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samedi 21 avril 2018

LA COMBE DE MONSIEUR SEGUIN (fin) / Fleury-d’Aude en Languedoc.


Cerisier dans la garrigue.
Ici, tournées au soleil, des laisses étroites sur une pente raide. En bas, sur la plus belle pièce, celle du cerisier voisin d’un abricotier aussi peu vigoureux, 3000 m2 environ, et en face, sur des terrasses plus larges, des vignes. Plusieurs familles ont cultivé ici, l’émiettement cadastral actuel en atteste toujours. Que faisaient-ils venir avant le boum de la vigne qui finalement n’est vieux que de cent-cinquante ans ? Des céréales, du blé certainement, les moulins des collines, ruinés ou réhabilités, en témoignent. Disposaient-ils de citernes pour entretenir un potager ? 

A l'avant d'une figuière, la citerne et le bassin pour préparer le sulfate de cuivre. 


Garoulho, chêne-kermès.

Après les années 70, les vignes du bas dont celle du cerisier, trop petites, peu productives, difficilement accessibles, n’ont été gardées que pour équilibrer un rendement moyen à l’hectare. Sur les laisses en hauteur, la garrigue a vite repris ses droits. La garoulho buissonnante de kermès[1], les cistes, parsemés de ci de là d’un pied de romarin, d’un genévrier cade ou d’un arjalat, un genêt scorpion intouchable, se sont réinstallés. Sur la première parcelle à gauche en débouchant dans la combe, un bataillon de pins serrés avait remplacé les cultures et le long du mur qui semble les contenir, au pied de l’appareil de pierres sèches, restait un alignement d’iris rappelant, plus vivant que les friches alentour, l’occupation millénaire des hommes…


Iris Van Gogh Wikimedia Commons source Web Museum.

Si Jean Ferrat nous a laissé une des plus belles chansons françaises avec « La Montagne », en 1964, cinquante années plus tard, nous assistons à un reflux, à une « reruralisation » pour ne pas répéter bêtement « rurbanisation », le mot-valise des "socio-géographes". Les citadins reviennent à la campagne parce qu’en ville, se loger est toujours plus cher, parce qu’en banlieue les communautarismes se sont imposés, parce qu’on aspire à un repos plus calme et réparateur, à un air à priori moins pollué, à une cohabitation moins stressante, à une école plus sereine. Les nouveaux venus vont-ils se fondre dans ce qui reste de l’histoire, de la culture villageoises ? Ce passé, cet enracinement représentent-ils encore quelque chose à l’heure où ils ne sont plus portés que par un quart (800) de la population permanente de la commune[2] ? Est-ce que dans l’antagonisme ville-campagne voyant cette dernière moins dotée, abandonnée par le commerce de proximité et les services publics, la première va exporter les dérives qui l'insupportent, l’écart toujours plus marqué entre un centre favorisé (économie, dotations, culture) et une ceinture laissée pour compte ? La ville ne va-t-elle pas se soulager de ses problèmes en refilant une part de son malaise sociétal grâce à l’obligation de construction de logements sociaux, par exemple ?        



Plutôt que de répondre que rien ne s’arrange avec des cataplasmes sur des jambes de bois, autant se ressourcer en parcourant la combe de Caussé. Les iris y fleurissent-ils encore ? S’ils n’y sont plus, pour nous consoler, pour aller au-delà de ce décrochage des hommes dans le vallon, montons même au-delà, là où, sur quelques millions d’années, l’eau quelquefois en colère fait inlassablement reculer la falaise, dans un ressaut où elle doit gronder avant de finir, deux ou trois jours après le pic, en cascatelles claires. Revoir en haut ces oulos dau diablé[3], ces marmites de géant avec, à l’intérieur, bien rondes, les pierres qui fourbissent et érodent sans témoins… Sans trop penser aux truffes que les aigats déterrent, le regard perdu dans le bleu d’un ciel où ne déroge que le vol planant d’un grand rapace, avec, sous nos pieds, les mystères d’un monde souterrain encore inexploré de grottes fraîches et de sources[4] qui partent jusque sous la mer, gardons cette liberté de rêver qui seule peut entrouvrir de l’amour infini l’évanescente sensation.


Merci Au Fil du Temps pour le partage de cette sortie dans les collines de Nissan. Belle, mauvaise ou entre les deux, l’inspiration dont elle est à l’origine démontre seulement la seule prétention à ne pas marcher seul. Elle devrait se prolonger avec une recherche sur les chapelles wisigothiques, les moulins à plâtre ou à blé et pas seulement puisque Nissan est la patrie de l’abbé Joseph Giry (1905-2002), spéléologue (exploration de l’aven le plus important de la clape, celui de l’Hospitalet) puis archéologue reconnu. A suivre donc pour d’autres aventures !              



[1] Lou garric en occitan qui a donné la garrigue. Exploité pour ses fagots vendus au boulanger, son écorce et ses racines riches en tanin pour le travail des peaux, sa cochenille en mai  qui lui a donné son nom latin « quercus coccifera », faisant l’objet d’un droit de récolte laissé aux pauvres  et pour lequel on se laissait pousser les ongles (cette cochenille donnant une couleur rouge vermillon très prisée serait devenue rare). Page 21106 Tresor dau Felibrige, F. Mistral cite « vermeiado cochenille du chêne nain, kermès. 
[2] Un rapport consécutif surtout à la condition de commune touristique avec les stations balnéaires de Saint-Pierre-la-Mer et des Cabanes-de-Fleury sur 7 kilomètres de plage. 
[3] Prononcez « diaplé ». Le terme « oulo », adopté en français sous la forme « oule » indique la présence de cette forme d’érosion : le Clot de l’Oule (Niort-de-Sault, Pouzols-Minervois), le gourg de l’oule à Villelongue-d’Aude et Villanière, toujours dans l’Aude.
[4] Exsurgences puisque pour une rivière qui réapparait on parle de « résurgence ». 

samedi 14 avril 2018

IRIS BARBU, « THOMAS DE LES HUÎTRES », CLODION LE CHEVELU / Fleury d'Aude en Languedoc

Aux marcheurs d’Au fil du Temps qui nous laissent de jolies photos en écho de leurs balades. 


Photo de Catherine, collines de Nissan, début avril 2018.

Le 10 avril, Catherine surprend une colonie d’iris nains main dans la main. Eux aussi marquent le printemps dans nos garrigues. La nature nous fait dire qu’il serait temps de prendre soin d’elle, de l’accompagner plutôt que de détruire !



IRIS, dans la mythologie grecque, fille de Thaumas et d’Electre, messagère des dieux aux ailes irisées, qui voyage entre ciel et terre. L’arc-en-ciel est son écharpe. La généalogie ès coumplicat et alors chez les Grecs, je vous dis pas ! Pour Electre, Elektra, on a l’embarras du choix mais ce Thaumas et sa drôle d’orthographe, mystère… D’ount sourtis aquèl Thaumas ? A Fleury, on en connaissait un de toumato, euh, un Thomas. C’est papa qui nous le rapporte, dans ses pages sur les surnoms de Fleury :



 « … Toumassou (le petit Thomas) Alban Biau de Salles avec qui nous avons vendangé plusieurs années. Il travaillait parfois pour l’oncle Noé, a été également ramonet pour Henri Carrière, après Bantoure, et estropiait le français de façon plaisante :

« Je te l’avais pas fa bu[1] ? C’est ma nebeude ! » (rapporté par Pujolet le peintre).

« Je l’ai compris au remènement des pots »,

« Le cagarot, il a des banes »,

« Dans un obus, quand ça pète, es pas tant lou machin que fa mal, ès mai que mai lou dacòs[2] ! »,

« Quand eri sus la Côte d’Usure[3], vejeri qu’abion uno guerro d’azur » etc. c’était le frère de « Thomas de les huîtres ». 



iris pseudacore auteur Jonathan Billinger Creative Commons licence. 

Revenons à nos si jolies fleurs, les IRIS, apparus il y a 80 millions d’années dans un secteur qué s’appelario Antarctique aujourd’hui !

Le plus représentatif, pas celui qu’on pense, est l’iris des marais faux acore, aux tépales dépourvus de barbes. Encore une énigme ! Les sépales, verts d’ordinaire, comme supportant les pétales autrement colorés, on connait. Les tépales sont à mettre entre les deux, plus tout à fait sépales et pas encore pétales… Cet iris jaune, emblème de Lille, de la région Bruxelles-Capitale aussi, apprécié par la médecine d’autrefois pour ses propriétés astringentes et hémostatiques (qui arrête les hémorragies), poussait abondamment sur les rives de la Lys…

La fleur de Lys qui figurait sur le blason du seigneur d’Armentières fut adoptée par Clodion le Chevelu (vers 440), roi des Francs Saliens, nouveau suzerain après ses conquêtes au sud des bouches du Rhin, sur un territoire correspondant à la Belgique actuelle. Par ailleurs, une légende liée à la bataille de Vouillé (507),  raconte qu’initialement repoussé par les Wisigoths sur les rives fangeuses de la Vienne, Clovis (peut-être l’arrière-petit-fils de Clodion), voyant une biche emprunter un gué, put faire traverser ses hommes là où les iris fixent les berges de leurs rhizomes. Finalement vainqueur, le roi des Francs gardera la fleur comme symbole. 

Wikimedia Commons Fleur de lys blanc Author No machine-readable author provided. PRA assumed (based on copyright claims).
Tout se complique avec les Carolingiens soucieux de s’appuyer sur la Bible avec les fleurs ornant le Temple à Jérusalem, le lis, insigne de pureté, de sainteté, fleur du roi Salomon, le polygame au millier de femmes et plus tard de Marie, enfantant Jésus sans le concours d’un homme. 

Wikimedia Commons Fleur_de_lys Artist Sodacan


La confusion entre l’iris et le lis viendrait du dessin stylisé de la fleur. L’eusses-tu cru en voyant cet iris jaune pseudacorus qui pousse derrière les tamaris, entre les vignes de Gaysart et les marais de la Joncasse (piémont nord-est de la Clape) ? 



[1] « Je ne te l’ai pas montrée ? C’est ma nièce ! »
« Je l’ai compris au remuement des lèvres »
« L’escargot, il a des cornes. »

[2]  « Dans un obus, quand ça pète, ce n’est pas tellement le machin qui fait mal, c’est principalement le truc ». “Dacòs” désigne un objet ou une personne dont on a oublié le nom : presta-me lo dacòs, prête-moi l’objet ; dacòs es pas vengut, un tel n’est pas venu’.


[3] Usure et Azur: Toumassou confondait les deux mots (ou faisait son numéro…).