dimanche 18 décembre 2022

BARCELONA...

Diapositive François Dedieu 1970

Diapositive François Dedieu 1970. 

Barcelone, c'est un petit voyage en caravane, un cauchemar quand on a dix-neuf ans, qu'on veut s'émanciper, rompre avec le modus vivendi familial, que la majorité légale est à 21 ans, que les parents n'ont pas confiance pour me laisser seul... Bien que parti contraint et contrit, quelques souvenirs agréables ont néanmoins survécu : le contraste entre l'ocre des rochers, le vert des pins, le bleu de la mer avec la Costa Brava, Sant-Feliu-de Guixols avec un restaurant local je crois, Badalona, l'entrée sur Barcelone parce qu'ils y élaborent l'anis del mono, l'anisette avec le singe sur l'étiquette, et bien sûr la capitale de la Catalogne même si la visite du port, des Ramblas (pourquoi disait-on " les Ramblas " alors que les plans mentionnent le singulier ?) n'est pas allée plus loin que la cathédrale. Voir le port, la colonne Colomb, juste une après-midi avant de s'en retourner vers la frontière. Du musée maritime, il me reste le souvenir de l'imposant bâtiment (ce n'étaient pas les Drassanes, le vaste arsenal royal qui aujourd'hui a bien agrandi la surface et les volumes). Où étaient les miens ? J'ai l'impression d'avoir visité les maquettes seul, pour être plus indépendant, sûrement... 

Barcelona_Cristobal_Colón  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International. Auteur AmeAleCV

Barcelone, quelques années plus tard, comme guide, en voyage éducatif organisé, plutôt que de suivre les cours de droit... Cinquante ans plus tard, le malaise demeure, j'ai du mal à parler du jeune homme mal dans sa peau, menteur, dissimulateur, fils peu digne, toujours dans une fuite en avant de plaisirs ponctuels... Pourquoi ? A qui les torts ? Pour masquer la mauvaise conscience me poursuivant, plutôt parler de Barcelone, la capitale qui le vaut bien avec, pour commencer, une référence extrême à l'Histoire, non loin de L'Escala, le site gréco-romain d'Empuriès aujourd'hui aménagé avec un musée (Ampurias dans les années 60, plus sauvage, avec une harmonie poétique plus marquée entre les ruines, les grands pins et le bord de mer). 

Diapositive François Dedieu 1970. 

Avec les jeunes et les accompagnateurs, nous logions dans les hôtels historiques des Ramblas, du centre, avec un ascenseur, des faïences, des boiseries début de siècle mais, me concernant, dans le désintérêt total de tout ce qui pouvait lier au passé, à l'Histoire. Pourtant, depuis la terrasse du Corte Inglés, une sorte de Dames de France puissance quatre, le débouché de l'avenue portant le nom de Franco,ou caudillo ou généralissime, en direction de Madrid, du moins d'une Castille conservatrice, me laissait songeur à siroter un café. Et en bas était-ce la Place de Catalogne ou avait-elle été débaptisée ?   

Au programme, le musée Picasso, période rose, période bleue, la Sagrada Familia et les maisons Gaudi, la colline de Monjuich avec la reconstitution des habitats espagnols, la présence d'artisans animant des métiers anciens. A l'extérieur la visite du monastère de Montserrat, site d'un pèlerinage à la vierge noire dans une montagne découpée en dents de scie... Les Bénédictins entretenaient une chorale réputée de petits garçons (à l'époque seuls les mécréants auraient pu émettre des soupçons sur des déviances potentielles... sauf que quand l'Internet fonctionne, nous apprenons que des scandales sexuels secouent l'abbaye... Ces poursuites légitimes devant la justice le sont-elles concernant la dénonciation de rapports homosexuels ? Quand donc le mariage leur sera-t-il permis ?).   
Au début de ces années 70, l'ambiance n'est pas plombée par les vols à la tire, la violence généralisée et la drogue émerge à peine au grand jour, aussi une sortie de nuit au barrio chino ne pose pas problème (les Catalans disent " barri " pour " quartier " sauf que sous Franco, le fait catalan est autoritairement interdit... une interdiction loin d'être théorique puisque dans les dernières années du régime, des opposants politiques ont encore été condamnés à mort). Qui s'en douterait dans ce quartier chaud où déferlent les marins américains. Ils se défoulent des jours en mer trop nombreux et quand l'un d'eux me tape amicalement sur l'épaule, je me retrouve invité devant une assiette de caracoles et un cuba libre. Lui n'en est pas à son premier mais l'esprit encore clair, il explique que la moitié des gars s'amuse tandis que l'autre, matraque à la main, casque MP sur la tête contient les bagarres et contraint au retour quand c'est l'heure, à charge de revanche, le soir d'après. Je l'ai suivi mon copain d'un soir, de Norfolk il m'a dit. Un flux de braillards débraillés bien encadrés descend vers le port où attendent les chaloupes. Je le perds de vue mais il n'était pas loin de celui qui serre sur sa poitrine une poupée en robe de flamenco en pensant à la fiancée laissée de l'autre côté de l'océan. La chaloupe s'éloigne en ballottant. Cette nuit, personne ne s'est jeté à l'eau pour échapper au bateau-prison... 

Barcelona_August_2014_-_Castell_de_Montjuic Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International Auteur Mummelgrummel


Depuis le fort de Monjuic d'où la gueule des canons surveille la mer, la vue est superbe sur le port de Barcelone où attend le ferry pour les Baléares ou Gênes ou Tanger (années 2000) même sans les navires de guerre de l'oncle Sam. En attendant de prendre le bateau un jour, se faire un petit resto... Au fait quelle est l'alcoolémie autorisée au volant en Espagne ?  

Barcelona_Marina_from_Montjuic  Creative Commons Attribution 2.0 Générique Auteur Tony Hisgett from Birmingham UK

lundi 5 décembre 2022

PAUVRES CHEVAUX ! LIBRES OISEAUX...

Quelques notes et prolongements : 

* c'est parce que les chevaux étaient épuisés que les belligérants ne purent bloquer l'adversaire dans la Course à la Mer, que les Français ne purent tirer avantage de la victoire de la Marne, que les Allemands échouèrent dans leurs offensives du printemps 1918.  

** le soldat de 14 était très bien nourri au point que ce qu'il jetait attirait les rats. Les chevaux eux, étaient mal nourris... chez les Allemands beaucoup sont morts de faim. 

*** si 1/4 des chevaux mourut directement des batailles et bombardements, les 3/4 périrent à cause des maladies, du manque de soins, de la nourriture insuffisante, de dysenterie, par noyade, faibles au point de ne plus pouvoir lever la tête dans des boues liquides montant jusqu'aux chevilles des cavaliers.  

**** inoculer la morve, la gourme, la maladie du charbon chez les chevaux de l'adversaire fait partie des armes de guerre. 

militaires et mulet (1936) Auteur  agence de presse Meurisse wikimedia commons Domaine public

***** il a tant fallu importer des mules d'Espagne que cela donna lieu à un trafic ; des mules amenées en Cerdagne passaient en Espagne puis revenaient par le Perthus, générant un profit substantiel aux trafiquants, une fois acquises par l'armée française. 

***** " Les chevaux et les mulets de l'armée se sont montrés d'une valeur inestimable en conduisant la guerre à une fin heureuse. On les trouvait sur tous les terrains d'opérations, remplissant leurs tâches fidèlement et en silence, sans pouvoir espérer aucune récompense ni compensation. " Général Persching. 

****** Maurice Genevoix, admiratif des Poilus se battant et mourant pour la France (1), parlerait-il du soldat qui s'arrache à vif une balle dans un testicule, de cet autre qui maintient dans sa chemise ses tripes alors qu'il a le ventre ouvert, démontre une belle émotion pour les bêtes innocentes mais entraînées dans la folie guerrière... Pauvres chevaux, pauvres bêtes si belles, vigoureuses mais si vite fourbues, efflanquées, misérables. Et quand les hommes récupèrent, les chevaux restent tête baissée, ce qui dit tout de leur moral... Genevoix parlerait-il des cris terribles des blessés, bien égaux devant la mort, implorant avec les mêmes intonations, en allemand ou en français, il n'oublie pas non plus le hennissement d'un cheval qui agonise, aigu tel le cri d'un oiseau de nuit " ...le hennissement aigu, poignant, qui montait sous les étoiles devant la misère, la méchanceté des hommes... ". 

Du village abandonné des Éparges (Meuse),  il se souvient, sur les pavés, de la galopade éperdue de petits sabots d'une bande de gorets en fuite. Dans ce village, alors qu'il souffle un instant dans la " Maison d'école " avec, au tableau le dernier problème du maître, il se tourne vers la fenêtre parce qu'une forme approche, c'est un vieux cheval avec un sillon de sang à l'épaule. Il le fait passer par le couloir pour rejoindre la cour, derrière, offrant un abri plus sûr. Il le revoit, le vieux cheval, huit jours plus tard, mais étalé, entouré des cadavres des vaches mitraillées par les Allemands. 

Sa consolation (et il rejoint en cela Louis Pergaud), c'est la présence fidèle des oiseaux, symboles  de liberté, de vie. Il leur doit du réconfort " à nos frères de poils et de plumes ", la honte aussi d'être dans le mauvais camp des hommes, mais le recul, finalement, sur notre engeance remise à sa place pour ne pas faire bon usage de sa position dominante... La folie, la cruauté, la bêtise des hommes ne sont finalement qu'un remous dans la vie, la nature qui continuera avec ou sans nous... 

oiseau Carduelis_carduelis Chardonneret élégant wikimedia commons Author Marie-Lan Nguyen

Sous les bombardements, les oiseaux témoignaient que le cours des choses se poursuivrait malgré la fureur irrépressible des bipèdes... les trois-quarts d'entre eux ont disparu parce qu'on tue la terre  au nom d'un productivisme effréné et qu'on s'empoisonne pour pas cher, on va au désastre et l'overdose de loisir est de plus en plus addictive parce que la vie de tous les jours n'apporte pas de bonheur... 

Après le covid, la guerre en Ukraine, la remise en cause, en touchant le porte-monnaie, des énergies fossiles, comme s'il fallait absolument s'évader d'une vie peu désirable (pour ceux qui en ont les moyens !), les réservations à la neige ont augmenté de 22 % ! 

Dans " Le Berger des Abeilles" 1974 / Grasset, Armand Lanoux réfléchit sur la guerre d'Espagne, annonciatrice du séisme nazi : il parle d'une " carmagnole, d'une marseillaise stupide... " 

"« Amusez-vous
Foutez-vous d’tout
La vie, entre nous, est si brève... » 

La chanson de 1934 ne présage rien de bon pour ce qui devrait suivre... 

(1) Son témoignage " Ceux de 14 " regroupe quatre livres sur la guerre, véridiques, minutieux, fidèles, Chaque lieu, chacun des faits sont bien précisés, chaque homme apparaît par son nom...   

www.le-site-cheval.com/images/articles/evenements/guerre-14-18/La_guerre_de_14-18_et_le_sort_des_betes.mp3 première diffusion 21 avril 1957 de l'entretien sur France Culture 

Sites et références : 

" Le Cheval de Guerre ", roman de Michael Morpurgo (1982 en G.B., 2008 seulement en France !), adapté au cinéma par Steven Spielberg. 

Le site Cheval - Guerre 14/18 : Oubliés les 11 millions de chevaux, ânes et mulets enrôlés en masse durant la guerre de 1914-1918 ? - Equitation Pédagogique et Ludique (le-site-cheval.com) 

Les animaux dans la grande guerre (radiofrance.fr) 

et sur ce blog : 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/02/fleury-en-france-les-chevaux-de-14.html 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/02/les-chevaux-de-14-suite-fin.html 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/02/un-monument-au-cheval-de-trait-fleury.htm