mercredi 18 octobre 2017

DIX-SEPT ANS, IL Y A DES LUNES (fin)... / Československo, Holoubkov


Devant nous, l’usine. Pour ne pas être en reste avec la forêt qui fume, sa respiration paisible (le rythme n’est plus celui, plus poussé, de la semaine) exhale des bouffées de vapeur diaphane qui se lovent puis déroulent au-dessus des ateliers. 
 

Une fois en bas, il faut prendre à gauche. Le vieux corps de logement ouvrier, aux allures de château, haut perché sur un soubassement de pierres de taille, nous domine. J’y connais des gens aimants qui en faisaient trop pour un petit Français resté si tchèque... La grand-mère de Tonda y habite. Sa cuisine reste imprégnée des senteurs d'épices, du cumin (khmin), de skořice, la cannelle de tous les strudel sortis du four ! Côté usine, c’est le réfectoire transformé parfois en cinéma, le samedi. J’y ai vu “Sur un arbre perché” ; Louis de Funès parlant tchèque, ça ne s’oublie pas ! 
  
Le raccourci débouche sur le barrage avec la route de Hůrky ou Medový Újezd suivant qu’on prend à droite ou à gauche après le pont du chemin de fer, là où le vallon se resserre. Elle a décrit une longue boucle descendant vers le lac. Sur l’eau, se mêlent aussi des écharpes de brume... Sûr qu’au-dessus du déversoir, le vodník, le génie des eaux, médite dans les ronds de fumée de sa pipe... 
Dans l’air frais qui les fait résonner, des halètements de locomotive se font entendre. A la faveur de la nuit passent souvent les lourds convois de l’armée. Enfant, je ne voulais que l’éruption d’escarbilles des machines à vapeur, aux grandes roues couplées patinant sur les rails, crachant leurs entrailles d’acier dans la rampe. Par la suite, malgré les bâches de camouflage, j’étais bien obligé de voir, souvent, braqués vers les étoiles, les canons des tanks d’une troisième guerre mondiale en suspens, des fûts autres que ceux, souples, oscillants, des épicéas abattus. 
Un sentier dévale vite le remblais à main droite. Strěda (tonton) s’arrête pour pisser et nous nous retrouvons à trois à arroser longuement (la bière) les pieds de bardane qui n’en demandaient pas tant. Silence. Le regard se perd au loin ou plus loin encore. Là-bas, montant du thalweg, les volutes de la loco de tête se détendent ; elles voilent quelque peu la lune. Plus bas, à l’arrière du convoi, la machine qui pousse crache, dans une quinte n’en finissant pas, un panache puissamment comprimé dont les boursouflures cachent un instant la forêt qui fume.

“ Dedo, grand-père, quand pourrons-nous aller aux champignons ? “

En descendant vers le fond glauque de la smrdlava ulička, la ruelle puante pas si désagréable pourtant (il faut que je la raconte un jour, promis), grand-père se lance dans une tirade improvisée, presque un exposé sur la pluie, les sorties, la pousse, la croissance, les lieux propices, ceux à explorer en début de cycle si les circonstances ne sont pas favorables, les conditions météo dans les mois sinon l’année qui précède. Il se laisse même aller à raconter le cèpe roi, les gros cachés sous la mousse, la rencontre avec le cerf, des histoires à repasser des dizaines de fois, dont on ne se lasse jamais, parce qu’elles sont ces pulsions de vie léguées en héritage, ces petites graines fragiles, semées à tous les vents et qui ne peuvent toutes s’éteindre.
La maison n’est pas loin et sous le pont j’aimerais plutôt prendre la route forestière de  Hůrky pour l’entendre encore des kilomètres durant, par cette nuit à la magie éternelle... Il marche, nous parle, parle aux grands arbres. Dans le fossé, les biches, les chevreuils, les lutins des sources, les gnomes des mines, les sorcières apaisées, le vodnik pensif, apprécient et se confortent de voir passer un émissaire des hommes auprès des sylves... 
  

Děda n’est plus, strejda non plus et papa qui a parfois été de la sortie vient de nous quitter. Pourtant, pas seulement l’envie, la nécessité aussi de les garder vivants, s’impose telle une évidence... L’oubli, la fuite en avant ne peuvent que précipiter la perte de la seule espèce prétentieuse de sa capacité à se pencher sur son passé.

Aujourd’hui comme quand j’avais dix-sept ans, la forêt continue de peser dans notre histoire au point de conditionner notre survie. Malheureusement, la toute puissance mortifère de l’argent sape et réduit dangereusement sa biodiversité : plus de la moitié des oiseaux a disparu depuis 1980... 

Doit-on, peut-on décemment accepter une mise à mort programmée des générations à venir parce que nous sommes coupables d’avoir tué la poule aux œufs d’or, lâches que nous sommes d’accepter des poisons chimiques dans un présent trop facilement lié à un progrès global ?   

“Rien n’est plus vivant qu’un souvenir.” a dit Federico Garcia Lorca... Que ce ne soit pas celui d’un monde mort et disparu à jamais... Quel malheur ! quelle honte pour notre génération de devoir raconter un jour à nos enfants un paradis qui leur serait interdit... 

J’avais dix-sept ans... il y a bien des lunes... 

photo autorisée : 2. l'usine derrière le barrage http://www.obecholoubkov.cz/cs/o-obci-holoubkov/

RIVO EST ARRIVÉ ! / Mayotte, rythmes...

Rythmes scolaires : Rivo, la voix des enseignants, invité ce matin à Kwezi. (entretien relevé plus dans l’esprit qu’à la lettre, n’engageant que la responsabilité du rédacteur sur ses déductions subjectives).

Sam : Pourquoi la possibilité de ne pas les appliquer n’est pas la même ici qu’en métropole ?

Rivo : il faut remettre la phrase du ministre dans son contexte. Là-bas, c’est le retour de la semaine à 4 jours avec travail le matin et l’après-midi. A Mayotte ce seraient les 5 heures du lundi au vendredi. Il faudrait que la vice-recteur revienne sur sa politique, ce qui ne sera pas facile. Le SNUIPP combat depuis 2014. Les parents s’y sont mis. On ne comprend pas pourquoi la vice-recteur refuse de discuter avec les parents (l’autorité refus de les recevoir NDLR), elle pousse les enseignants à casser les grèves des parents (Petite-Terre, Chiconi, Kani ont connu des pressions... Les collègues de Chiconi ontété convoqués au vice-rectorat avant les vacances ; on leur a reproché de ne pas appeler la police, de ne pas forcer le passage pour faire classe...)
Entre les parents et l’autorité, nous sommes restés neutres jusque là mais nous pouvons nous engager s’il le faut...
En cas de discussion, en espérant avoir les élus à la réunion, nous demandons des négociations sur les horaires. La position des parents et des enseignants est sans ambigüité pour l’ancien système.
La vice-recteur a agi d’autorité. Or comment dire qu’on peut travailler alors que tout est délabré. On nous promet des salles de classes... L’argent destiné aux constructions est parti dans la remise en état. Combien ont été livrées à cette rentrée ? RIEN

Flo : pour les horaires, le maire a-t-il le dernier mot ?

Rivo : il faut que le conseil d’école demande avant que ça remonte au vice-rectorat. A Sada la maire n’a jamais été d’accord avec les rythmes et on ne lui a rien fait !.. Quelques communes suivent mais les autres maires n’ont pas ce courage.

Sam : a minima que la réforme ne s’applique pas dans les écoles en rotation !

Rivo : la situation est absurde, la vice-recteur ne veut pas comprendre que cela ne puisse pas marcher. La pause méridienne, mal appliquée, fatigue les enfants... l’après-midi ne fonctionne pas.

Sam : la rentrée va être chaude ?

Rivo : ça va continuer à bouger et la vice-recteur a l’habitude de naviguer à vue. Si elle continue à faire pression sur les collègues, ce qu’elle contredit or nous avons des témoignages et une bande sonore attestant ce qui a été dit... les maires ne tiendront pas après janvier (restrictions des contrats aidés). Il faut passer à l’action, à des décisions, le temps de la discussion est passé.