vendredi 8 juillet 2016

LES CORBIÈRES VII / Le VERDOUBLE de Nougaro !


« On l'appelle le Verdouble
La rivière qui déroule
Ses méandres sur les pierres
La rivière des hautes Corbières... »


Les muses ont toujours été généreuses avec Nougaro. Elles n’avaient pas besoin d’un cadre aussi beau que celui des Corbières pour s’épancher. Il n’empêche, entre grandeur et mystères, parmi tous les petits pays sertis dans un désordre de reliefs trop pluriels et regroupés, pour la commodité, en tant que "massif", Nougaro a installé ses pénates et ses muses à Paziols dans l'Aude.
Le village se blottit au fond d’une cuvette rutilante de vignobles qui donnent des vins rubis de carignan et grenache, ambrés de maccabeu ou muscat. Acagnardé au pied de l’imposant Tauch, un peu protégé des rafales du Cers qui, en compensation dispense un soleil généreux, le bassin respire une vraie douceur de vivre. Les fontaines, les Verdouble, grand et petit, apportent une fraîcheur tenant du miracle sous ces paysages grecs... Attention pourtant aux humeurs changeantes sinon coléreuses de la Méditerranée : des Pyrénées au Mézenc, la bordure montagneuse reçoit en automne des précipitations en quantité et l’eau vive des Corbières peut faire peur (1).

« Il scintille le Verdouble
Mais le cours de son argent
Ni les dollars ni les roubles
Ne te le paieront comptant... »


Certes Claude mais il en a coûté des misères, le gentil Verdouble.
1999 reste dans les mémoires mais en 1987 à Padern, à la confluence du Torgan, la crue est montée plus haut. En 1962 et 1970, à Paziols l’eau a atteint des niveaux comparables et 1940 l’a vue à peine en dessous tandis qu’à Padern, le pont après le Torgan était emporté. En 1920, à Paziols, l'inondation, un mètre encore plus haut, a envahi le village et la mairie. (2) 

Sinon, comment refuser le positif et la vision poétique, mythique même de la rivière ? La sinistrose est hors sujet, et puis elle n’a jamais empêché les sinistres...

«... Pas la peine que tu te mouilles
À percer ses coffres-forts
C'est dans l'œil de ses grenouilles (3)
Que sont ses pépites d'or... »


Restons au bord de l'eau, là où l'eau court encore vers des gorges. L’ondin, gardien des eaux, participe de cette magie partagée. Pépites d’or, argent, mixite émeraude... Entre autres trésors, Claude Nougaro a gardé plus que des "cailloux blancs" :

«... Dans les gorges du Verdouble
Sur un lit de cailloux blancs
J'ai composé ces vers doubles
Que j'espère ressemblants... »


Nougaro, échanson des nectars bacchiques, porteur d’eau des sources sacrées veillées par Divona, nous enchante de ses derniers vers d’une simplicité miroitante :

«... Si aux eaux de mon Verdouble
Tu préfères l'océan
C'est facile, tu les ouble...
Tu les oublies simplement. »


Toujours gosse, je les poursuis, les rivières des Corbières, hautes ou non, derrière toi, Nougaro, NougarOc plus que jamais !.. Depuis gosse... pour côtoyer les muses qui se sont penchées sur ton berceau !
Mais ce que je peux en dire... Autant écouter et réécouter Claude qui court en nous avec l'eau du Verdouble. 

http://www.dailymotion.com/video/xok33_claude-nougaro-riviere-des-corbiere_music

(1) Attention aussi aux orages violents de l’été.
(2) http://www.aude.gouv.fr/IMG/pdf/note_de_presentation_cle77e45e.pdf
(3) un gragnot, uno gragnoto, grenouille quel que soit son sexe en français, surnom des habitants de Paziols... (Mistral le notait dans le Trésor du Félibrige).

Photos autorisées Commons wikimedia 
1 village de Paziols auteur Frachet (2009). 
2 grenouille verte auteur Holger Gröschl (2003).  

jeudi 7 juillet 2016

OC, OC, NougarOC ! / Fleury d'Aude en Languedoc


La vie, par instants, s’éclaire d’une vive flambée mais c’est sous la cendre qu’elle couve longtemps son lot d’amour, quelques flammèches en témoignent, des fois. Sauf que ça ne se fait pas de se consumer en public, si, chez ces gens-là, « J’aime » c’est épancher son flot ! Et affirmer ses sentiments, en assumer la vigueur serait une preuve de faiblesse.

"Notre cœur est un trésor, videz-le d'un coup, vous êtes ruinés. Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier qu'à un homme de ne pas avoir un sou à lui."
Honoré de Balzac --Le Père Goriot (1835)

Grillé, carbonisé ! Plutôt s’accepter dans le paradoxe, pleinement frêle et fort, yin et yang, braise qui s’éteindrait de ne pas déclarer ses flammes, de ne plus partager un feu avec d’autres entretenu.

Parmi les tisons qui sommeillent, entre âme et contre-cœur, il y a Nougaro. Nous parlions d’Occitanie à cause des turpitudes politiques, du jacobinisme exacerbé, macro sinon hydrocéphale... je ne sais plus et puis on boit du vin, dans le Sud, macarèl ! Avec Nougaro, l’accent, « il est loin mon pays, Toulouse », chantent l’Occitanie et si personne n’a oublié Nougayork, Nougaroc aussi nous prend aux tripes. 



Claude, c’est l’écho de la voix de papa, l’écho d’un pays qui aimerait vivre et respirer sans que tout ne soit dicté et imposé d’en haut. Claude, jongleur de mots dans la langue de tous, raison de plus pour ne plus tolérer la ségrégation visible d’un iceberg de racisme lampant contre le parler des ancêtres, dont ceux de 14, contre notre langue d’Oc (1). 



Claude est venu à moi, j’avais onze sinon douze ans, un jour que je me sentais libéré, passé le porche au classicisme imposant du collège municipal mixte de Pézenas, de l’emprise d’Henri IV, Vidal de la Blache et surtout des professeurs plus pressants et austères. Comme délivré de l’ascendance du Commandeur, m’adonnant aux rêveries aussi futiles qu’oisives de mon âge, je rentrais à la Buvette des Rosiers par le square du Poilu. Entre la mairie et le Cours Jean Jaurès, un quartier populaire de petites rues, d’habitations modestes et collées, à l’opposé des hôtels particuliers si prisés mais plus loin. Une mémoire facétieuse m’a longtemps fait fredonner « ...sous ton balcon, comme Roméo, ô ô, Marie-Christine...», alors que Nougaro était juste papa de Cécile, sa fille...
Monté à Paris, sésame incontournable puisque la province ne reste ouverte qu’à pas grand chose, Claude Nougaro, reste enraciné dans le Sud, « solide comme un roc ». Occi... occitan, son cœur reste entre Toulouse et les Hautes Corbières, en l’occurrence... 

(1) mise à l’honneur notamment par un autre Claudi, Marti de son nom occitan.