vendredi 22 mai 2015

DES CERISES MAIS AUSSI DES CASCAMELS A TRAUSSE ! / Aude, Languedoc



Les cascamèls désignent les grappillons de raisin, parfois laissés, lors de la vendange, parce que leur maturation est décalée par rapport aux grappes... certains faisaient le bonheur des vadrouilleurs et des grives, encore en novembre. Toutes ces allusions ne peuvent mieux tomber : Luc, mon « vieux copain » cultive la vigne et fait son vin en Minervois, entre l’Argent-Double et la garrigue ! 





Trausse dans le dictionnaire topographique de Sabarthès :
Église paroissiale dédiée à saint Martin.
Évolutions du nom : Villa tesautani 842 ; Villa Tecsetani 843 Villa Trenciani in pago Narbonensi, in suburbo Ventaionensi 866 ; Trencianum 1142 ; Trauzanum 1167 ; Traucan 1216 ; Treussanum 1231 ; Traussanum 1245 ; Traucianum 1245 ; Trautianum 1270 ; Trausan 1595 Trausse 1781 Troòuso (vulg (1)).
Parmi les appellations diverses, les plus "plaisantes" : Cantecocu, lieu dit Trausse, 1231, Cantecouyoul (vulg) / Couscoulholes, localité disparue au contact des communes de Laure, Caunes, Trausse 936...
Les édifices religieux outre l’église paroissiale : Saint-Brès ancienne chapelle XVIIIème / Saint-Roch chapelle rurale Sant Roc 1536 Saint-Roch chapelle 1781 / Saint-Sernin ancienne chapelle Sainct Cerny 1644.
Autres : Chamans f / A l’estanholh 1536 / La leude, ancien péage le même que celui de Peyriac / Paulignan château ancien fief de l’abbaye de Caunes 1270 / Prax lieu dit 1163 / / Sainte-Férigoule col entre Trausse et Félines-d’Hautpoul Al colh de Santa Ferygolha 1536 / / Saisset ferme / La Treille ferme /

Luc, avez-vous des vignes, avec Jean-Yves, sur ces tènements ? Et à l’occasion, tu me préciseras ce que vaut le retour d’affection, à moins qu’il ne soit que commercial, pour le carignan, ce cépage qui me tient particulièrement à cœur... 



Dans le Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral, nous pouvons lire :
Trausso, Tròusso n.de l. Trausse (Aude) village dont les habitants ont une réputation de naïveté comme ceux de Martigue en Provence.
PROV : A Trausso lous Auvergnasses dison la messo. A Trausso lous sants bufon.
Pour le premier, si "auvergnasse" signifie aussi pour les Lyonnais un vent de nord-ouest, sont-ce les gens de l’extérieur et que viennent faire ici les Auvergnats qui seraient plus écoutés que les locaux. Quant au second proverbe est-ce une allusion à la dévotion des habitants ? Une explication serait la bienvenue...
Mistral ajoute : Traussés, Trausseis, Traussanèl, Trauseso, Trausello habitant de Trausse v beco, estestassa
Autres allusions au village : Trausse localité disparue entre salines et l’île del Lec commune de Narbonne.

PS : à propos de la Calandreta, l’école occitane, est-ce celle des Cascamèls (les grappillons de raisin) ? Pour l’école encore, je ne peux que revenir sur cette jolie réflexion de l’ancien maire Julien Boutet : « En 1914, ceux qui sont partis à la guerre ne parlaient pas français mais occitan, on leur devait bien cela ! ».

(1) la mention "vulg" pour "vulgairement" signifie "dans la langue locale", donc en languedocien... Et comme Sabarthès ne saurait être coupable de mépris à l’encontre de son pays, on ne peut que penser qu’en 1912, c’était dans l’air du temps... Et puis, encore aujourd’hui, ils sont nombreux, les tartuffes de la démocratie à ravaler notre langue en tant que "patois"... Partageons et gardons en mémoire, plutôt, le respect, la dignité des paroles de l’ancien maire de Trausse ! 

 photos 1 & 2 http://www.domaineluclapeyre.fr/ 3 commons wikipedia

mercredi 20 mai 2015

LES CERISES DE TRAUSSE / Fleury d'Aude en Languedoc

En parcourant le dictionnaire topographique de Sabarthès, en plus de nos villages, une curiosité subjective m’a aussi amené à mieux connaître Sallèles, Ouveillan, en attendant la suite puisque le livre reste une porte ouverte sur notre département. Pour Trausse, ce fut d’instinct parce que, sur deux générations, une vieille amitié nous lie à ce coin du Minervois.
Il me reste au moins un éclair, un flash de ce voyage à vélo entre Fleury et Trausse, sur le porte-bagage paternel : l’eau, l’eau du canal du Midi ou du fleuve Aude sinon d’un étang, avant la "cluse" d’Argens. Nous devant, maman derrière. Le Cers, les kilomètres, moi dans un panier, l’époque difficile (1), rien ne les aurait empêchés de rallier ce clocher du Minervois. L’amitié appelait. Ils étaient jeunes. 



Pour vous dire combien ce village continue de compter pour nous, les souvenirs prendraient-ils le pas sur le présent, les années passant, parce que les amis aussi partent et que la vie sépare ceux qui restent. Reste l’espoir, néanmoins, qu’à un moment donné, deux vers partagés de la "bonne chanson" (2) confluent pour renouer le fil rompu, pour ne pas repartir aussi bêtement, chacun pour soi, dans le tourbillon de la vie (3).
Avec mon "vieux" copain, les voix se répondent comme si c’était d’hier, même si elles font comme si ce n’était rien d’échanger des dizaines d’années en quelques phrases à peine, en résumé, au plus court, bouclées en deux ou trois phrases ! En attendant la revoyure, promise cet été, cochon qui s’en dédie, les souvenirs affleurent...
Moi : Un panier de cerises chez ta tante à Laure...
Lui : Non, tu te trompes, la terre ne leur va pas...
Moi : Pourtant, et c’est ton père qui nous avait amenés...
Lui : Tu es sûr ? parce que les cerises, c’est à Trausse, même qu’on s’en est fait une spécialité et qu’on les fête chaque année !
Moi : Une « espécialité » (4), tu dis ? Tu fais référence peut-être à une traditionnelle fête des guines, non ? Mais puisque tu le dis, nous viendrons les manger à Trausse, les cerises ! Tu sais que mes parents parlent encore de ce panier que ton père avait descendu du Minervois... » 



Oui, félicitons-nous de ces manifestations qui entretiennent la vie des villages : Trausse fêtera ses cerises le 31 mai, pour la douzième année consécutive ! Une vitalité marquée aussi, pour les 500 habitants (ça se maintient, bon an mal an, même à 25 kilomètres de Carcassonne), par le souci qu’ils manifestent pour une Calendreta, l’école associative occitane. La langue, comme l’accent, au même titre que le vin... ou le Cers, expriment assurément la résistance contre un pouvoir central jacobin. Ne nous y trompons pas, le mépris, la vanité, l’ethnocentrisme de la capitale continuent de peser parce qu’"ils" honorent et respectent les différences au-delà des frontières autant qu’ils les dénigrent et les combattent en deçà... des Pyrénées !
Aussi, merci à l’élu de Trausse qui prend congé de ses administrés comme devraient le faire tous nos élus du Sud : « Adiusiatz a totes ( au revoir à tous ).Le Maire J-F Saïsset ».
Mince, nous n’avons pas parcouru la fiche de Sabarthès ? Ce sera pour lo cop que vèn, la prochaine fois, sans faute !


(1) 1952, après les vendanges. Le pays se ressent encore de la dernière guerre.
(2) j’aime ce titre du recueil de Verlaine qui, au lendemain de ses fiançailles, croyait voir l’avenir lui sourire. Ce que nous savons de sa vie témoigne, malheureusement, du contraire.
(3) comme dans la chanson.
(4) « La sardine Michaud est sur la place...
- Es uno especialitat d’aïci ? » Yves, père de mon «vieux copain » et copain de pension de mon père, lors d’une de ses visites à Fleury, alors que l’appariteur annonçait l’arrivée du poissonnier au village.

photos autorisées  1. Commons Wikipedia Canal du Midi à Ventenac Minervois (Peter Haas). 
                            3. Flickr.com Fête de la cerise à Trausse.