samedi 20 octobre 2018

VENDEMIOS… VENDIMIAS, vendimiadores / L’Europe des vendanges aux accents de l’Espagne.

Les mots tant occitans qu’ibériques voisinent et se ressemblent. Latins, voisins, cousins, les Européens du Sud ont entretenu et perpétué les échanges, souvent la force de travail contre une rémunération, un différentiel de niveau de vie jouant, aggravé parfois par les crises économiques et les intransigeances politiques. Ainsi notre arc méditerranéen, surtout pour ce qui ressort de l’agriculture, a vu arriver, de Menton à Banyuls, sur un gros siècle d’Histoire, des Italiens et des Espagnols. L’injuste inégalité sociétale et la prise de pouvoir par des régimes autoritaires et fascistes de Mussolini et de Franco, ont poussé les plus exploités, les plus pauvres, à migrer. Parmi ces migrants d’abord saisonniers, certains se sont installés à terme ; un mouvement toujours d’actualité, bien que plus modeste.

A Fleury, on les remarquait surtout pour l’animation aussi entraînante qu’exotique qu’ils apportaient aux vendanges. Le reste de l’année, au contraire, la colonie espagnole restait des plus discrètes, solidaire pour résister aux jalousies, aux pulsions xénophobes confortées par une minorité d’imbéciles malheureusement plus voyants et audibles qu’une majorité ouverte mais silencieuse, elle.
« Espagnol de merde ! », « travailler comme un Espagnol » ! J’avais moins de quinze ans… pas besoin de demander, de me référer à qui, à quoi que ce soit pour être vraiment choqué par ces invectives à l’emporte-pièce et sans fondement ! Comparaison n’est pas raison dit-on mais force est de faire un parallèle entre ces mouvements européens et les migrations actuelles, extérieures à l’Europe, sous-tendues par une religion d’essence aussi hégémonique qu’agressive. Le roi Hassan II ne disait-il pas que contrairement à un Européen un Marocain ne deviendrait jamais français ?
A Béziers la place d’Espagne ne l’est plus que de nom et c’est plus flagrant encore si on évoque l’historique de la colonie espagnole de la ville, celle qui fait la meilleure paella de la feria.  


            
  Luis Iglesias Zoldan, son président, rappelle que tout fut loin d’être rose :
 « Les Espagnols venus pour travailler dans les vignes fin XIXème ont mis 31 ans avant d’avoir le droit d’être soignés dans les hôpitaux publics : au départ la colonie espagnole leur servait de mutuelle…/… les vendangeurs qui arrivaient par wagons dans les années 60 étaient exploités dans des conditions indécentes… » mais que finalement en restant espagnols de cœur, sans renier leur origine, leur sensibilité identitaire, ils sont toujours allés vers un multiculturalisme d’intégration solidaire et fraternel…


 Comment ne pas évoquer encore, complètement antagoniste, la menace de dhimmitude que fait peser l'intégrisme inhérent aux métastases islamiques !

jeudi 18 octobre 2018

VENDANGES, GABACHES & honorables CORRESPONDANTS


« L’Itinéraire en Terre d’Aude » 1936, Jean Girou :

« … la vendange s’annonce belle, à moins que la grêle ne ravage tout ou que les pluies ne changent le raisin en pourriture. Quelles sollicitudes ! Quelles inquiétudes ! Enfin, c’est le moment de la coupe :  les vendanges. Dans ce nom, il y a de la joie, des cris ; les colles sont toujours joviales, les gabaches ou montagnards descendent de la Montagne Noire, des Cévennes, de l’Ariège et viennent vendanger au Pays bas, à Béziers, Narbonne, puis Carcassonne ; après un mois de gaîté et de travail, ils remontent à la montagne, avec un petit pécule… » 

Beziers - Les vendanges, coupeuses et porteurs Wikimedia Commons Author unknown

Girou note l'importance de l'apport de main-d’œuvre supplémentaire venu des Pyrénées ou du Massif-Central. Les montagnes avaient alors du mal à nourrir une population nombreuse et les hommes encore jeunes, sans parler des colporteurs et autres montreurs d'ours de l'Ariège, par exemple,  partaient faire les moissons, revenaient assurer les leurs plus tard dans la saison et repartaient à nouveau dans le bas pays pour les vendanges. 

Cette dynamique de contreparties va durer jusque dans les années 50, confortée par les échanges en temps de guerre entre produits fermiers contre vin. Mes grands-parents ont gardé des liens avec leurs correspondants dans la Creuse. Papa en parle dans Caboujolette :


"... C'est l’oncle Noé qui avait déniché Adrien Petiot (pas le sinistre docteur !) à Chaulet, commune de Sainte-Feyre (Creuse), et cette famille s’est montrée très compréhensive. Exemple :

« 27 mars 1944. Monsieur Dedieu, c’est avec plaisir que j’ai reçu votre lettre du 22 mars me disant que vous m’expédiez un fût de 233 litres de vin (comme vendangeur). S’il pouvait seulement arriver sans encombre en ces jours sombres que nous vivons. Je vous en remercie infiniment car soyez assuré qu’il sera le bienvenu. Aujourd’hui 27 mars, je vous envoie une caisse de 19 Kgs 500 qui se compose comme suit : caisse 5Kg 500, farine 1Kg 800, lard gras 700 grammes, œufs 1 douzaine, pommes de terre 10 Kgs. Aussitôt reçu, par retour du courrier, vous m’aviserez si tout est bien arrivé (…/…) vous me la retournerez aussi le plus vite possible pour que je vous la renvoie aussitôt, nous ne faisons pas le pain, c’est le boulanger qui le fournit, on se débrouille pour la farine.../...


... Il était venu avec sa femme vendanger, une année. C’est lui qui se levait de sa souche, chaque fois, quand l’oncle Noé chantait



« J’ai mal occu… j’ai mal occu…

J’ai mal… occupé ma jeunesse :

J’ai troP été, j’ai troP été,

J’ai trop été dissipateur »



Il se levait encore lorsqu’on racontait « la dernière » d’Henri Sales, le père de Jeannot, parlant d’un cochon gras … de six mètres de long, et pesant la bagatelle de 450 kilos.



« Oh ! mais alors, il était maigre ! » avait-il dit..." 

Wikimedia Commons Vendanges_dans_l'Hérault_à_la_fin_du_XIXe_s_côtes-de-thongue (2)



Puis le vin a cessé d'être considéré comme une nourriture chère et recherchée là où les vignes ne poussaient pas. La mécanisation, le désir de vivre et non plus de survivre ont vidé les régions montagneuses à l'écart... Les gens de la Creuse et de la Haute-Loire (75 % des vendangeurs extérieurs) se sont tournés vers les plaines industrieuses. Jean Ferrat en a bien témoigné dans sa chanson "La Montagne" (1964). Un irrésistible exode rural a poussé ces ruraux à devenir ouvriers ou employés dans les grandes villes. 

Au milieu des années 50, ce sont les Espagnols qui vont contribuer à fournir la main-d’œuvre si nécessaire aux vendanges.