samedi 12 avril 2025

BALADE à AUDE (4), non-dits et fausses pudeurs...

Continuons avec la bordure nord de la Clape, notre montagnette que le fleuve a de toujours su contourner...   

Les prés, bordure nord de la Clape - Image d'archive. 

Petit pont sur le ruisseau du Bouquet. 

La longue ligne droite coupe dans les prés du Pastural et de Négo Saumo (une ânesse s'y serait noyée), longeant les Caudiès, étranges exsurgences d'eaux tièdes, du moins ne gelant jamais ; tout au bout, là où finit en beauté ce long de la rivière, avec un élargissement valant un plan d'eau, la confluence du Bouquet et son vieux pont en dos d'âne ; sur l'autre rive, de la campagne de la Bâtisse, la rangée sublime de pins, le toit éventré, d'un pigeonnier peut-être, complétant une vision des plus bucoliques. 

Je ne sais si le premier cabanon en contrebas de la garrigue appartenait au cousin Jojo, mais le second, si, je pense, en remontant alors le fleuve ;  Jojo Ferri (1942-2013) filleul et né un même 31 juillet, bien qu'à vingt ans d'écart avec son parrain, mon père (1922-2017). 

Archive. 


De beaux chevaux de demi ou de trait tournent la tête, l'un d'eux même se met de face, marquant un intérêt pas déplaisant. Vide en face, l'enclos où l'âne trop solitaire était accouru au grillage (ces animaux aiment le compagnonnage). C'était quand ? des années déjà... 
À peu de distance, le courant continue à ronger le chemin théoriquement réduit à l'état de sente sauf que les véhicules à quatre roues n'hésitent plus à passer à côté dans la friche, les traces encourageant sûrement ceux qui n'en savaient rien, à empiéter ainsi sur un terrain a priori privé (une des vignes jadis de mon grand-père Jean [1897-1967]). 
Du bel alignement de tamaris semi-aquatiques, ne reste qu'une paire d'exemplaires ; nous y descendions, non loin du cabanon de la Pointe, pieds nus dans l'eau, en bande, dont le copain Joseph (1950-2020), aimant à dire, au sujet des poissons à prendre grâce aux escabènes (arénicoles des pêcheurs), futurs appâts délogés de leurs conduits d'un substrat mélangé de sable plus dur sous la vase du fond, « anan sarcir lo croquet » : on va repriser, raccommoder l'hameçon ! J'ai longtemps cru entendre et comprendre “ farcir l'hameçon” ! 
Pas de chien au cabanon peut-être inhabité désormais tant il est vrai que ces abris à l'origine destinés aux chevaux et aux gens loin du village, ont donné envie d'un aménagement pour les vacances ou même dans le but d'y résider à l'année. 

Robert à l'Ayrolle 1978. 

En suivant, celui de la treille, n'en portant plus que le nom... Robert Vié (1927-2007) voisin, ami et pêcheur, avec son fils Claude, y treuillaient le globe, un grand filet entre les deux rives... Robert et Claude, toujours accueillants, prêts à plaisanter avec notre troupe d'enquiquineurs au lancer. 

Avec Joie, la campagne, un minimum de sens moral à ce jour commande de faire silence ; attendre que le temps débute son travail d'érosion, jusqu'à aplanir le saillant de la commotion : avant-hier, jeudi 10 avril 2025, une forte communauté villageoise portait en terre le viticulteur de Joie, 61 ans seulement. Quand Joie rime avec détresse, attendre que le temps de décence passe... 

La Barque Vieille archive. 
    

...Comme à la Barque Vieille avec toujours cette nostalgie d'antan qui s'autorise à refaire surface : une vigne à vendanger non loin d'une berge entre roseaux et peupliers ; les grands défendaient qu'on s'en approchât, de quoi au contraire éperonner l'imaginaire... La barque ? de Charon peut-être, le passeur étudié dans nos humanités ? Non, un bac, sûrement, pour l'autre rive... Un vieux pêcheur alors ? Jusqu'à braver l'interdit un jour, jusqu'à piétiner le sable et prendre des ablettes à la mouche de cuisine suite au plaisir des lignes dans « La Boîte à Pêche » de Maurice Genevoix manière de répondre à Robert faisant croire aux autres qu'avec les ablettes ou le silure je ne raconte que des histoires... Et un jour on apprend que notre rivière est une barrière empêchant une migration des espèces vers le nord, une frontière linguistique à propos de la prononciation de l'occitan, du vocabulaire aussi, en deçà et au delà du fleuve (à suivre). 


mercredi 9 avril 2025

BALADE à AUDE (3) Interdit aux moins de 70 ans !

ATTENTION ! article INTERDIT aux moins de 70 ans et même aux âmes sensibles d'âge autorisé... 

« ...Sous ses grelots légers rit et voltige encore,
Tandis que, soulevant les voiles de l'aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l'horizon... » 

Indigo-zinzolin ? 

Oui, malingre, chétif mais je ne peux le renier, mon premier de l'année, fin mars. En huit jours, c'est une véritable explosion de coquelicots, d'iris  et la bourrache presque en tapis... 

Des vraies ? 


Comme pour contredire le  « Printemps inquiet » d'Alfred de Musset, les fleurs sauvages ou ensauvagées semblent se rire des bourrasques du Cers, ce jour-là, fortes et pressantes pourtant de plus d'une centaine de kilomètres par heure : l'iris rit de devoir rabattre ses jupons indigo- zinzolins, ceux du petit coquelicot ne s'envolent pas non plus. Sinon, pour résister, faudrait-il être en plastique ? du bout des doigts se confirme que non : ces fleurs n'ont pu qu'échapper à un jardin. 

Descendre le chemin vicinal de la plaine, le long, d'abord, de la Cave de la Communauté... un champ, jadis de melons, m'oblige au souvenir de mon pauvre cousin Jacky (1952-2007). Le fossé change vite de nom, prenant celui du dernier affluent du fleuve, au cours si original depuis la cuvette de l'Étang, en principe fermée et que les hommes ont pourtant réussi à assécher en lui faisant passer les collines. 

Merci l'IGN !


Un peu en amont de ce Ruisseau du Bouquet, à Aigos Claros, le grand-père de Jacky, mon grand-oncle Noé (1901-1978) entretenait un jardin fertile grâce à une posaranca, un balancier pour puiser et remonter l'eau de l'arrosage (« chadouf » en “ français ” !). Jacky, Noé et entre les deux, encore d'un commerce des plus plaisants, le père, Norbert (1924-1989), mon parrain. 

Détournez-vous, vous dans la fleur de la jeunesse, d'un propos qui devrait être interdit, disons, aux moins de 70 ans car après, pour ceux qui vieillissent petit à petit, l'idée de la mort se domestique, bien que couplée à celle de la vie en fleur, à l'image d'un printemps enthousiaste, présomptueux... Pour preuve, au grand soleil, le vélo qui file, vent arrière, bien huilé, sans bruit parasite, même avec l'air, la voix de Brassens (1921-1981) en tête, sur une partie du poème de Lamartine (1790-1869) « Pensée(s) des Morts » (le mot se retrouve aussi au pluriel). Brrr, désolé, décrochez aussi, âmes sensibles de plus de 70 ans ! Pour ma défense, Lamartine a alors 40 ans ; dans sa famille c'est une véritable hécatombe, la tuberculose, le choléra ont frappé. Néanmoins, lui même a commenté : 

« Cela fut écrit à la villa Luchesini, dans la campagne de Lucques, pendant l'automne de 1825 […]

J'écrivis les premières strophes de cette harmonie aux sons de la cornemuse d'un pifferaro aveugle, qui faisait danser une noce de paysans de la plus haute montagne sur un rocher aplani pour battre le blé, derrière la chaumière isolée qu'habitait la fiancée ; elle épousait un cordonnier d'un hameau voisin, dont on apercevait le clocher un peu plus bas, derrière une colline de châtaigniers. C'était la plus belle de ces jeunes filles des Alpes du Midi qui eût jamais ravi mes yeux ; je n'ai retrouvé cette beauté accomplie de jeune fille, à la fois idéale et incarnée, qu'une fois dans la race grecque ionienne, sur la côte de Syrie. Elle m'apporta des raisins, des châtaignes et de l'eau glacée, pour ma part de son bonheur ; je remportai, moi, son image. Encore une fois, qu'y avait-il là de triste et de funèbre ? Eh bien ! la pensée des morts sortit de là... » Source « Pensée des Morts »Wikipédia. 

Monsieur de la Palice en conviendrait sans conteste : la vie est bien plus forte que la mort ! (à suivre)