lundi 4 janvier 2016

PAGNOL AUSSI ÉTAIT INVITÉ POUR NOËL ! / Fleury d'Aude en Languedoc


Ces jours-ci, la télé a contribué à nous garder dans l’atmosphère de Noël, avec notre Midi en place d’honneur, grâce, notamment aux films d’Yves Robert, tirés des souvenirs d’enfance de Pagnol : « La Gloire de mon Père », « Le Château de ma Mère ».

    Dans l’extrait joint, l’air de rien, l’auteur nous donne à voir un large aperçu des traditions avec, dans la cheminée, un cérémonial de la bûche accompagnée des voeux "A l’an que vèn, si sièn pas maï, que sioguèn pas mèns" version Lili, le copain des collines qui passe le réveillon chez Marcel. Sur la table de fête, les treize desserts de Noël qui tiendront lieu de réveillon.
    On sent l’omniprésence de la religion, mais apaisée, le goupillon sans le glaive et le fanatisme de l’inquisiteur (1). Certes, la perception qu’en a Pagnol est anachronique, les souvenirs d’enfance datant de 1957-58. Et puis n’a-t-il pas eu, deux ans avant, l’imprudence (l’impudence aussi) d’écrire « Judas » pour le théâtre, une pièce reçue par les catholiques en tant qu’apologie du traître, ressentie par les juifs en tant qu’expression antisémite ? Si le sujet reste toujours aussi difficile et délicat à aborder, il est plus que nécessaire de réfléchir, plus d’un siècle après ce Noël dans la garrigue marseillaise, alors que des monothéismes agressent, s’autorisent le prosélytisme, étouffent et confisquent le libre consentement, imposent même sous peine de mort.

    Dans ces souvenirs, les traditions chrétiennes ont au contraire, tout perdu de leur tyrannie.
    Lili, le petit paysan qui réveillonne chez Marcel, témoigne que son père n’a pas peur de regimber contre Dieu  : « Mon père il dit que c’est un jour (Noël) comme les autres jours.../... il n’y va pas (à la messe) jusqu’à ce qu’il pleuve, parce qu’il dit que le bon dieu, il faut qu’on lui fasse comprendre ! ».
    Chez Pagnol, l’aspect pratiquant, le minuit très chrétien, entrent en scène avec l’arrivée tonitruante de l’oncle Jules, père Noël en pelisse de motocycliste (2) et qui en revient, lui, de la messe qu’il ne manque jamais : «... cette messe a été très belle ; il y avait une crèche immense, l’église était tapissée de romarins en fleur et les enfants ont chanté d’admirables noëls du XIVème siècle. C’est pitié que vous ne soyez pas venu ! »  
    On se doute que Joseph va réagir. Mais si la main d’Augustine, l’épouse, sur son épaule puis dans son dos, est censée prévenir tout écart, on suppute déjà que le père de Marcel sait, suivant les circonstances, mettre de l’eau dans son vin... L’heure n’est pas aux polémiques sur la papesse Jeanne et les turpitudes des Borgia ! (3)
Joseph : «... Je ne serais venu qu’en curieux et j’estime que les gens qui vont dans les églises pour le spectacle et la musique ne respectent pas la foi des autres... 
~ Voilà un joli sentiment ! » répond l’oncle Jules, plus conciliant et qui dit avoir prié pour eux.
Joseph poursuit après avoir évoqué le « Tout Puissant » pour ne pas nommer « Dieu » :
~ Je ne crois pas, vous le savez, que le créateur de l’Univers daigne s’occuper des microbes que nous sommes mais votre prière, mon cher Jules, est une belle preuve de l’amitié que vous nous portez... Et je vous en remercie.
¾ Joyeux Noël, mon cher Joseph ! » s’exclame chaleureusement l’oncle Jules.
Les deux hommes se serrent alors la main puis s’embrassent de toute leur amitié.

    Magnifique de communion, de fraternité ! Le voilà l’esprit de Noël à l’origine et quelles que soient ses déclinaisons ! C’est vrai qu’à côté, la nouvelle année puis le gâteau des rois ne sont plus que des jours, de fête certes, mais des dates, seulement, sur le calendrier...   

(1) le Midi et en particulier le Languedoc ont eu à souffrir de la tyrannie des inquisiteurs, avec ses tortures, ses condamnations lapidaires, ses bûchers plus particulièrement liés à l’éradication du catharisme (Croisade des Albigeois).
(2) Mais qui vient d’appuyer son vélo dehors.
(3) dans le premier tome « La Gloire de mon Père » 1957.
 
https://www.facebook.com/Marcel.Pagnol.groups/videos/788495841262841/



Photos autorisées wikipedia commons 
1. anonyme / Marcel Pagnol portrait 1931. 
2. La Bastide Neuve aux Bellons (état actuel) by Fr.Latreille

samedi 2 janvier 2016

UN NOËL AUX CABANES-DE-FLEURY / Fleury d'Aude en Languedoc

Les Cabanes en 1975 avant le creusement des ports de plaisance, avec les baraques du camping sauvage avant et sur la plage. Au hameau, le château est bien visible ainsi que les parcelles géométriques de vignes. Les jetées de l'Aude sont orientées vers le nord. Aujourd'hui c'est le contraire et on se demande si cela ne cause pas l'érosion de la plage sur plusieurs kilomètres vers le sud et Saint-Pierre-la-Mer. (photo Hélène Marpaux autorisation Google images).   

    Est-ce parce que le Cers le prend à l’aise et forcit sans obstacle, en bas de la garrigue, sur un delta gagné par le fleuve, que les demeures des hommes se regroupent, ramassées sur elles-mêmes ? Est-ce parce que les pêcheurs étaient traditionnellement démunis ? On pourrait spéculer ainsi, en effet, à propos des maisons des Cabanes-de-Fleury, formant le hameau susdit. Et bien non, la raison en est historique.
    Ici, les habitations devaient être de plain-pied afin que cela ne gâchât point la vue du comte Pons Roger de Villeneuve, propriétaire du domaine de Saint-Louis. Notons que sans la complicité sinon le manque de rigueur de l’État, le comte n’aurait pu faire main basse sur de vastes lais et relais de la mer vendus par l’administration en 1820, au détriment des pêcheurs dont le métier se pratiquait, sûrement à cet endroit, depuis, au moins, l790 si l’on s’en tient à la prescription trentenaire qu’ils opposèrent alors au comte de Villeneuve.
    Pardon pour cette parenthèse mais les annales doivent reconnaître qu’il n’existe pas qu’un seul village de résistants en Armorique : le hameau des Cabanes a connu aussi sa révolte de gueux contre le nobliau tout puissant !

    Nous sommes donc un 24 décembre entre la reconstruction suite à la guerre et peut-être les années 60. Dominé par le domaine et aussi le Château (1), le hameau sur la rivière est entouré de vignobles : au damier des rues correspond celui des vignes séparées et protégées par des haies de carabènes.
    La nuit est tombée et il souffle un vent du diable. Dehors, pas une canadienne. On se réchauffe au coin du feu. Dans une de ces maisons rappelant encore, par la taille, les cahutes en roseaux du passé, une famille prépare Noël, justement. Ils n’ont qu’un fils. Ne sachant plus que faire pour lui être agréable, les parents ont combiné une rencontre du petit au pied de la cheminée avec le père Noël, en haut sur le toit. A un moment de la veillée, le père se débrouille donc pour s’éclipser puis grimper sur les tuiles.
    Avec ce vent, la nuit est des plus claires, le ciel, étincelle d’étoiles. Appuyé sur la souche, le père contrefait sa voix : « Tu as été bien sage ? » En bas, complice, la mère confirme que cela vient bien de la cheminée et que ce doit être le père Noël. Émerveillé, l’enfant lui prend la main et tous deux penchent la tête sous la hotte tandis que là-haut, le porteur de cadeaux répète : « Tu es sûr que tu as été bien sage ? ». C’est alors qu’en un éclair à peine, les traits du petit se relâchent... S’adressant à la mère et montrant la cheminée dans un sourire plein d’indulgence, il laisse échapper « C’est papa... ».
    Si l’anecdote ne raconte pas comment le père a réagi quand le charme fut rompu, elle retient néanmoins qu’il fut le premier a en faire rire les autres : « Et dire que je me suis gelé là-haut ! Et pour quel résultat ! ». 
    Moralité : le risque est grand de trop en faire pour entretenir la magie du père Noël ! Et si vous voulez en savoir davantage, partez donc enquêter aux Cabanes. Que vous trouviez ou non, vous rapporterez des souvenirs inoubliables de ce si joli bout du monde. Et entre nous, la vie serait si fade, pauvre et tellement triste sans ses parts de mystères... 

(1) un mystère supplémentaire dont un Roger contemporain aurait peut-être les clés... 


                                         Les Cabanes au fond / photo iha / autorisation Google Images;