jeudi 8 juillet 2021

La DER des DER du ruisseau du Bouquet, le dernier affluent (fin)...

Au pied de la Clape pousse une végétation épaisse et infranchissable pour le quidam en balade. Quelque part, et c'est tant mieux se trouve la petite grotte du Bouquet qui abrite plusieurs espèces de chauves-souris protégées. Laissons aux spécialistes le soin de suivre les ultrasons et de compter les rhinolophes et autres murins à oreilles échancrées... Quelques pipistrelles au crépuscule suffiraient à un bonheur que les enfants charmés partagent de si bon cœur quand on raconte que ces petites bêtes si utiles peuvent chasser 3000 insectes en une nuit. 

Il n'a fait qu'une averse orageuse deux jours avant et le ruisseau est bien vivant de son eau qui court. Mon intrusion a provoqué le plouf d'une grenouille ici, d'une autre plus loin. Verte ? Rousse ? comment savoir puisqu'elles semblent plus farouches et ne tiennent pas à laisser dépasser le comique de leur museau flanqué de deux gros yeux. Verte ou rousse... sans jouer à l'écolo primaire, on devait en entendre le concert jadis, à la grande satisfaction de la couleuvre à collier que cette fois je ne verrai pas. Mais des chasseurs d'Afrique patrouillent dans le coin ; entre les cimes, deux rapaces chassent comme s'ils flânaient, presque en feuille morte, et un rossignol offre alentour un récital de soliste quand on se souvient avec nostalgie de tout un orchestre. 

Celui qu'on ne repère pas de prime abord tant il veut se fondre dans le paysage est un arbre pourtant remarquable. Dans le rideau de verdure, ils ne tient pas à se hausser du col, le frêne. D'ailleurs il forme des taillis serrés le long desquels se camouflent les reproducteurs. Est-ce pour cela que dans nos années de dénicheur (la pie était alors classée nuisible) jamais nous n'avons maraudé de ce côté ? Pour autant il porte beau cet arbre, au port boulé tel un spécimen isolé, à l'image de celui que dessine un enfant, bien vert et marron  ! Et je pense à ces fourches toutes en bois blond, formées à partir de taillis cultivés... (dans le Gard avec du micocoulier). 

Fraxinus angustifolia, le frêne méditerranéen : une fiche le dit envahissant, une autre, au contraire, plus rare qu'il n'y parait. Son bois est assez côté... mais c'est accessoire avec la vie moderne que nous menons ! Indépendamment de cette vision intéressée puisque 40 % des espèces d'arbres risquent le disparition (les ormes en ont déjà payé le prix fort), des infos alarmantes font état de menaces sérieuses. 

La chalarose est un champignon d'origine asiatique plus qu'inquiétant : 

« La rapidité de progression de la maladie et son mode de dispersion ne permettent pas d’envisager des mesures d’éradication » Morgane Goudet – Dominique Piou (2012) La Chalarose du Frêne : que sait-on ? 

De même, l'agrile du frêne, un coléoptère d'Asie a déjà dévasté l'Amérique du Nord. En 2003, on le trouve du côté de Moscou et il a progressé depuis de près de 200 kilomètres vers l'ouest. Bravo la mondialisation ! Plutôt retenir que le frêne peut aider contre l'impuissance... 

En reprenant le chemin vicinal trop fréquenté par ceux qui veulent couper court en direction des Cabanes-de-Fleury, les prés à chevaux clôturés, plus verts, où le foin peut croître, les bouquets de tamaris, les nichoirs aménagés, toute cette séduction champêtre permet de laisser de côté les sourdes inquiétudes. 

Le rebord de la Clape aboutit ici. La carte IGN indique "Les Caudiès", des sources chaudes comme leur appellation le laisserait penser, qui fument en hiver et ne gèlent pas, plus tempérées, pour le moins, que les eaux de surface, Au bout le ruisseau du Bouquet rejoint l'Aude : un joli pont en dos d'âne marque la confluence. L'eau court toujours aussi vite dans sa rigole cimentée. Le courant est tel qu'une écrevisse sans doute attirée par quelque pitance n'arrive pas à s'accrocher vers l'amont... Écrevisse américaine, sûrement, espèce invasive... Ah la mondialisation !   

C'était ma dernière sur le dernier affluent, enfin me concernant... mais on dit que les écrits restent... Permettez, en attendant, avec les soupirs des sources qui se marient au Bouquet, que ce qui reste de l'émergé de mes pensées retrouve l'épais mystère ténébreux du ventre karstique de la Clape...Un secret à ne pas trop divulguer...

Le dernier fabricant de fourches en bois - Bing video 

 https://www.lepeupledacote.com/plante/frene-fraxinus / 
 
Sources : Wikipedia /  Document d’Objectifs des sites Natura 2000 FR 9110108 et FR 9101435 « Basse Plaine de l'Aude / photos personnelles. 

 











LA DERNIÈRE DU DERNIER AFFLUENT... Fleury-d'Aude en Languedoc

Il y a deux ans, j'écrivais "... Désormais dans la plaine, le ruisseau du Bouquet entame la dernière partie de son cours microcosmique, notre dernier épisode à suivre, je pense...". J'ai dû vérifier tant un flou imprécis vient nimber le souvenir que l'on a du temps et des choses. Personne n'a marqué son impatience, personne ne s'est manifesté pour ce dernier épisode... mais bien d'autres motivations positives poussent à écrire sans exiger pour autant quoi que ce soit en retour... L'eau reste l'eau même si ce n'est jamais la même qui passe... 
 
Articles antérieurs (2019) : 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2020/01/le-fleuve-et-le-ruisseau-lettre-un-ami.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/05/libre-libre-comme-avant-le-dernier.html
 https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/04/prisonnier-comme-jamais-le-dernier.html 
idem pour les cinq autres parties de cet épisode

Le ruisseau du Bouquet, à ma connaissance, le dernier de l'Aude, rive droite (et rive gauche ?), intermittent certes, mis à mal par l'implacabilité de l'été mais si permanent pour ses natifs... Venu en théorie des garrigues de la Clape, barré vers la mer et obligé de décrire une boucle vers l'intérieur, il passe ce qui fut l’Étang de Fleury par une cave maîtresse (Mayral) où des sources claires le révèlent. Sa cuvette étant fermée par des collines, l'étang fut drainé peut-être avant la colonisation romaine grâce à un souterrain. 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/04/des-pistes-pour-la-partie-enterree-du.html

A son débouché, passant sous l'avenue de Salles (à l'ouest du village), il rejoint la source proprement dite du Bouquet où les femmes puisaient une eau si bonne et lavaient le linge avant la construction du lavoir plus en aval (les bains-douches aussi). Au-delà, avec l'extension des maisons en lieu et place des jardins potagers, le cours d'eau est enterré et cette tendance s'est même prolongée avec les constructions de ces dernières années après son passage sous la départementale de Lespignan (pont de la Mouline). 

Il faut rejoindre alors la ligne de frondaisons pour en apprécier l'ambiance bucolique : encore un jardinet sur une laisse de limon, au fond des vignes avec parfois, un abricotier, d'épais rideaux de carabènes (roseaux), une broderie de ronciers coupée de beaux frênes, de minuscules grèves de sable, des blèdes et épinards sauvages aux abords. Au bout du vallon, dans un ultime ressaut précédant la plaine, Aigos Claros, le jardin aux merveilles de l'oncle Noé, annoncé par le balancier incliné vers le ciel de sa pouzalanco (dite aussi pouzaranco... un chadouf) que je ne peux qu'imaginer. 

Pardonnez-moi de répéter le cours d'un si petit ruisseau comme si je reprenais, sans jamais me lasser, du front au menton, le visage d'une femme aimée... le monde a beau être vaste, on n'en finit pas de revisiter son petit pays... Peut-être en corrélation avec le "qui trop embrasse mal étreint"... 

Une fois dans la plaine, le ruisseau ne peut aller droit vers la rivière : sur près de trois kilomètres, se joignant à la cave de la Communauté, un des nombreux fossés chargés de drainer la plaine, il doit suivre un piémont de garrigue plus bas que le niveau du fleuve trop travailleur. C'est parce que cette zone, le Pastural, est facilement inondable qu'elle ne comprend que des prés avec des recoins où poussent des joncs ou des senils (roseau des roselières, à balais, pour le chaume aussi...). Quelques moutons y paissent encore, leurs crottes en témoignent, le pont des pâtres aussi... (à suivre).