jeudi 18 mars 2021

"NISSA d'AUSSERUNA", NISSAN-lez-ENSERUNE (1)... nos voisins Nissanots

Nissa d'Ausseruno, pour nos voisins Nissanots, quel joli nom de village mais même Nissan-lez-Ensérune, en français, ça en jette ! Le territoire communal en touche dix autres par, hors Poilhes, Montady et Colombiers, un quintipoint (Capestang, Montels, Cuxac-d'Aude, Coursan, Nissan) et, au sud-est, un quadripoint (Lespignan, Fleury, Salles, Nissan) ! 

Nissan lez Ensérune / Moulin / wikimedia commons / Author Toutaitanous / N'est-ce pas le moulin de Maître Cornille ? Parce qu'on dit que certaines meules broyaient aussi du calcaire pour obtenir de la chaux ensuite... il n'y avait pas qu'un produit aussi noble que le blé à moudre...
 
 

Entre Orb et Aude, un village "niché dans un terroir de collines tertiaires" (les rédacteurs de Wikipedia font parfois preuve d'un joli lyrisme). Au nord, avec le site remarquable d'Ensérune, elles affichent entre 5 et 22 millions d'années (miocène) ; au sud, c'est entre 23 et 34 millions d'années (oligocène) qu'une argile rouge s'est formée pour les potiers et tuiliers, encore au XIXe (1). Il y avait bien une bergerie en montant au four à chaux, par le raccourci pour Salles-d'Aude, mais je vous parle d'un temps... existe-t-elle encore alors que de nos jours, à la place des moutons qui ne les mangent plus, ce sont des troupeaux de pins qui ont envahi les collines ? 

La colline d'Ensérune. Elle n'a de romain que son appellation d'oppidum ; venus avant, les Celtes disaient "dunon"... et on ne peut que se poser la question pour les influences antérieures, hellènes, ibères, ligures... La conquête romaine clôt donc la controverse de façon insatisfaisante en mettant fin à la civilisation des "oppidums-oppida", un siècle avant notre ère environ (2). Tout comme celles de Pech Maho (Sigean), Montlaurès (Narbonne), La Moulinasse (Salles-d'Aude), cette position défensive offrait aux Elysiques une protection relative contre des assaillants. 

En haut, dominant la plaine et l’Étang de Capestang, des silos en nombre, pour des réserves ou de l'eau, creusés dans la pierre tendre ; des tessons de poteries, des vases, des armes, des pièces de monnaies ; les vestiges d'une cité gréco-ibérique rappelant celles de la côte catalane. Parmi les archéologues l'abbé Louis Sigal (1877 Narbonne - 1945 Cuxac-d'Aude) qui a notamment contribué aux recherches dans sa ville natale, a noté "l'emprise politique, économique, intellectuelle des pays ibériques" sur l'acropole languedocienne de Nissan. 

Sur cent-cinquante ans, le site est marqué par la quête aussi passionnée qu'altruiste de trois abbés, Alexandre Giniès, curé de Montady, qui fouille entre 1843 et 1860, Louis Sigal déjà cité et plus proche de nous, Joseph Giry (Nissan 1905 - Béziers 2002).

Grand comme un seconde ligne au rugby, l'abbé Giry, inlassable archéologue, spéléologue, écrivain, n'arrêtait pas de sillonner la région au volant de sa 2 chevaux. Son enthousiasme le poussait même à faire le guide pour une visite inoubliable du site (relevé par Le Routard) ! On le connait plus pour sa protection totalement désintéressée du patrimoine qu'en tant que chanoine de la cathédrale Saint Nazaire. C'est lui qui acheta puis donna à l’État  les ruines de la villa romaine Vivios à Lespignan, lui encore, qui acquit auprès de onze propriétaires différents, les ruines de l'abbaye romane de Fontcaude pour la restaurer, la doter de grandes orgues avant de passer le relais aux "Amis de Fontcaude". L'église Saint-Saturnin  lui doit aussi beaucoup pour les œuvres d'art et encore de grandes orgues aussi historiques que remarquables. 

Nissan-lez-Enserune église St-Saturnin wikimedia commons Author Fagairolles 34

Lui succédant au fauteuil 15 de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, Jean Billiémaz pointa dans l'éloge à l'abbé Giry : 

"...vers la connaissance de l’Homme, l’Homme dans la vie d’hier et d’aujourd’hui, l’Homme dans sa vie familiale, sociale, dans la cité, l’Homme dans les objets, les ruines datant des différentes civilisations et cultures, que le Languedoc a vu défiler..." 

 (Jean Billiémaz, discours de réception à la succession de l'abbé Giry / fauteuil 15 / 27 mars 2006).

(1) la mairie récupère les tuiles hors d'usage pour la réfection des chemins communaux...  

(2) Extrait de l'article " Des pistes pour la partie enterrée du dernier affluent." avril 2019 : "... Devons-nous toujours rester conditionnés par un cheminement culturel contraint et limité aux racines romaines et grecques ? Il n’y avait donc personne avant les Hellènes et les Latins ? Pour quelles mauvaises raisons l’évocation des Elisyques, ce peuple des oppida dit "petit" (doxa partiale oblige) dont l‘existence a pourtant perduré du Premier Âge du Fer à la conquête romaine (4), ne reste-t-elle que confidentielle ? Ils étaient pourtant à Sigean (Pech Maho), à Peyriac-de-Mer (Le Moulin), à l’oppidum de Montlaurès (Narbonne, ville importante, riche et brillante bien avant la conquête des légions !), à celui d'Ensérune (Nissan) et au site de la Moulinasse, pas plus loin que Salles-d’Aude !..."

samedi 13 mars 2021

LE VIN BOURRU de J.-C. Carrière / lecture à quatre z'yeux


Quarante kilomètres à vol d'étourneau entre Colombières, le village de Jean-Claude Carrière et Fleury-d'Aude, entre le pied du Massif Central et le rivage méditerranéen. Peu de distance mais une géographie très contrastée et pourtant une vie commune où chacun peut se reconnaître, retrouver le souffle vital légué par les aïeux, supputer la pression latente d'un jacobinisme nordiste sur un Sud qui veut vivre... 

Au fil des pages, quelques thèmes partagés, estampillés "Languedoc".

LE VENT. 12 mars 2021. 4 heures du matin : 10° avec le marin, de la douceur mais il ne fera pas plus de 13 degrés cet après-midi puisque le vent va tourner au nord-ouest.  Ah, en parles-tu du vent ? Oui : "le pays est [...] froid l'hiver à cause du vent du Nord qui descend en sifflant du massif..."
 C'est vrai que nous aussi avions l'habitude de dire "vent du Nord" pour un air pourtant venu d'ailleurs. Mais tout comme nous, tu ne mentionnes pas la tramontane. 
Suivi : finalement le vent hésite entre sud-ouest et nord-ouest, dans le premier cas ce serait  "labech" et est-ce que le proverbe trouvera à justifier demain "labech tardièr, cers matinièr" ? (labèch du soir, cers du matin).

LA MER. A t'entendre il te tardait de dépasser ton monde fermé, encaissé entre "... Le Caroux, haut bastion escarpé qu'on qualifie d'imposant et de pittoresque..." et au sud la chaîne basse et arrondie de Sauvagnère. Pourtant, par le versant raide du Caroux, une fois en haut sur le plateau, on voit la mer. 
A Fleury, vers 1930, à l'époque de ta naissance, il s'en trouvait toujours une paire, à l'école, qui n'avaient jamais vu la mer. Alors le maître les emmenait un jeudi sur les hauteurs de la Clape et deux mille mètres plus loin, près le Pech de la Bado, vers 160 mètres d'altitude, on la voit la mer, plein Est, à six kilomètres à peine. 
Note : depuis les coteaux au sud-ouest (Fontlaurier, le Phare) ou ouest (le château d'eau), on la voit la mer. Au-delà de l'étang de Vendres, on reconnait l'immeuble de Valras.   
 
ane-sang-et-or nanou.over-blog.org

LES GAVACHES. Déjà, pour situer Colombières tu ajoutes :
 
"Juste un mot sur les gavaches (prononcer gabatchs). Ils vivent au nord, dans les régions froides et peu civilisées des montagnes centrales. Ils parlent patois et ne sont bons qu'à faire brouter les vaches. A certaines saisons ils descendent dans les terrains méridionaux comme travailleurs périodiques. C'est l'occasion pour nous de voir comme ils sont frustes et ignorants. Le gavache est la référence barbare..."

Et nous Audois qui sommes les Gabaches en chef des Catalans (1) eux-mêmes Gabaches de qui déjà ? Des Catalans d'Espagne ? Des Espagnols non catalans ? Le mot aurait un rapport avec le goitre dû à une carence en iode chez les montagnards de France partis faire les moissons de l'autre côté des Pyrénées dans une Espagne bien plus verte qu'aujourd'hui (les migrations ne se font pas en sens unique !), et ce depuis 1530 ! L'espèce humaine étant d'une nature douce et non agressive, goitre et crétin devinrent synonymes.   
Si les Mexicains ont eu dit (ou disent encore ?) "gabacho" en parlant d'Européens ou de Yankees, un affairisme historique met au second plan le côté péjoratif du terme lorsque, à la frontière du Roussillon, terre aragonaise durant quatre siècles, une interprétation plus apaisée vient traduire le traditionnel "Catala bourou, Gabach  porc !"(2), à savoir que sur la frontière où avaient lieu les échanges, les uns proposaient des ânes réputés, les autres des cochons ! 
Et nous, du Bas-Pays, nous disions plutôt "mountagnols" que gabaches...  

Cochon_recueilli_par_le_Refuge_GroinGroin wikimedia commons Photo_de_L214_-_Éthique_&_animaux

Encore les interconnexions entre l'Occitanie, l'Espagne, le Mexique ! 

(1) nomment-ils ainsi les Occitans du nord du département des Pyrénées Orientales (Fenouillèdes notamment) ?
(2) Catalan tu es un âne, Gabach tu es un porc.