mardi 7 avril 2015

L’ANGELOT BOUFFI ET LA MAGICIENNE GRISE / Mayotte en Danger

L’ANGELOT BOUFFI ET LA MAGICIENNE GRISE.


Un peu de poésie et de contemplation pour ne pas toujours donner dans l’aigreur et l’acrimonie.


Midi, un courant d’air veut chasser un instant le temps immobile, lourd et moite de la saison des pluies. La mousson n’est que rétention ; la nature souffre. Des cheveux flottent dans un ciel à blanc. Désespérant. L’instinct cependant, du moins l’expérience fait tourner vers le nord qui appelle les bouffées. Oh la belle vision ! Un cumulo-nimbus aspire autour de lui et gonfle ses boursoufflures. Haut dans l’éther, sa tête est décidée : ça va tomber, vous allez voir, ça va péter ! Oh le beau bébé, on se prépare au spectacle ! C’est son corps à présent qui enfle ses volutes ! Les tons chou-fleur s’oxydent, tournent au gris, foncent encore un peu. Encore une rafale ! Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’orage ! Le deuxième acte se précise quand... Mais que se passe-t-il ? La tête ne tient plus, les boucles fondent comme des filaments de barbe à papa et le corps n’est pas loin de subir un même sort. Nimbus se dégonfle d’un coup ; Cumulus s’effiloche parallèlement au lagon. On attendait la bourrasque et c’est le soleil qui se rengorge sur les bleus de la mer et la verdure du mont Chiconi ! Rien alors que le déficit en eau est flagrant... L’angelot baroque ne put pisser l’eau du ciel, penaud il s’éclipse vers la barrière de corail, au ponant... A-t-il péri comme Tycho Brahé, l’astronome qui s’était retenu pour respecter l’exigence protocolaire de ne point quitter la table avant le roi ?
Le lendemain, à l’Est, sur l’échine montagneuse qui coupe l’île en deux. Moins théâtrale, plus efficace, une nuée opaque arrose les hauteurs puis le plateau de Barakani. Elle approche. La rumeur gonfle, devient huée, enfle en bacchanale, culmine en sabbat. Un rideau d’eau hachure l’espace, inonde la varangue, balayant tout ce qui n’a pas été rangé à temps mais pour la terre assoiffée, craquelée, cela ne pouvait mieux tomber. Il pleut à verse sur la paysanne qui poursuit son labeur. Son turban, ses cotonnades vives sont trempes mais une douce tiédeur dilue la sueur et soulage l’effort. C’est si bon qu’elle ne se dit pas qu’elle devra repasser pour les herbes qui ne vont pas tarder à buissonner sous peu. Une magicienne grise enveloppe le pays de ses oripeaux ternes, une fée plutôt, bienfaisante, qui ne fait que passer, sans éclats, sans baguette, sans faire sonner les tambours de l’orage et les éclairs de ces angelots bouffis gonflant les joues sur leurs trompettes et qui parfois font peur et se cacher pour rien. 

C’est bien la poésie mais il faut garder les pieds sur terre !
En saison des pluies l’espoir que toute la ressource voudra bien tomber gentiment prédomine. Il n’empêche que des passages perturbés allant jusqu’aux tempêtes et cyclones font toujours craindre des excès de pluviométrie, avec pour conséquences, des morts, des dégâts, des glissements de terrain, des difficultés d’approvisionnement. En troisième lieu, notons encore la préoccupation latente de manquer d’eau.
Malheureusement, et c’est plus marqué depuis ces cinq dernières années, les périodes de sécheresse sont plus longues et plus sévères. Cette année, même si les chiffres ne sont pas encore disponibles, est-ce lucide d’évoquer un manque de ressource lié à des réserves déjà basses ?
Ce n’est qu’un sentiment, qu’une impression mais quand on sait que l’île (peut-être 300 voire 400.000 habitants d’après certains élus) nécessitera de toujours plus de surfaces agricoles et que pour cela des pistes s’ouvrent en forêt, des arbres sont abattus on ne peut pas ignorer qu’un couvert végétal diminué c’est moins de pluies dans le cycle local. 


Sur les hauts de Sada, des paysages sont défigurés et cela n’est pas sans rappeler les saignées en Amazonie. Tout autour de la ville, les zones jadis agricoles se construisent à tout-va au prix de dizaines d’arbres abattus ou « étranglés » sur pied. Même légalement, comment un propriétaire peut-il supprimer, quand ce n’est pas par les clandestins qu’il tolère, des arbres que son grand-père sinon un aïeul plus éloigné a connus ? 

Bien sûr que la ressource en eau est compromise mais il ne faut pas oublier aussi que lors d’épisodes cycloniques tels Kamissy, la disette aurait été pire sans les mangues et les jaques (le fenesi) dont on consommait même les noyaux ! 

photos autorisées : 1. Ange baroque cathédrale de Strasbourg (commons wikipedia)

lundi 6 avril 2015

PAS QUE... / Fleury d'Aude en Languedoc

Pas que... pas que ça...
Peu importe si nissan (1) est antérieur à Nicée... Mais non, pas la marque nippone (ni mauvaise non plus) ; ensuite, si vous prononcez "niquée", c'est que vous confondez avec l'Athéna, qui l'était, et majuscule qui plus est ! Peu importe si la Pâque prélude aux Pâques, ce qui préexiste sans contestation aucune, sous les climats à quatre saisons, c'est l'équinoxe de printemps, le renouveau, la promesse de la terre, l'espérance universelle que demain encore sera. « Que sera, sera... » (2)





Alors tous les signaux, même exhibés en signes de ralliement au nom de dogmes sectaires, je me les récupère car je les aime, mes semblables quand, cessant les fanfaronnades, ils se regroupent pour s'en remettre à plus fort qu'eux. Alors chez moi, quand les bourgeons gonflent, dehors et dans ma tête, fin mars, début avril, je me les fais miens les lauriers, le buis, l'olivier et tous ces rameaux élevés vers le ciel : je leur fais dire la même chose qu’en troupeau, mais autrement, en marmonnant, doucement pour qu'on croie avoir entendu, sans comprendre vraiment. Mais c'était avant, c'est apaisé maintenant... Pas comme là-bas, de l'autre côté, où une bête immonde exhale sa barbarie, où "... Pas besoin d'être Jérémie pour d'viner l'sort qui..." leur est promis.

Non, non, contrairement à ce que vous croyez, je ne vais pas encore vilipender nos dirigeants mouillés un tant soit peu et valant si peu, d'ailleurs. Je reste avec Pergaud et Brassens, vaut mieux...
Fichtre ! un peu de hauteur, ça sent meilleur là-haut ! La chasse aux papillons, Pâques fleuries, mon clocher et ces volées de souvenirs qui grifferont jusqu'au dernier jour...
Je cours relire, avec une envie toujours renouvelée, ce que nous écrivions avec papa, à quatre mains presque. Lui, reprend un martelet que j'ai dû évoquer même si c'était un peu tôt, de la part des jeunes désœuvrés, pour taper chez les gens endormis. Sa touche personnelle, plus captivante, vient juste après : 


« ... Dimanche des rameaux 1953 : Le mauve de la glycine qui étale ses grappes près d’un portail de la place du Ramonétage m’a fait penser à l’entrée monumentale du château de Saint-André-de-Sangonis, et en ce jour des Rameaux je revois Marcellin, le vieux serviteur zélé jonzacois qui, de retour de la messe, parcourait une à une les pièces de la grande maison pour laisser dans chacune d’elles une branchette de laurier bénit destinée à remplacer celle de l’année précédente. Pauvre Marcellin, si gentil au fond, qui revenait avec nostalgie sur ses cinquante années passées au service des familles Martin, puis Gaudion de Conas, Romilly enfin ; il évoquait la cure à lui payée jadis annuellement à « Châtel » (Châtelguyon), les tenues de service auxquelles il avait droit, bref les beaux moments de sa vie de fidèle domestique. Et maintenant ? La comtesse, toujours à court d’argent, lui devait même sept mois de gages, quelle misère ! Aurait-il mieux fait de rester au service de la maison Martell qui portait si haut depuis si longtemps le renom du cognac français, celui de son pays qu’il ne reverrait plus ?.. » François Dedieu, p. 185 Le Renouveau  / Caboujolette 2008.


Moi : « ... Le samedi reste empreint de mystère mais notre communauté villageoise renaît le dimanche dans l'église inondée de soleil, pleine de monde, lorsqu'une élégante voulant se mettre en évidence se signe en retard devant le bénitier. Ensuite les familles se retrouvent pour le repas de fête avec les œufs au mimosa, farcis d'anchois, le gigot de l'agneau pascal et le bras de Vénus à la crème pâtissière.

Une tradition qui n'a rien de religieux veut que l'omelette pascale soit préparée pour le pique-nique du lundi de Pâques. La Saint-Loup (3) est un jour férié. Les groupes joyeux se retrouvent dans les pins, dans les prés, à la mer aussi… aux Cabanes, à Saint-Pierre... » Jean-François Dedieu, p. 161 Le Renouveau / Le Carignan 2008.   




Lundi de Pâques 6 avril 2015, comment laisser passer un jour indissociable de son dimanche, sans trop penser à « l’agnus pascalus » qui a eu plus de chance que son alter ego « paschalis » parce que « sans le latin, sans le latin... », même Brassens n’a plus voulu suivre (4) ! 



(1) mois hébraïque.
(2) « When I was just a little girl
I asked my mother, " What will I be ?
Will I be pretty, will I be rich ? "
Here's what she said to me... » Doris Day (1956).
(3) Quel est ce saint mystérieux ? A Coursan, ils disent « faire pâquette ».
(4) langue de l’Eglise alors que la Nouveau Testament est écrit en grec. 

photos 1 tulipes F. Dedieu 1965. 2 & 3 ciste cotonneux et ciste de Montpellier JFDedieu.