Affichage des articles dont le libellé est garrigue. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est garrigue. Afficher tous les articles

mercredi 28 novembre 2018

LES ENVAHISSEURS / Fleury d'Aude en Languedoc.

David Vincent pour ceux qui se souviennent de ces séries made in USA d'une Amérique alors si belle et respectable : "... Pour lui, tout a commencé par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva..."

Juste une parenthèse, un coup de rétro pour nous replonger dans nos années 60...

Sinon, dans nos garrigues et partout où l'homme bat en retraite, sur ces laisses et terrasses abandonnées, l'envahisseur pénètre et occupe l'espace. On l'a d'autant plus favorisé qu'on le plaignait. Faut dire qu'il est un symbole fort des rives occidentales de la Méditerranée. Sans lui plus de cigalons, de cigales, et cette pénétrante senteur de résine, odeur de son pays, à inspirer à fond, les yeux fermés...

Il est là presque depuis toujours, après un pastoralisme qui a fait disparaître la forêt d'origine. Il est d'ici, bien méditerranéen, d'Espagne, d'Afrique du Nord... Pinus halepensis mais n'allez pas penser qu'il est syrien comme l'a laissé abusivement entendre le botaniste écossais à l'origine du nom. A Alep c'est un cousin, le Pinus Brutia, qui pousse surtout.

Piémont au levant de la Clape. En 2014, en bas de Moyau, le dernier des trois encore là dans les années 60. Au fond, l'étang de Pissevaches.
Chez nous, il s'approche de la mer, là où la Clape, à cause des apports de sédiments, interdite par le fleuve Aude, ne peut que rêver de calanques. Certains affirment qu'il s'accommode du vent marin, d'autres maintiennent que seuls les bourgeons à l'opposé ne sont pas brûlés par le sel. En attendant, avec le Cers qui jusqu'ici a toujours soufflé en maître, ses branches comme les bras des danseuses indiennes ne serpentent que dans le sens du vent.

Dans la descente de Saint-Pierre, Georges Chavardès tenait son agence immobilière "du Grand Pin". Chez Puisségur, deux grands arbres sur la terrasse de "l'Hôtel des Pins". Ils encadraient l'escalier, une entrée pour le bal du Fleury Olympique en bas... Aux filles, on payait le Cacolac...  

Les derniers pins de Périmont dominent encore les terres rapportées du camping et les sables salés.

En pinède, au bout de la Barre de Périmont (Saint-Pierre-la-Mer), comme il marquait les marges entre terres et marais, pionnier ou sentinelle, si beau par sa présence à l'occasion du pique-nique pascal !
Il s'est même ménagé des îlots de vie dans les sables de l’Étang de Pissevaches où le vert de ses bouquets dans les saladelles et les joncs reste du plus bel effet !

Partout on le trouve mais sans le voir vraiment, comme ces choses ordinaires dont on réalise qu'elles sont belles lorsqu'elles manquent. Le pin, souvent devant : chez Bourjade, la villa qui fait cabanon, chez Daudel l'épicier, au bout du boulevard, au bord de la vigne avec le puits de Villebrun, et au-delà, protégeant un quartier mignonnet de baraques sans prétention, de petites maisons aussi aux toits de tuiles... adulte, il m'a fallu la lumière, les couleurs de Cézanne pour que ce souvenir d'enfance endormie fermente à nouveau...     

Aux Cabanes-de-Fleury, en majesté, il régente le domaine de Saint-Louis, le château de Pesqui et encore "l'Hôtel des Pins" :

"... Nous avons bu un coup à l'Hôtel des Pins de Marie-José, fille de Marcellin et petite-fille de Gili qui piquait jadis dans les pins les lampes à acétylène, le soir, avant l'électricité dans le hameau..."
Caboujolette (2008) François Dedieu / La Mer p. 269.

Hôte de marque, il surligne les parcs ou jardins autour des campagnes, les domaines viticoles au bord de l'Aude, de l'intérieur ou du piémont de la Clape, l'allée de Boëde, Moyau, la Négly, Anglès, Mire-l’Étang...  

Sans lui, plus loin vers Gruissan, qu'en serait-il de la solennité des lieux, lorsque, depuis les hauteurs du cimetière marin des Auzils, le jade de ses houppiers sur le bleu-outremer du Golfe, et surtout un phrasé du vent dans ses aiguilles que des mots même mélodieux ne sauraient rendre, ajoutent au calme virtuel de cénotaphes en mémoire à ces marins victimes d'infortunes des mers, perdus à jamais dans les fureurs des flots et pourtant si présents ?

"... Déférence gardée envers Paul Valéry
Moi l'humble troubadour sur lui je renchéris
Le bon maître me le pardonne..." 
(Supplique pour être enterré sur la plage de Sète / Georges Brassens). 
Extraordinaires, les mains de Valéry parce que les pins du cimetière marin je les ai cherchés en vain...

Paul Valéry, depuis la montagne de Sète qu'on voit là-bas, en témoigne, son cimetière serait-il moins marin que la plage de Brassens. Même compliqué sinon hermétique, le poème du bon maître, "Le Cimetière marin" commence si bien avec un ciel, un soleil, la mer au fond par-dessus les pins !

"Ce toit tranquille, où marchent des colombes, 
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !.. " 

(à suivre)

lundi 5 novembre 2018

BALADE PERIGNANAISE / Fleury-d'Aude en Languedoc.

Le village de Fleury-d'Aude s'est longtemps appelé "Pérignan". Il en reste que les habitants préfèrent se dire Pérignanais que Fleurystes, serait-ce dit avec des fleurs... Et c'est si différent de "Perpignanais" pourtant à une lettre près seulement...

Au sixième rang dans le département, le territoire communal se diversifie entre les garrigues de la Clape, les coteaux, la plaine et le fleuve Aude, les marais d'eau douce, l'étang lagunaire de Pissevaches et plus de six kilomètres de sable pour les plages. 



Au départ du village prudemment installé en hauteur hors de portée des crues furieuses, comme Salles à côté, en direction de Saint-Pierre-la-Mer, on longe d'abord l’Étang, une cuvette asséchée et drainée vers l'Aude par un souterrain. Tout au bout, la route serpente un peu pour monter dans la Clape. 

 Des vignes et quelques rares amandiers le long d'un accès en terre, hier...

       ... et à présent... 

Plus loin, les pins ont effacé le travail de l'homme, comment deviner qu'à la place des arbres, des cistes et des champignons favorisés par les pluies d'automne, la vigne héritée par le copain de papa n'existe plus. Dans la barre rocheuse qui limite ce ravin de Combe Levrière, le travail antédiluvien des eaux courantes a creusé des marmites dans le calcaire, les anciens dont l'oncle Noé parlaient seulement des trous de renards. En quelques décennies, dans un mouvement de balancier, là où les bergers ratiboisaient, les résineux prennent une revanche : ils étouffent la murette censée préserver la terre des aigats subits. 

Même en hauteur, c'est très difficile de rendre des trous de renards à un regard d'enfant. 

    


lundi 1 octobre 2018

ÉCHO DE VENDANGES : Coquet, cheval d'Ariège / Fleury d'Aude en Languedoc.

Préalable : à Isa, ma cousine. Sois gentille si tu repiques une ou des photos, de mentionner la source "François Dedieu". Tu peux aussi "JF Dedieu" même si ma modestie en pâtit... je compte sur toi.

Encore une chronique de papa (Pages de vie à Fleury II, "Caboujolette", chapitre "Les Vendanges", pages 277 - 278). 


Retour de vendanges. 1934. 

"... Coquet. Le petit et vaillant cheval noir répondait au nom de « Coquet ». C'était un Mérens, petit cheval d'Ariège (le GDEL écrit même « race fçse de poneys (!) ») vaillant comme pas un. Un jour, racontait mon père, il avait fait quatre gros voyages de comportes (sans doute seize ou dix-huit chaque fois) de la Pointe de Vignard (notre vigne la plus éloignée, à quatre kilomètres du village), ce qui lui totalisait 32 kilomètres dont seize à pleine charge, avec les côtes de Liesse et de Fleury. Il a tenu le coup, mais en arrivant le soir, trop fatigué, il s'est couché au lieu de manger. Papé Jean racontait cela avec une admiration non dissimulée. J'ai connu ce cheval à l'écurie jusqu'en 1935 à peu près. 
Nous l'avons sur des photos de vendanges. 

Cheval Merens commons wikimedia Author PANDA 81

 Race française… originaire des montagnes ariégeoises. Le mérens a une robe noire. Puissant dans son encolure, il se distingue par un chanfrein droit, un dos long, une croupe ronde et des membres solides. Rustique et résistant, il est encore apprécié pour certains travaux agricoles et convient au tourisme équestre en montagne. (GDEL passim)
Puis il avait fait son temps : il fallut bien le changer. L'oncle Pierre et son neveu (mon père) allèrent à Narbonne choisir un cheval chez le maquignon. 

Le mérens fait preuve "... d'un tempérament robuste, une santé à toute épreuve, une ardeur infatigable. C'est le bénéfice d'une existence indépendante, plus sauvage que domestique. On n'apprécie bien les chevaux de l'Ariège qu'après en avoir usé; mais alors on est étonné de la dépense d'énergie dont ils sont capables, de la dureté qu'ils montrent au travail le plus fatigant et le plus durable..."
 Jules Trousset, Grande Encyclopédie Illustrée d'économie domestique (cité par Wikipedia).

La Larousse Agricole de 1952 ne mentionne même pas le mérens. Il faut dire que depuis 1946, l'armée ne l'élève plus comme cheval d'artillerie en montagne et qu'après les transports, c'est la mécanisation de l'agriculture qui va le faire pratiquement disparaître. Un temps il est engraissé, alourdi comme animal de boucherie. Il ne sera sauvé que de justesse, en particulier, grâce au mouvement de retour à la terre des années 70, ensuite en tant que cheval de loisir d'où sa qualification de poney, ce qui, bien sûr a irrité et pu sembler déshonorant pour mon père.    

Combe de Caboujolette / Carrière de monsieur Sanchon. 1934. Depuis, avec les pins la végétation typique à la garrigue, la nature a repris ses droits, les petites vignes ont disparu.