mardi 15 avril 2025

BALADE à AUDE (5) jardins et gabions.

Horte d'Andréa pour inaugurer cette sortie du 30 mars, Horte de Lamy à présent (de par son origine « de Barthélémy », peut-être ainsi orthographiée), des maraîchages grâce à l'eau indispensable de la rivière ; sa proximité a favorisé cette activité plus professionnelle que vivrière aujourd'hui, avec des parcelles encloses où les rangs d'artichauts présentent leurs grosses inflorescences de chardons domestiqués ; des faisceaux de fèves semblant avoir surmonté les fortes séquences inversées de vent marin puis de Cers, un rang de blèdes ; des serres. Ce n'est pourtant pas cet enjeu économique qui nous vaut la quasi disparition des guigniers aux abords des berges, sinon est-ce seulement parce que les arbustes n'en sont encore qu'à bourgeonner ce dimanche 30 mars 2025 ? 
Adieu gelées et confitures d'un temps où mon arrière grand-mère aimait renouveler son « Per Pentacousto, la guino gousto », un dicton théorique (1) seulement mais relevant d'une pratique des cueillettes ouverte à ce que donnait la nature : poireaux des vignes, salade sauvage, prunelles...  la stricte propriété s'appliquant alors à ce qui était semé, planté, cultivé : asperges, câpres, arbres fruitiers. De nos jours, l'interdit généralisé s'impose ; il n'arrête pas les professionnels, pas même les voleurs ordinaires, souvent doublés de saccageurs pas occasionnels du tout, systématiques, sans scrupules ; les panneaux et indications usuelles ne dissuadent que le promeneur tenté par quelques guines ou une figue au bord du chemin (2). 
À côté des terrains acquis par des vacanciers, Robinsons de l'été, reste un jardin “ d'amateur ” éclairé, déterminé sinon acharné en dépit des risques inhérents à l'éloignement : contre les vols et les dégradations, contre les souffles violents aussi, il a clos son périmètre d'efforts d'un grillage doublé d'un rang de carabènes. Que cette vaillance (jadis partagée, au Puits-Sûr notamment, par bien des familles du village, moins exposée déjà grâce au nombre) ne soit pas mise à mal par un vandalisme hélas trop actuel ! 

Le pont autoroutier depuis celui de Fleury. 

Ce qui reste des gabions et de la route. 

Un peu en aval du pont de Fleury (3), la rive concave, déjà plus soumise à l'érosion, a vu ses gradins de gabions ainsi qu'une partie du chemin emportés... En amont, visible depuis le pont de Fleury, au milieu du lit, d'après notre ami Guiton, les piles du pont de l'autoroute sont directement impliquées dans une dégradation complète de la berge interdisant la circulation automobile (ce qui, entre nous soit dit, n'a pas que des inconvénients). 

Pourtant, les cancans et caquetages venaient bien de là...
  

Et les oiseaux ? À part les groupes joyeux de passereaux (je suis bien embêté pour en déterminer l'espèce !), à la vue de leurs becs recourbés, un vol de quatre ou cinq ibis à la plume sombre, remontant la rivière et plus loin, une bande caquetante de canards ou sarcelles, à l'oreille sans le moindre doute bien qu'invisibles malgré une incursion au bord de l'eau. 

(1) la floraison, la maturation des fruits suivent le rythme saisonnier alors que la  fête de Pentecôte tombe, suivant les années, entre le 10 mai et le 13 juin. Les deux calendriers pourraient concorder cette année sinon en 2030 ou 2038, qui sait ? 

(2) Faut avouer qu'avec Jo (1949-2024), dans une camaraderie synonyme d'amitié, de chasse, de course à pied, de belote, de pêche à Aude, de soirs de bals à St-Pierre-la-Mer, l'élevage de loisir des graines de vers à soie nous a fait prélever des rameaux de mûrier. On n'avait pas idée alors qu'on volait sûrement... Faute avouée...   

(3a)ainsi nommé non par chauvinisme mais parce qu'on devait ce passage historique aux dominicains de Notre-Dame-de Liesse autorisés à exploiter une barque pour les pèlerins venant de l'Hérault. À la Révolution, la vente de la chapelle à la famille Vaillant de Lespignan la préserva des déprédations. Elle ne fut donnée à l'Association diocésaine de Fleury que récemment, entre 1935 et 1949, durant la charge paroissiale de l'abbé François Gleizes... Moralité : le pont de Fleury est aussi le pont de Lespignan... (Sources : Canton de Coursan, Vilatges al pais, 2005, Francis Poudou / De Pérignan à Fleury, 2009, Les Chroniques Pérignanaises.) 

(3b) Une fois, en relevant les palangres, Robert le pêcheur m'a montré la tige d'un guignier de 3 ou 4 bons centimètres, cassée net certainement par un gros loup parti avec l'hameçon. On sait ce que valent les témoignages et souvenirs des pêcheurs ou chasseurs (« Cassaire, pescaire, toutis de blagaires »). Quoique, pour reprendre en gros le mot de Marie Mauron, ce n'est qu'un pêché véniel d'exagérer un peu par amour des gens, du pays... Maintenant certains y pêchent le silure au toc, et ça je l'ai de mes yeux vu... 

Gabion en état au pont du ruisseau du Bouquet. 

  

samedi 12 avril 2025

BALADE à AUDE (4), non-dits et fausses pudeurs...

Continuons avec la bordure nord de la Clape, notre montagnette que le fleuve a de toujours su contourner...   

Les prés, bordure nord de la Clape - Image d'archive. 

Petit pont sur le ruisseau du Bouquet. 

La longue ligne droite coupe dans les prés du Pastural et de Négo Saumo (une ânesse s'y serait noyée), longeant les Caudiès, étranges exsurgences d'eaux tièdes, du moins ne gelant jamais ; tout au bout, là où finit en beauté ce long de la rivière, avec un élargissement valant un plan d'eau, la confluence du Bouquet et son vieux pont en dos d'âne ; sur l'autre rive, de la campagne de la Bâtisse, la rangée sublime de pins, le toit éventré, d'un pigeonnier peut-être, complétant une vision des plus bucoliques. 

Je ne sais si le premier cabanon en contrebas de la garrigue appartenait au cousin Jojo, mais le second, si, je pense, en remontant alors le fleuve ;  Jojo Ferri (1942-2013) filleul et né un même 31 juillet, bien qu'à vingt ans d'écart avec son parrain, mon père (1922-2017). 

Archive. 


De beaux chevaux de demi ou de trait tournent la tête, l'un d'eux même se met de face, marquant un intérêt pas déplaisant. Vide en face, l'enclos où l'âne trop solitaire était accouru au grillage (ces animaux aiment le compagnonnage). C'était quand ? des années déjà... 
À peu de distance, le courant continue à ronger le chemin théoriquement réduit à l'état de sente sauf que les véhicules à quatre roues n'hésitent plus à passer à côté dans la friche, les traces encourageant sûrement ceux qui n'en savaient rien, à empiéter ainsi sur un terrain a priori privé (une des vignes jadis de mon grand-père Jean [1897-1967]). 
Du bel alignement de tamaris semi-aquatiques, ne reste qu'une paire d'exemplaires ; nous y descendions, non loin du cabanon de la Pointe, pieds nus dans l'eau, en bande, dont le copain Joseph (1950-2020), aimant à dire, au sujet des poissons à prendre grâce aux escabènes (arénicoles des pêcheurs), futurs appâts délogés de leurs conduits d'un substrat mélangé de sable plus dur sous la vase du fond, « anan sarcir lo croquet » : on va repriser, raccommoder l'hameçon ! J'ai longtemps cru entendre et comprendre “ farcir l'hameçon” ! 
Pas de chien au cabanon peut-être inhabité désormais tant il est vrai que ces abris à l'origine destinés aux chevaux et aux gens loin du village, ont donné envie d'un aménagement pour les vacances ou même dans le but d'y résider à l'année. 

Robert à l'Ayrolle 1978. 

En suivant, celui de la treille, n'en portant plus que le nom... Robert Vié (1927-2007) voisin, ami et pêcheur, avec son fils Claude, y treuillaient le globe, un grand filet entre les deux rives... Robert et Claude, toujours accueillants, prêts à plaisanter avec notre troupe d'enquiquineurs au lancer. 

Avec Joie, la campagne, un minimum de sens moral à ce jour commande de faire silence ; attendre que le temps débute son travail d'érosion, jusqu'à aplanir le saillant de la commotion : avant-hier, jeudi 10 avril 2025, une forte communauté villageoise portait en terre le viticulteur de Joie, 61 ans seulement. Quand Joie rime avec détresse, attendre que le temps de décence passe... 

La Barque Vieille archive. 
    

...Comme à la Barque Vieille avec toujours cette nostalgie d'antan qui s'autorise à refaire surface : une vigne à vendanger non loin d'une berge entre roseaux et peupliers ; les grands défendaient qu'on s'en approchât, de quoi au contraire éperonner l'imaginaire... La barque ? de Charon peut-être, le passeur étudié dans nos humanités ? Non, un bac, sûrement, pour l'autre rive... Un vieux pêcheur alors ? Jusqu'à braver l'interdit un jour, jusqu'à piétiner le sable et prendre des ablettes à la mouche de cuisine suite au plaisir des lignes dans « La Boîte à Pêche » de Maurice Genevoix manière de répondre à Robert faisant croire aux autres qu'avec les ablettes ou le silure je ne raconte que des histoires... Et un jour on apprend que notre rivière est une barrière empêchant une migration des espèces vers le nord, une frontière linguistique à propos de la prononciation de l'occitan, du vocabulaire aussi, en deçà et au delà du fleuve (à suivre).