"... Cela commence par une lettre de papa en date du 14 janvier
2003, il suffit d'une lettre pour aborder une question primordiale, un sujet
sérieux, sinon grave, concernant notre village :
« Ce matin, j’ai envoyé le chèque pour l’eau à la CGE et, en
allant à la Poste et ensuite à la banque pour un extrait de compte (il y a la
machine et c’est rapide : pas besoin d’attendre) j’ai vu, en traversant la
place, une énorme grue pointée vers le clocher et qui enlevait, une à une, nos
trois cloches, ainsi que les cadrans de l’horloge. Il faut dire que c’est dans
le cadre des travaux concernant le clocher et l’église. D’après ce qui est dit
officieusement, sinon officiellement, nous ne verrons plus lesdites cloches,
qui doivent être placées désormais à l’intérieur du clocher. Je me doute que
des ouvertures y seront donc pratiquées, comme ce fut vraisemblablement le cas
autrefois – on distingue en effet ces fenêtres longiformes murées depuis, sur
les parois –. De toute façon, l’aspect sera changé et la silhouette de notre
église défigurée. Espérons que ce ne sera pas de la mauvaise ouvrage…»
Diapositive François Dedieu 1979 |
Enfin, il faut le dire vite car je suis vraiment sonné de ce
que vous m’apprenez... A force de nous annoncer leur départ chaque année, cette
fois, je crains fort qu’elles ne soient pas là pour Pâques, nos cloches.
Elles s’en donnaient à tue-tête, ce dimanche là, les trois
cloches, et dans mes yeux fermés, je voyais un Saint-Martin lumineux,
partageant du haut de sa selle son manteau grenat. Et le pauvre dans les sabots
du cheval, même en me forçant, je n’étais jamais arrivé à le plaindre,
impressionné que j'étais par le geste altier du centurion. Une fois pourtant,
pour une messe de minuit, quelques flocons virevoltaient autour des lampadaires
: il avait fallu ce concours de circonstances et cette envie de neige que seuls
connaissent les gosses du Sud, pour réaliser enfin, au-delà de la noble
attitude du Romain, les pieds nus de l’indigent sur les pierres froides d'un
porche... Le catéchisme, c’était plutôt des oliviers en Galilée et le soleil de
Palestine. Ce soleil de Méditerranée, ces éclats trop généreux... le centurion
en avait volé l'éclat et la chaleur au figurant en haillons..."
Premier matin du monde / Le Carignan / pages de vie à Fleury d'Aude I / 2008
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