samedi 6 novembre 2021

Gruissan, la fête de la Saint-Pierre (1)

 La pêche, concernant notre canton, (notre canton d'avant devrais-je dire car depuis, Narbonne a phagocyté Gruissan), se pratiquait aux Cabanes-de-Fleury et à Gruissan, en mer, le long du fleuve ou dans les étangs *. 

Dans l'émission Thalassa, les pêcheurs installent (septembre), un barrage destiné à empêcher les poissons de repartir en mer, réparti en autant de postes qu'il y a d'inscrits maritimes. Ces postes, délimités par des roseaux, sont tirés au sort lors d'une réunion officielle, bien que bon enfant, à la prud'homie. La même procédure est décrite dans le numéro 24 de la revue Folklore qui fait état, en dépit du droit garant de justice, de nombreuses disputes et altercations entre pêcheurs allant jusqu'à des batailles navales, le nombre et la concurrence expliquant certainement cela. A contrario, le fait de se trouver aujourd'hui bien moins nombreux, explique qu'ils soient  solidaires et soucieux de maintenir la prud'homie en tant que cadre juridique à leur profession ainsi que les traditions qui lient historiquement leur corporation, la fête des pêcheurs, le 29 juin, pour la Saint-Pierre, en témoigne. 

La cérémonie est organisée par la prud'homie des pêcheurs. La veille le buste de Saint-Pierre est visible au tribunal.
Le jour de la fête commence avec les discours dont celui du premier juge.
Ensuite, Saint-Pierre, ancienne figure de proue repêchée en mer, est emmené en procession jusqu'à l'église. Il porte une couronne et tient les clés du paradis dans une main, un bouquet dans l'autre. Sa cape de velours est payée et renouvelée par une femme de patron. 

La population suit, en cortège. 

Les photos sont issues de captures du film Thalassa diffusé par France3. 

* source  : revue Folklore, n° 24, oct. 1941, très intéressant pour ce qu'il nous apprend des Cabanes-de-Fleury (signé Bourjade). Entre parenthèses y figure une dénomination des vents à l'époque :

"... Nord-Ouest et que l'on confond avec le Cers.
Mari ou levant, levantol, vent d'Est qui souffle de la mer.
Tramountano, vent du Nord-Ouest.
Vent d'Espanho, vent du Sud.
Grec, gregau ou grégali, vent du Nord-Est.
Lebech, vent du Sud-Ouest.
Eissiroc ou issalop, vent du Sud-Est.
Garbi, vent du Sud-Sud-Ouest..." 

et les graphiques de l'Aéronautique Maritime parlent, à propos de l’Étang de Bages et de Sigean , "de 200 jours de Mistral ou vent d'ouest pour 85 jours de vent marin. Les grands vents de Mistral sévissent toute l'année, quelquefois 30 où 40 jours sans discontinuer avec courtes accalmies. Les périodes de grand vent marin ont une durée bien moindre : 8 à 10 jours environ. » (SIRE). (de quoi nous donner à comparer avec aujourd'hui). 
 
Certains postes peuvent rapporter 1000 francs de 1941, ce qui correspond à 30.341 € de 2006, soit 35.571 € de 2020... 17 % d'inflation quand même mais là je suis hors sujet...

jeudi 4 novembre 2021

Gruissan, ses pêcheurs et l'étang de l'Ayrolle (fin).

La longue piste sur la laisse d'hiver rendue à la plage d'été, avec ses passages de sable sec à bien négocier ; la mer, toujours belle, tôt le matin, sous un soleil montant de début juillet, nue sous les écailles miroitantes d'eau soumises au faisceau encore limité de l'astre, vierge de voiles et bateaux avant que le Golfe ne les éparpille ; la plage vide quoique ensuite si peu occupée par de rares parasols. (1)

Quatre kilomètres plus loin, le grau de la Vieille Nouvelle, qui joint l'étang à la mer, au tracé et au flux  changeants. Pour bien s'en rendre compte, le site ami mais remarquable :
      

L'étang ! Perle précieuse dans les bleus ou les verts, suivant l'atmosphère, dans un écrin de sable doré ou, plus à l'intérieur, la verdure mordorée de la végétation des dunes. Puis, à droite de la vieille redoute, la réfraction de l'air réchauffé brouille la forme des pêcheurs de palourdes en un mirage digne d'un tableau de maître, imprimant à jamais la mémoire d'une émotion toujours à vif. Au fond, les pins de l'Île Sainte-Lucie et les caténaires de la voie ferrée qui loin de gâcher le panorama, amènent à se questionner sur les agissements de notre espèce. Sinon, seulement des senteurs de sel et d'iode, loin des pestilences qu'on associe trop mécaniquement aux lagunes surchauffées par les températures excessives. L'eau reste fraîche malgré une faible profondeur relative (0,75 m. en moyenne, 1,5 m au maximum). D'ailleurs,  tout à l'observation des faux cils des siphons d'un couteau, on peut se retrouver carrément au bain dans le courant d'un fossé immergé, artère qui fait respirer et nourrit, fragile garantie pour la vie de  l'étang, appelé ""cannelisse", ce dont je ne suis pas certain du tout...  
 
Photo aérienne. Source Geoportail.  
 
L'Ayrolle, j'en ai eu un aperçu l'hiver, quand le Cers donne libre cours à sa hargne et lève déjà des vagues sur l'étang. Il y avait un pêcheur à Fleury, ouvert, aimant et aimé. Nous le connaissions pour la pêche au globe, à Aude, celle, à la traîne entre Saint-Pierre et Les Cabanes. Je veux parler de Robert Vié. Il m'avait invité à le suivre sur l'étang. Un jour je retrouverai bien quelques diapos sur cette sortie : elles existent. Je n'en ai pas rêvé, lui, sur son betou, dans son ciré jaune, les pommettes rougies par le froid, les doigts gercés. Avions-nous pris des anguilles ? je ne saurais dire. Dans ces années 70, comme aujourd'hui, un camion-vivier faisait régulièrement la tournée. A l'époque Robert me disait que c'était surtout pour l'Italie où l'anguille, fumée ou non, est un poisson de luxe. 


Robert Vié

C'est sûr, j'ai beaucoup à demander aux pêcheurs de l'Ayrolle. Après l'émission, j'oserai, mieux que la dernière fois pour l'escapade à vélo sur l'Île Saint-Martin :    

"... Photos de l'Ayrolle sans la bonne odeur iodée des posidonies que les locaux appréciaient jusque pour les matelas des petits... L'étang est-il, après les calanques de Marseille notamment, envahi par ces autres algues brunes, trop vivantes elles, arrivées du Japon avec les naissains d'huîtres du bassin de Thau ?

Photos des cabanes de pêcheurs et de la cale avec les barques, les pieux et partègues ; les ganguis, trabacous et autres filets des petits métiers de l'étang. Justement un pêcheur, son placide korthal aux basques (il doit se faire vieux le pauvre), charge sa barque . 

"Pardon monsieur, est-ce que, par derrière, on peut rejoindre la route de l'Evêque ? 
- Et non il vous faut revenir jusqu'à l'embranchement... Oh ! mais vous êtes à vélo, alors suivez le canal, la route est au bout !" 
Oh qu'elles ont du chien, ces vieilles baraques, plus ou moins délabrées et pétassées ! Photos !..." 
 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/09/lile-saint-martin-velo-3-viree-en-terre.html

Il faudrait vous raconter aussi comme la prud'homie les unit et comment les pêcheurs fêtent Saint-Pierre. Cette cérémonie garde un lien certain avec le cimetière marin des Auzils, il faudrait l'évoquer aussi... Quant aux photos, sûr que d'y revenir sera une des priorités : les pêcheurs, heureusement, sont toujours là mais quelques "maisons rouillées", comme le chantait Trénet, menacent ruine. Elles comptent pourtant, elles aussi, pour la mémoire. 

(1) est-ce que les voitures sont autorisées sur ces presque 5 kilomètres de sable ? On comprendrait que la réponse soit NON ! La beauté, la nature se méritent... sous peine d'être vite dénaturées...