David Vincent pour ceux qui se souviennent de ces séries made in USA d'une
Amérique alors si belle et respectable : "... Pour lui, tout a commencé
par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de campagne, alors qu'il
cherchait un raccourci que jamais il ne trouva..."
Juste une parenthèse, un coup de rétro pour nous replonger dans nos années
60...
Sinon, dans nos garrigues et partout où l'homme bat en retraite, sur ces
laisses et terrasses abandonnées, l'envahisseur pénètre et occupe l'espace. On
l'a d'autant plus favorisé qu'on le plaignait. Faut dire qu'il est un symbole
fort des rives occidentales de la Méditerranée. Sans lui plus de cigalons, de
cigales, et cette pénétrante senteur de résine, odeur de son pays, à inspirer à
fond, les yeux fermés...
Il est là presque depuis toujours, après un pastoralisme qui a fait
disparaître la forêt d'origine. Il est d'ici, bien méditerranéen, d'Espagne,
d'Afrique du Nord... Pinus halepensis mais n'allez pas penser qu'il est syrien
comme l'a laissé abusivement entendre le botaniste écossais à l'origine du nom.
A Alep c'est un cousin, le Pinus Brutia, qui pousse surtout.
Piémont au levant de la Clape. En 2014, en bas de Moyau, le dernier des trois encore là dans les années 60. Au fond, l'étang de Pissevaches. |
Chez nous, il s'approche de la mer, là où la Clape, à cause des apports de
sédiments, interdite par le fleuve Aude, ne peut que rêver de calanques.
Certains affirment qu'il s'accommode du vent marin, d'autres maintiennent que
seuls les bourgeons à l'opposé ne sont pas brûlés par le sel. En attendant,
avec le Cers qui jusqu'ici a toujours soufflé en maître, ses branches comme les bras des
danseuses indiennes ne serpentent que dans le sens du vent.
Dans la descente de Saint-Pierre, Georges Chavardès tenait son agence
immobilière "du Grand Pin". Chez Puisségur, deux grands arbres sur la
terrasse de "l'Hôtel des Pins". Ils encadraient l'escalier, une entrée pour le
bal du Fleury Olympique en bas... Aux filles, on payait le Cacolac...
Les derniers pins de Périmont dominent encore les terres rapportées du camping et les sables salés. |
En pinède, au bout de la Barre de Périmont (Saint-Pierre-la-Mer),
comme il marquait les marges entre terres et marais, pionnier ou sentinelle, si
beau par sa présence à l'occasion du pique-nique pascal !
Il s'est même ménagé des îlots de vie dans les sables de l’Étang de
Pissevaches où le vert de ses bouquets dans les saladelles et les joncs reste
du plus bel effet !
Partout on le trouve mais sans le voir vraiment, comme ces choses
ordinaires dont on réalise qu'elles sont belles lorsqu'elles manquent. Le pin,
souvent devant : chez Bourjade, la villa qui fait cabanon, chez Daudel
l'épicier, au bout du boulevard, au bord de la vigne avec le puits de
Villebrun, et au-delà, protégeant un quartier mignonnet de baraques sans
prétention, de petites maisons aussi aux toits de tuiles... adulte, il m'a
fallu la lumière, les couleurs de Cézanne pour que ce souvenir
d'enfance endormie fermente à nouveau...
Aux Cabanes-de-Fleury, en majesté, il régente le domaine de Saint-Louis, le
château de Pesqui et encore "l'Hôtel des Pins" :
"... Nous avons bu un coup à l'Hôtel des Pins de Marie-José, fille
de Marcellin et petite-fille de Gili qui piquait jadis dans les pins les lampes
à acétylène, le soir, avant l'électricité dans le hameau..."
Caboujolette (2008) François Dedieu / La Mer p. 269.
Hôte de marque, il surligne les parcs ou jardins autour des campagnes, les
domaines viticoles au bord de l'Aude, de l'intérieur ou du piémont de la Clape,
l'allée de Boëde, Moyau, la Négly, Anglès, Mire-l’Étang...
Sans lui, plus loin vers Gruissan, qu'en serait-il de la solennité des
lieux, lorsque, depuis les hauteurs du cimetière marin des Auzils, le jade de
ses houppiers sur le bleu-outremer du Golfe, et surtout un phrasé du vent dans
ses aiguilles que des mots même mélodieux ne sauraient rendre, ajoutent au
calme virtuel de cénotaphes en mémoire à ces marins victimes d'infortunes des
mers, perdus à jamais dans les fureurs des flots et pourtant si présents
?
"... Déférence gardée envers Paul Valéry
Moi l'humble troubadour sur lui je renchéris
Le bon maître me le pardonne..."
Moi l'humble troubadour sur lui je renchéris
Le bon maître me le pardonne..."
(Supplique pour être enterré sur la plage de Sète / Georges Brassens).
Extraordinaires, les mains de Valéry parce que les pins du cimetière marin je les ai cherchés en vain... |
Paul Valéry, depuis la montagne de Sète qu'on voit là-bas, en
témoigne, son cimetière serait-il moins marin que la plage de Brassens. Même compliqué sinon hermétique, le poème du bon maître, "Le
Cimetière marin" commence si bien avec un ciel, un soleil, la mer au fond
par-dessus les pins !
"Ce
toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !..
"
(à suivre)
(à suivre)