lapointe à Pézenas, les huîtres et les moules de Mèze et Bouzigues sur le Thau. Après le port, les chalutiers à quai, le belcanto des ravaudeurs et ces terrasses de cafés qui chantent le mezzogiorno, le Mont-Saint-Clair expose son cimetière marin vers le soleil et le large, par-delà les criques. Midi l’implacable brûle des feux de l’impatience. Entre le souffle trop léger, trop chaud des terres et les signes d’une brise marine devant tourner sous peu, c’est à peine s’il flotte un air poétique, c’est pourtant là que repose Paul Valéry, l’homme singulier de l’île singulière, revenu au pays, en dernière extrémité.

« Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !.. »

Vers Agde, en suivant le lido, le souvenir évanescent du poète s’est vite fondu dans les volutes d’air brûlant. On n’est pas sérieux quand on a dix-huit ans et que l’été appelle...

Il a fallu Brassens, sa complainte pour être enterré sur la plage de Sète et surtout, barrant l’espace, la silhouette du Mont Saint-Clair, en pendant des Albères, à l’opposé. Valéry d’un côté, Machado à Collioure, ouvrant ensemble le Golfe du Lion, en éventail, au-delà des "focs qui picorent"... Tant d’années il a fallu, pour que, auprès de ces grands hommes, bourgeonnent des idéaux de conscience, de libertés, si éloignés, foulés aux pieds, même, aujourd'hui, par les dirigeants carriéristes et bestiaux qui, toute honte bue, nous gouvernent... 



crédit photos commons wikimedia : 
1 Château d'eau du Peyrou, Montpellier auteur Christian Ferrer.
2 Promenade du Peyrou auteur Pierre Selim.
3 Sète Le Port auteur Christian Ferrer.
4 Sète cimetière marin auteur Fagairolles34.  
5 Sète cimetière marin tombe de Paul Valéry aut Fagairolles34.  
6 Antonio Machado  
7 Collioure auteur Henning Dippel 

mardi 24 janvier 2017

LE HUBU-HUBU, jolie liane de Mayotte




Elles ressemblent à des petites oranges, verruqueuses, plus ou moins passées, haut perchées dans un arbre. Les locaux disent « hubu-hubu »... Ça ressemble à du kibushi, le parler malgache de Mayotte... Et en shimaoré ?

Alors demande à ta souris de chercher « fruit liane tropicale » et tu te retrouves aussitôt transporté au... Sénégal avec le ou la Saba Senegalensis. 



Wikipedia te dis que son fruit est appelé zaban, malombo, maad et made ou wèda. Ailleurs tu lis que si certains palais plus nordiques les trouvent trop acides, les locaux, eux, apprécient ces petites oranges spéciales. Une nana genre « Out of Africa » trouve qu’avec du miel... Elle ne cueille que les fruits tombés et laisse la production aux singes verts, du moins pour ce qu’ils peuvent attraper... Un proverbe local, peut-être dû à un fabuliste du cru lecteur de La Fontaine, nous répète que le singe vert qui regarde ces maads inaccessibles, se console en disant qu’ils sont trop amers... et certainement bons pour des goujats ! La femme blanche dit encore qu’elle en a beaucoup si Moussa passe. Il sait grimper lui ! Même qu’il raconte que si les branches cassent, ça n’arrive pas à la liane, très solide et qui fait rebondir en amortissant la chute... Il doit savoir de quoi il parle...

Ne me demandez pas comment, avec ma souris, je me suis retrouvé de l’autre côté de l’Afrique avec une espèce locale de la liane, Saba Comorensis localement appelée Tandri hubuhubu (liane hubuhubu (1)). Je suppose que, depuis Madagascar, au Mozambique, au Kenya, on doit la nommer autrement. En Tanzanie, à Pemba ou Zanzibar, vers les marches du royaume de Saba, les langues apparentées au swahili parlent de «bungo» ou «mbungo», pluriel «mabungo».

Wikipedia en anglais précise bien le genre Saba, famille des Apocynaceaes, pour un fruit de la couleur d’une orange mais à la peau coriace renfermant des pépins entourés de pulpe et qui rappelleraient, en petit, le noyau de mangue. Ne serait-ce pas plutôt comme la pomme cannelle ou mieux comme la fève de cacao ?

Quoi qu’il en soit, le jus en serait délicieux, entre la mangue, un agrume et l’ananas, et bien sûr très apprécié. Je vous dirai bientôt... 


On en oublierait presque que si la liane ne fait l’objet que d’une « préoccupation mineure », près de la moitié de la flore originale de Mayotte est menacée de disparition. En cause la disparition des zones naturelles, les défrichages abusifs de la forêt (pression démographique accentuée par la présence nombreuse de clandestins), de la mangrove (les autorités peuvent en être coupables), les cueillettes illégales (plantes, bois précieux), la colonisation par des « pestes » végétales exotiques, la surfréquentation touristique comme en haut du Mont Choungui.

Comment en faire abstraction, même devant un verre de jus aussi sauvage que frais ?    


(1) traduction Mariama.  





photos 1 Saba_senegalensis / commons wikimedia / auteur T.K. Naliaka
2 Saba_comorensis Author Franz Eugen Köhler in Kölher's Medizinal-Pflanzen 
3 Saba_senegalensis / commons wikimedia / author Atamari
4, 5 et 6 Mariama de Mayotte (janvier 2017).

dimanche 22 janvier 2017

Paul Valéry, un singulier horizon...

"Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes…" Le Cimetière Marin (1920) 


Poète reconnu, Paul Valéry (1871 - 1945) est aussi un essayiste d'un modernisme certain. Tenant formellement à se démarquer des philosophes  « Je lis mal et avec ennui les philosophes, qui sont trop longs et dont la langue m'est antipathique. » (Cahiers T1 p. 197), près d'un siècle après, Valéry reste d'une étonnante actualité :

“Il faut rappeler aux nations croissantes qu'il n'y a point d'arbre dans la nature qui, placé dans les meilleures conditions de lumière, de sol et de terrain, puisse grandir et s'élargir indéfiniment.” Paul Valéry / Regards sur le monde actuel. 1931.

“La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.” P. Valéry / Rhumbs.

"Les grandes vertus des peuples allemands ont engendré plus de maux que l'oisiveté n'a jamais créé de vices." Paul Valéry / Variété I (1924) la Crise de l'esprit.  



Ce natif de Sète, "l'île singulière", étonne par une perception prémonitoire non endiguée par une pensée unique sur bien des points propagandiste. Un homme à étudier, empathique et sans emphase... un penseur rare, singulier...