« Chès » (ou "tchès" phonétiquement pour l’onomatopée indiquant qu’on est étonné, surpris voire décontenancé (1)). « Chès » donc, de qu’es aco un pouairé ? Nous autris disen « farrat » (à l’entrée « ferrat » chez Mistral) Et de repenser à notre bon oncle Noé dans cet extrait de François Dedieu, dans « Caboujolette » 2008, chapitre « Le Renouveau ».
Les Allemands.
Lou farrat (variante audoise de ferrat, le seau) : Quand les Allemands occupaient Fleury, de la mi-novembre 1942 jusqu’à presque fin août 44, ils avaient installé leur « Kommandantur » à la maison Campardou, face aux maréchaux-ferrants, maison actuellement occupée par Roger Andrieu l’ancien boulanger de la rue Robespierre. Leur infirmerie et leur docteur étaient à la maison Trémolières (chez toi) qui servait aussi, au deuxième étage, de prison pour leurs soldats. Et ils avaient mis une cuisine roulante devant la cave de « Chouchou », après la cour de l’oncle Noé. Un jour, un des cuisiniers y arrive, voit l’oncle et lui fait de grands gestes en répétant maintes fois « Zwiebel ? » de façon interrogative. « Je ne comprends pas ! » répond l’oncle Noé. Alors le cuistot repart en lui disant « Moment ! », « Aco ba coumprenguèri, racontait Noé, me disio d’attendré un moumént. E tournèt am’uno pelhofo de cébo. »
« En aléman ba disoun soubén al rébès. Quand fa plan fréd, disoun que fa caud (kalt), e uno bicycléto b’apèloun un farrat (Fahrrad). Coussi boulès y coumpréné quicon !! »
Traduction : « Ça, je le compris : il me disait d’attendre un moment et revint avec une épluchure d’oignon.
« En allemand, ils disent souvent les choses à l’envers, quand il fait bien froid, ils disent qu’il fait chaud (kalt), et une bicyclette ils l’appellent un seau. Comment veux-tu y comprendre quelque chose !! »
Marcel Scipion, lui, indique le mot « seau » dans son acception locale « pouairé ». Et dans notre jeu de pistes, le Trésor du Félibrige de Mistral indique : poudaire, pouaire (dauphinois) vigneron qui taille la vigne. L’occasion d’apprécier à y être quelques expressions curieuses sinon savoureuses :
Poudaire à la mort : homme à théories absolues, qui ne pardonne rien, qui sacrifie le bon et le mauvais.
Faudièu poudaire : tablier de vigneron Parti coume un poudaire, partir de son repos, subitement, se mettre en colère
Fai la mino d’un poudaire : il est tout renfrogné.
Poudaire. Bon buveur
Pouda a bourre e bourrihoun : tailler la vigne sur deux bourgeons.
Quau poudo au mes de febrié, N’a pas besoun de desco ni de panié.
Semeno d’ouro, poudo tard.
Se poudes ras, béuras ; se poudes loug, béuras un an ; Se poudes court, béuras toujour. Se me coupes, me poudes ; Se me brules, me fumes, dicton qu’on prête à la ronce. (celle-là, c’est Jo qui me l’a apprise !)
M’en a pouda uno, il m’en a dit une
« Dins la vigno rapugado
E pudadoLi femo fan de gavèu» (T. Aubanel)
A Fleury et certainement tout autour on dit « vestit coumo un poudaire » et en cette période, comment ne pas penser à nos viticulteurs de la modernité, moins nombreux mais plus gros, pour lesquels la taille représente le plus exigeant des travaux devant être entrepris, malgré l’assistance des ciseaux pneumatiques, en décembre sinon dès novembre ?
Pour tailler en gobelet, mon poudaire des années 60 a pris soin, sous le béret ou la casquette enfoncée (avant le bonnet ou le cache-montagne), de multiplier les couches d’habits : tricot, chemise à long panel (c’est primordial), pull et par-dessus la fameuse canadienne (2) de cuir ou de toile lourde, doublée d’une laine de mouton avec un col fourré aussi. Si nos poudaires étaient à la mode, il fallait avant tout résister au Cers d’hiver qui pénètre et qui cause cette fameuse température ressentie aujourd’hui reconnue et dont font parfois état nos météos à la télé !
Avant de faire halte sur ce chemin enchanté qui nous fait remonter le temps, dans ce jeu de piste qui nous a fait aller de « pouaire » à « poudairé », en passant par les Allemands de la dernière guerre, avec la canadienne, permettez-moi de saluer une Vinassanote au Québec, à Montréal, avec, en ce début janvier une pensée pour André, pérignanais d’origine, qui, depuis son pays de neige, gardait vivace le souvenir de l'erbo blanco (3) dans les vignes "poudées", quand sur le marge l'amandier sait si bien faire fleurir l’espérance des hommes...
(1) Si quaucun peut en dire davantage, sa participation sera la bienvenue.
(2) dans une question, il y a peu de Money drop....
(3) Diplotaxis fausse-rouquette.
Photos autorisées Wikimedia et les amandiers de Fabien de Lapalme.
François Dedieu a bien voulu préciser :
RépondreSupprimer" « Chès » est une déformation de "Jésus"
A y être, dans « Aqui raï», « raï » viendrait du grec et signifierait « facile », d’après mon professeur à Carcassonne, René Nelli."