UN GARÇON MEUNIER 3. Sylvestre est suspecté.
Interpellé le lendemain à Bize par la gendarmerie de Ginestas alertée par celle de Coursan, Sylvestre allait subir un interrogatoire en règle. Qu’avait-il fait exactement le samedi 10 mars 1855 et dans la nuit du samedi au dimanche ? Il était alors encore employé au moulin de Fleury ?
Non : il avait quitté M. Carrier le lundi cinq février, et c’est ici, à Bize, qu’il avait appris la terrible nouvelle.
Mais voilà qu’il s’embrouillait dans ses explications. Sûr, qu’il était parti sur un coup de tête. Tout aurait pu peut-être encore s’arranger, comme toutes les autres fois. Mais voilà, c’était comme ça : la coupe avait débordé. De toute façon jamais, au grand jamais il n’avait eu d’idée criminelle en tête. Tuer quelqu’un pour se venger, lui Sylvestre ? Cela non, mille fois non, il pouvait le jurer. A quoi bon agir ainsi, d’ailleurs ?
Ce qu’il avait fait cette nuit fatale ? Eh bien, il était sorti, comme tous les samedis. Et c’était ici, pas là-bas, où il n’allait plus que rarement. A quelle heure il était rentré ? Comment le savoir ? Il n’avait pas regardé la pendule. Et sa montre, elle s’était arrêtée depuis belle lurette, ayant sans doute besoin d’un nettoyage complet. Mais l’horloger qui vient tous les lundis du village voisin ne fait pas cadeau de ses services.
Ces hésitations, ces réponses imprécises étaient suffisantes pour faire de lui un suspect, et même le suspect numéro un, d’autant plus que ses prétendus compagnons restaient introuvables. Sylvestre fut arrêté et jeté en prison à Narbonne en attendant son procès devant la Cour d’Assises de Carcassonne.
- Mesdames et Messieurs, la Cour !
Tout le monde se lève dans la salle d’audience. Quinze longs mois ont passé depuis le crime. Le procès vient d’avoir lieu, et la salle d’audience du Tribunal impérial est trop petite pour cette foule qui a manifesté à plusieurs reprises. On a entendu des cris « A mort ! » Le Président a maintes fois proféré le sacramentel « Silence ! ou je fais évacuer la salle. »
Secondé par ses quatre assesseurs – ils n’étaient jadis que trois sous la Révolution, mais ils sont bien quatre depuis mil huit cent cinq -, le Président, pendant la délibération, a demandé aux douze jurés tirés au sort parmi les vingt et un noms de la liste départementale annuelle de répondre en leur âme et conscience aux questions rituelles :
L’accusé est-il coupable de ce meurtre ?
Ils ont répondu OUI à une petite majorité. Certains ont senti des failles, des zones d’ombre dans le dossier d’accusation.
Le meurtre était-il prémédité, préparé avec soin avant son exécution ?
A cette seconde question, la plupart des jurés ont dû répondre NON. Dans l’exposé précédant les votes, durant la délibération, le juge qui présidait avait attiré tout particulièrement leur attention. Si par deux fois c’était le oui qui l’emportait, alors obligatoirement le verdict ne faisait plus de doute, c’était la condamnation à mort. Et il avait rappelé le terrible article douze du Code Pénal : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée. »
Chacun a repris sa place dans la salle du tribunal. La délibération a été particulièrement longue. Les bavardages se calment, le public redevient attentif.
« Gardes, faites entrer l’accusé. »
Sylvestre pénètre entre deux gendarmes dans cette enceinte qu’il connaît déjà trop bien, depuis huit jours que dure son procès.
« Accusé, levez-vous. Je vais vous lire le verdict. »
Interpellé le lendemain à Bize par la gendarmerie de Ginestas alertée par celle de Coursan, Sylvestre allait subir un interrogatoire en règle. Qu’avait-il fait exactement le samedi 10 mars 1855 et dans la nuit du samedi au dimanche ? Il était alors encore employé au moulin de Fleury ?
Non : il avait quitté M. Carrier le lundi cinq février, et c’est ici, à Bize, qu’il avait appris la terrible nouvelle.
Mais voilà qu’il s’embrouillait dans ses explications. Sûr, qu’il était parti sur un coup de tête. Tout aurait pu peut-être encore s’arranger, comme toutes les autres fois. Mais voilà, c’était comme ça : la coupe avait débordé. De toute façon jamais, au grand jamais il n’avait eu d’idée criminelle en tête. Tuer quelqu’un pour se venger, lui Sylvestre ? Cela non, mille fois non, il pouvait le jurer. A quoi bon agir ainsi, d’ailleurs ?
Ce qu’il avait fait cette nuit fatale ? Eh bien, il était sorti, comme tous les samedis. Et c’était ici, pas là-bas, où il n’allait plus que rarement. A quelle heure il était rentré ? Comment le savoir ? Il n’avait pas regardé la pendule. Et sa montre, elle s’était arrêtée depuis belle lurette, ayant sans doute besoin d’un nettoyage complet. Mais l’horloger qui vient tous les lundis du village voisin ne fait pas cadeau de ses services.
Ces hésitations, ces réponses imprécises étaient suffisantes pour faire de lui un suspect, et même le suspect numéro un, d’autant plus que ses prétendus compagnons restaient introuvables. Sylvestre fut arrêté et jeté en prison à Narbonne en attendant son procès devant la Cour d’Assises de Carcassonne.
- Mesdames et Messieurs, la Cour !
Tout le monde se lève dans la salle d’audience. Quinze longs mois ont passé depuis le crime. Le procès vient d’avoir lieu, et la salle d’audience du Tribunal impérial est trop petite pour cette foule qui a manifesté à plusieurs reprises. On a entendu des cris « A mort ! » Le Président a maintes fois proféré le sacramentel « Silence ! ou je fais évacuer la salle. »
Secondé par ses quatre assesseurs – ils n’étaient jadis que trois sous la Révolution, mais ils sont bien quatre depuis mil huit cent cinq -, le Président, pendant la délibération, a demandé aux douze jurés tirés au sort parmi les vingt et un noms de la liste départementale annuelle de répondre en leur âme et conscience aux questions rituelles :
L’accusé est-il coupable de ce meurtre ?
Ils ont répondu OUI à une petite majorité. Certains ont senti des failles, des zones d’ombre dans le dossier d’accusation.
Le meurtre était-il prémédité, préparé avec soin avant son exécution ?
A cette seconde question, la plupart des jurés ont dû répondre NON. Dans l’exposé précédant les votes, durant la délibération, le juge qui présidait avait attiré tout particulièrement leur attention. Si par deux fois c’était le oui qui l’emportait, alors obligatoirement le verdict ne faisait plus de doute, c’était la condamnation à mort. Et il avait rappelé le terrible article douze du Code Pénal : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée. »
Chacun a repris sa place dans la salle du tribunal. La délibération a été particulièrement longue. Les bavardages se calment, le public redevient attentif.
« Gardes, faites entrer l’accusé. »
Sylvestre pénètre entre deux gendarmes dans cette enceinte qu’il connaît déjà trop bien, depuis huit jours que dure son procès.
« Accusé, levez-vous. Je vais vous lire le verdict. »
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