1962, une petite fille en pleurs, 1963, je sors du collège historique de Pézenas (1597) : mystère en dehors des remparts mais, dépassant le repli moyenâgeux du château à l'abri de ses murs, la résidence du domaine de la Grange des Prés, carrément en rase campagne, lui est antérieure. (Comme le prisme des violences actuelles et l'Histoire forcément condensée nous portent à croire que le passé n'était que sang et batailles).
Aude, Languedoc, Tchécoslovaquie, Ariège, Pyrénées, Océan Indien, Lyon, Brésil, ports familiers mais unique maison des humains. Apprendre du passé, refuser la gouvernance cupide suicidaire. Se ressourcer dans l'enfance pour résister, ne pas subir. Passer ? Dire qu'on passe ? Sillage ? Aïeux, culture, accueil, ouverture aux autres, tolérance, respect, héritage à léguer (amour, écoute, cœur, mémoire, histoire, arts...) des mots forts, autant de petites pierres bout à bout qui font humanité.
mercredi 23 avril 2025
DÉTOURS dans les CORBIÈRES pour NOUGARO (fin)
Pézenas Façade du vieux collège Henri IV, avec, au dessus de mon petit bouchon, la plaque honorant Paul Vidal de la Blache
De petites rues étroites donc, avec des petits balcons de faubourg espagnol, dont un échangeant presque avec celui en face... Par une fenêtre ouverte s'échappe « Cécile ma fille ». Nougaro a poussé à jamais ma porte. C'est sous ce balcon que je crois entendre aussi « Je suis sous », mystère encore puisqu'en 1964, à la sortie de la chanson, je ne suis plus à Pézenas. Mais quelle prétention à faire venir ainsi à soi un artiste majeur ! plus encore, si on me pousse, à bien vouloir le partager en dehors de l'Occitanie ! Vanités des vanités et omnia vanitas, quelle stupéfaction d'apprendre que Nougaro s'est trouvé un refuge dans les Corbières, lui qui dit « ... moi qui suis plutôt un nougarat des villes qu'un Nougaro des champs... » et moi, pauvre ver de terre en amour pour les étoiles, qui ose partager ce sentiment pour nos Corbières au motif que plus d'une vingtaine de mes articles cernent ce massif... Toujours cette prétention à se faire valoir par un meilleur que tous, que soi. Pour ce qu'ils valent, ces articles d'une vanité impuissante à me transformer un jour en ne papillon...
Nougaro (1929-2004), Claude de son prénom (avec “ Aude ” dedans, pas moyen de se guérir de l'impudence), a aussi su faire rimer rivière et Corbières, ces “ hautes ” terres souffrant avant tout du manque d'eau, d'un trop peu de pluies. Sacré Nougaro, “ Clode ”, qui, des Rimes au Verdouble, en passant par Cécile et Marie-Christine, me fait passer par tous mes états. Bien sûr il y a l'hymne « Ô moun pais, ô Toulouse », la Garonne à qui il a offert sa rivière du massif audois.
« Rivière », un bien grand mot pour un ruisseau souvent à sec (2). Enfin, la poésie ne se discute pas... adhérer sinon passer son chemin... faut choisir, pas de juste milieu !
C'était un live, rive gauche, un concert port de la Viguerie, le 21 juillet 1998. Il a introduit sa chanson en évoquant les Corbières ; bien que prématuré, un Cers nocturne soulève les longs cheveux de son musicien aux claviers (3) alors que le poète poursuit avec « Beaucoup de vent » : un réconfort pour l'humain saturé de ville et qui peut enfin s'attarder sur la lune, les étoiles, la garrigue, le rocher, la vigne, les clochers avec, tant pis, la comparaison aux églises mexicaines, bien que surréaliste.
Nougaro a eu la prudence de ne pas citer nommément Paziols (4), se contentant de faire rimer avec des bestioles : l'œil d'or des grenouilles, les poissons, les cigales et même l'hirondelle.
Et hier, au-dessus du temps passé sur l'écritoire, de celui du néflier qui depuis décembre nourrit les fruits de ses fleurs, dans le bleu d'un ciel vierge, tout en haut, pour la première fois, une dizaine d'hirondelles, tout en bas les martinets fauchant l'air, criant si bien la vie, et entre les deux, le vol faussement nonchalant des crécerellettes.
Faut vraiment grossir pour voir quelques oiseaux... finalement ce n'est pas plus mal...
« Le ciel est, par-dessus le toit, si bleu, si calme... » Paul Verlaine.
Le concert en plein air, Port de la Viguerie, a donné un album live « Hombre et Lumière », rime douloureuse, rappelant aussi la Retirada sous un ciel gris de neige, lui. « Hombre », homme d'Espagne, qui plus est pour Nougaro chantant sur ce « Quai de l'Exil Républicain Espagnol »...
(1) Même l'Agly, fleuve côtier, ne coulait plus suite à plus de deux années de sécheresse avant qu'il ne reprenne, par le miracle d'un printemps 2025 plus arrosé.
(2) membres de l'orchestre ne se cantonnant pas à accompagner, souvent impliqués pour la musique des morceaux : Nougaro ne manque pas, dans son tour de chant, de les citer
(3) entre curieux et autres paparazzi, de mentionner le village de Paziols aurait pu nuire gravement à sa tranquillité. Pas mariol du tout, il pouvait aller librement au café, échanger et y manger des sardines.
DÉTOURS pour NOUGARO dans les CORBIÈRES (1).
Merci amie poésie nostalgie... Même si ta lame va cette fois trop profond, tu fais venir à moi des émotions dont l'Ia de fb, bien trop robotique, est incapable...
Merci encore, tu es dans le vrai, les chansons font songer jusqu'à divaguer, partir ailleurs ou revenir sur le film de sa vie, du chemin qu'elle aurait pu prendre ; il s'en trouve toujours une qui soit vous oblige à fredonner, ou qui, sans rien de la musique, ne livre que les quelques pieds de mots triés par la mémoire ; rengaine en boucle mais cachotière si elle ne donne que son air, souvent en résonnance avec une affinité esthétique sinon une période de sa vie, un cap à passer ou indépassable ; taquine quand elle revient pour s'éclipser, en tac-au-tac à la flemmardise à noter, afin qu'on la mérite, augmentant la difficulté, sans laisser la moindre petite piste de trois notes, complice souvent d'un sentiment fort, d'émotion, de tristesse, d'amour ou parce qu'on s'imagine, manière de pimenter le train-train.
Merci encore, tu es dans le vrai, les chansons font songer jusqu'à divaguer, partir ailleurs ou revenir sur le film de sa vie, du chemin qu'elle aurait pu prendre ; il s'en trouve toujours une qui soit vous oblige à fredonner, ou qui, sans rien de la musique, ne livre que les quelques pieds de mots triés par la mémoire ; rengaine en boucle mais cachotière si elle ne donne que son air, souvent en résonnance avec une affinité esthétique sinon une période de sa vie, un cap à passer ou indépassable ; taquine quand elle revient pour s'éclipser, en tac-au-tac à la flemmardise à noter, afin qu'on la mérite, augmentant la difficulté, sans laisser la moindre petite piste de trois notes, complice souvent d'un sentiment fort, d'émotion, de tristesse, d'amour ou parce qu'on s'imagine, manière de pimenter le train-train.
Et toi muse, comme disait Claude qui lui n'en avait pas qu'une, ne te détourneras-tu pas de moi ? Nougaro, ici cité pour m'avoir mis en tête une mélodie sans que je le veuille, à l'insu de mon plein gré (1). Lui en tant qu'auteur interprète, aucun doute... Donc, faut consulter la discographie, youtuber frénétiquement, limiter ou plutôt se laisser aller dans des échappatoires parfois sans issues, souvent digressives mais qui par chance permettent parfois de glaner par la même de nouveaux trésors...
La chanson s'intitule « Rimes ». Ah ah ! l'ia de Qwant ne mérite pas ses majuscules, elle se plante en effet sur la date : « Rimes », pas de 1987 mais de 1981, album « Chansons nettes » !
« J'aime la vie quand elle rime à quelque chose... » voilà la pièce à conviction, par là que j'ai été harponné ; cette fois, derrière, pas plus un souvenir qu'un regret, qu'un remords d'amour, juste le plaisir esthétique ; pas de femme derrière enfin si, si on est fait pour vivre à deux, en ménage, en couple :
« ...Rime, rimons tous les deux,
Rime, rimons si tu veux,
Même si c'est pas des rim' riches
Arrimons nous on s'en fiche... »
Fête foraine, Fleury-d'Aude 1990
Et ce brin de nostalgie accordéon, harmonica, quand on croit entendre l'orgue de barbarie d'une fête foraine :
« ...J'aime les manèges quand ils riment avec la neige... »
Oui, ce côté bal populaire aussi, à chantonner sur une valse rapide peut-être. Et l'inspiration débordante de Nougaro, nous ouvrant sur ses muses, offrant ses muses, à 180 degrés, si fort qu'un tour complet fait suite, coupant un peu le souffle, centrifuge à en perdre la tête (dommage pour centripète... la rime).
Y aurait tant à dire sauf que la nôtre de poésie intrusive n'a pas lieu de parasiter celle du poète à qui nous la devons. Alors parlons-en de façon plus neutre, l'exercice en resterait-il subjectif.
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Rue_Condeau,_vue_sur_le_clocher_des_Minimes_-_carré_(Toulouse) 2024 Auteur Abdoucondorcet |
Dans ses rimes avec « chose », il y a « rose », « cause », « prose »... Sudistes, nous avons bien la chance redevable à un rejeton Nougaro agrafé au Sud jusqu'à sa quatorzième année, dans le quartier des Minimes à Toulouse, chez les grands-parents paternels. Ensuite Paris, Sorèze, Vence, Cusset, tous azimuts. Cela participe-t-il des métamorphoses obligées pour passer de la chenille à l'imago ? Pour un artiste désireux de reconnaissance, cela procède d'une ténacité hors normes... vingt années chrysalide avant de sortir papillon. Et quand un sudiste ouvrant tous ses « O » l'entend prononcer en bon français « chôse, rôse, côse, prôse », il ne réalise pas la chance de l'avoir pourtant gardé dans un cocon d'accent languedocien. (à suivre)
(1) expression devenue célèbre par la voix de Richard Virenque minimisant sa culpabilité de dopage lors du Tour 1998.
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