mardi 12 juillet 2016

LES CORBIÈRES VIII / Un pays de Cers !


Un des cœurs des Corbières plurielles bat entre deux plis comme aux ordres du Pech de Bugarach (1230m) au midi et qui descendent vers l’Est. Le premier court sur 15 kilomètres au sud de la D613, la route des Corbières, entre les localités de Serres et du Pont d’Orbieu (de 800 à 515 mètres) (1). Le second, sur 23 kilomètres en gros, passe au nord de la D14, entre les villages de Bugarach et Rouffiac-des-Corbières, dépassant souvent les 900 mètres (Serre de Bouchard 931 m., Milobre de Massac 908 m.) pour redescendre autour de 600 mètres vers Laroque-de-Fa et Davejean (2). 


Vous êtes perdus ? Alors ne parlons pas des confins, de la Table des Morts vers Dernacueillette, de ce levant limité par la masse Mont Tauch (917 m.),  d’où sortent le Sou affluent de l’Orbieu et le Torgan qui rejoint le Verdouble lui-même allié de l’Agly.
Repérons-nous plutôt sur la D 74, à peu près entre les deux lignes de relief initiales, depuis Rennes-les-Bains vers la source salée puis le cours de l’Orbieu (3), par Sougraigne, Fourtou puis le contrebas d’Auriac, autant de villages où les morts des monuments pèsent plus que les vivants qui restent... 


Vous y êtes ? Rien de grave... Chacun reste libre de rêver, d’imaginer... Pour moi, néanmoins, pas question d’inventer : les Corbières sont porteuses de tant de beauté, de nature, d’humanité et d’Histoire, de mystères... élucubrer serait leur manquer de respect.
Avec les reliefs apparemment en désordre à cause des Pyrénées, il faut considérer le climat sinon les climats. L’Océan, la Méditerranée, l’altitude influent sur notre secteur. La température moyenne annuelle (11,7°) est de 3,5 degrés moindre qu’à Carcassonne ou Narbonne mais les vents (4) et surtout le Cers (de NO) y sont également forts. L’été est chaud mais moins sec qu’autour du Golfe du Lion. Il pleut plus régulièrement et davantage en moyenne d’octobre à mai (750 mm à Arques). L’humidité relative est favorable à la forêt qui profite des espaces désormais vides d’hommes, des hommes qui subissaient jadis des hivers plutôt froid, avec des brouillards et la neige parfois (5). 


En descendant vers Arques, je me souviens d’une combe aux châtaigniers où nous avions acheté du miel (peut-être vers le lieu-dit Perruche et vers 1961 ?). En montant le col du Linas depuis Camps-sur-l’Agly, je me souviens des fraises des bois. A Bugarach (6), je me souviens des bergeries qui se touchaient avec le panneau haut de la porte ouvert pour que les chèvres profitent du jour (vers 1975, le village vivait à l’écart des racontars farfelus qui le mirent il y a peu, sous les feux des projecteurs !).
Depuis ce cœur des Corbières, viennent chanter la Rialsesse, la Blanque et la Sals, l’Orbieu et bien des ruisseaux, l’Agly avec, parce que Nougaro nous en livre un instantané à Paziols, le Verdouble que nous chercherons et suivrons avec un plaisir toujours neuf !      
   
(1) Passe au col du Paradis 627 m..
(2) Passe les cols du Linas (667 m.), de Bancarel (496 m.), d’en Guilhem (477 m.).
(3) Après le col de la Fage (731 m.).
(4) "Les  vents  : le  cers  est  un  vent  de  secteur  nord-ouest, violent  et  froid  qui  apporte  les  pluies océaniques. Le vent d’autan (marin) est un vent de  secteur  sud-est  qui  fait  remonter  les  masses d’air humides de la Méditerranée et apporte aussi des précipitations" Centre Régional de la Propriété forestière Languedoc-Roussillon 2001.
(5) Un joli conte de Noël a pour cadre la neige entre Limoux et Saint-Louis-et-Parahou du temps des charrettes. Demandez toujours, si j’oublie, en décembre. 
(6) Les lutins Bug et Arach n’ont-ils pas intercédé auprès de Jupiter pour que les habitants soient délivrés des destructions colériques de Cers, fils d’Éole ?    
photos autorisées : 
1. Bugarach_vue_générale auteur Arno lagrange GFDL CC-BY-SA-3.0 
2. Carte_des_Corbières.svg auteur Boldair
3. Rennes-les-Bains,_pont_sur_la_Sals auteur CORLIN
4. Arques château auteur Romain bréget

vendredi 8 juillet 2016

LES CORBIÈRES VII / Le VERDOUBLE de Nougaro !


« On l'appelle le Verdouble
La rivière qui déroule
Ses méandres sur les pierres
La rivière des hautes Corbières... »


Les muses ont toujours été généreuses avec Nougaro. Elles n’avaient pas besoin d’un cadre aussi beau que celui des Corbières pour s’épancher. Il n’empêche, entre grandeur et mystères, parmi tous les petits pays sertis dans un désordre de reliefs trop pluriels et regroupés, pour la commodité, en tant que "massif", Nougaro a installé ses pénates et ses muses à Paziols dans l'Aude.
Le village se blottit au fond d’une cuvette rutilante de vignobles qui donnent des vins rubis de carignan et grenache, ambrés de maccabeu ou muscat. Acagnardé au pied de l’imposant Tauch, un peu protégé des rafales du Cers qui, en compensation dispense un soleil généreux, le bassin respire une vraie douceur de vivre. Les fontaines, les Verdouble, grand et petit, apportent une fraîcheur tenant du miracle sous ces paysages grecs... Attention pourtant aux humeurs changeantes sinon coléreuses de la Méditerranée : des Pyrénées au Mézenc, la bordure montagneuse reçoit en automne des précipitations en quantité et l’eau vive des Corbières peut faire peur (1).

« Il scintille le Verdouble
Mais le cours de son argent
Ni les dollars ni les roubles
Ne te le paieront comptant... »


Certes Claude mais il en a coûté des misères, le gentil Verdouble.
1999 reste dans les mémoires mais en 1987 à Padern, à la confluence du Torgan, la crue est montée plus haut. En 1962 et 1970, à Paziols l’eau a atteint des niveaux comparables et 1940 l’a vue à peine en dessous tandis qu’à Padern, le pont après le Torgan était emporté. En 1920, à Paziols, l'inondation, un mètre encore plus haut, a envahi le village et la mairie. (2) 

Sinon, comment refuser le positif et la vision poétique, mythique même de la rivière ? La sinistrose est hors sujet, et puis elle n’a jamais empêché les sinistres...

«... Pas la peine que tu te mouilles
À percer ses coffres-forts
C'est dans l'œil de ses grenouilles (3)
Que sont ses pépites d'or... »


Restons au bord de l'eau, là où l'eau court encore vers des gorges. L’ondin, gardien des eaux, participe de cette magie partagée. Pépites d’or, argent, mixite émeraude... Entre autres trésors, Claude Nougaro a gardé plus que des "cailloux blancs" :

«... Dans les gorges du Verdouble
Sur un lit de cailloux blancs
J'ai composé ces vers doubles
Que j'espère ressemblants... »


Nougaro, échanson des nectars bacchiques, porteur d’eau des sources sacrées veillées par Divona, nous enchante de ses derniers vers d’une simplicité miroitante :

«... Si aux eaux de mon Verdouble
Tu préfères l'océan
C'est facile, tu les ouble...
Tu les oublies simplement. »


Toujours gosse, je les poursuis, les rivières des Corbières, hautes ou non, derrière toi, Nougaro, NougarOc plus que jamais !.. Depuis gosse... pour côtoyer les muses qui se sont penchées sur ton berceau !
Mais ce que je peux en dire... Autant écouter et réécouter Claude qui court en nous avec l'eau du Verdouble. 

http://www.dailymotion.com/video/xok33_claude-nougaro-riviere-des-corbiere_music

(1) Attention aussi aux orages violents de l’été.
(2) http://www.aude.gouv.fr/IMG/pdf/note_de_presentation_cle77e45e.pdf
(3) un gragnot, uno gragnoto, grenouille quel que soit son sexe en français, surnom des habitants de Paziols... (Mistral le notait dans le Trésor du Félibrige).

Photos autorisées Commons wikimedia 
1 village de Paziols auteur Frachet (2009). 
2 grenouille verte auteur Holger Gröschl (2003).