dimanche 12 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (1)

 
Depuis la Clape qui se hausse du col, prétentieuse de retenir un peu le soleil, un jour nouveau caresse les toits du village. Les volets s'ouvrent sur une irrépressible envie d'aller vers lui comme un appel vers sa naissance, son monde, la mer là-bas, comme pour tendre vers l'horizon toujours recommencé, l'Est de l'origine de nos cultures, de nos lendemains... Qui sait ? Au moins, savoir, avec ce chemin d'école, où cet appel du large vers son étroit passé va mener. Cap sur son destin, exploration sans limites de son voyage intérieur, en mode doux, à bicyclette, à pied et dans la tête, sans ce bruit de moteur qui dit trop que nous ne l'utilisons pas raisonnablement.
 
La petite vigne de Pouillet, replantée depuis. Derrière, les champs de l'ancien étang. 

Au premier carrefour, on sait mieux. Vicinal, le chemin domine les champs de l'ex-étang asséché, mais pas pour évoquer une préhistoire sur pilotis. Pouillet : un tènement, quelques pieds de vigne, qu'il hérita, par son mariage, d'une belle-mère veuve jeune, toute de courage, de vaillance... Pour la pause de "midi"sur la braise de sarments, il commençait toujours par quelques escargots poivre et sel, sacrifiés sur le gril des vendanges mais si bons, dit-on, pour la santé. 
 
Un contournement du domaine de Tarailhan autorisé j'espère... 
 
Plus loin, Tarailhan, le château, la campagne, pour dire "domaine", plutôt tourné vers Fleury mais déjà sur le territoire voisin de Vinassan... Passait-il par là, plus loin dans le temps, pour aller à l'école ? 
 

 
 
Le Courtal Crémat.

Après quelques coups de pédale sur la route de Saint-Pierre, le Courtal Crémat, une bergerie ruinée, qui brûla un jour, d'où son nom, sûrement. Des genêts envahissent les devants ; des lierres mangent les murs écroulés ; des figuiers cachent les ouvertures et prennent l'espace des toits crevés. On dit qu'ils sont immortels... Entretiennent-ils le souvenir de ceux qui vivaient là ? En 1866, le berger et sa famille, six personnes au nom torturé par quelque scribouillard inconséquent à l’État -Civil (SIgala ou SEgala ? (2) Peut-être une question de sérieux et de respect de la part de l'autorité administrative à l'encontre des couches les plus modestes de la population ?  
 
A l'arrière-plan, la garrigue pelée alors que depuis, les pins ont poussé partout

Sur la bordure amont de la cuvette asséchée peut-être antérieurement à la présence romaine (700 av. JC ?) (3), sa vigne du Courtal Crémat. Une terre de pico-talènt disait-il, littéralement "qui excite l'appétit" donc qui ne nourrit pas assez... "Es de sablou", c'est du sable, d'ailleurs ils plantèrent des griffes d'asperges, un temps. Sur une photo, il s'occupe du chariot de comportes, dangereusement stationné sur la route, dirions-nous aujourd'hui...
 
Son chemin d'école rejoignait-il ici la départementale ? Ou passaient-ils, avec le cousin Étienne, en suivant le lit du ruisseau appelé à devenir "du Bouquet", ultime affluent de l'Aude, par le château de Tarailhan ? Jamais il n'en parla. Moi, au contraire, parce qu'il est lié à bien des lieux et recoins de la commune, sa maison, sa cave, ses vignes pour le travail, la garrigue pour la chasse et sa naissance, la mer pour la parenthèse estivale de quelques dimanches, je ne parle ici que de lui... "IL", lui qui se grillait deux ou trois escargots en guise d'apéritif, lui qui disait de ses ceps qu'ils poussaient dans une terre de pico-talènt, lui qui, enfant, par tous les temps suivait son chemin d'école, "IL" mon grand-père Jean Dedieu, mon grand-père d'ici...
 
(1) locution copiée suite au titre d'une jolie série télé.
(2) Source : Les Chroniques Pérignanaises

vendredi 10 décembre 2021

Le Poumaïrol (8) PETITE VISITE DE MINERVE DANS L'HERAULT

 « ROGER, ET SI TU ME RACONTAIS MINERVE ? »

« Salut animal, il y a pratiquement un an, on montait au Poumaïrol, manière de se libérer des contraintes du covid. Tu te souviens ? Parce que, si tu as oublié, je te rappelle que tu as laissé une chronique en plan... il me semble (tu me corriges si je me trompe) que tu t’es arrêté  à l’épisode « Minerve »... avant qu’on ne visite un peu le coin... nous venions de gober des huîtres avec du vin blanc, la balade de huit kilomètres devant écluser notre alcoolémie avant  de remonter le canyon de la Cesse vers le pays mystérieux.

J’espère que tu vas toujours bien... Ici le temps reste frisquet mais avec le soleil après les pluies, nous avons encore de belles journées. A bientôt de te lire. Serge.»

Mon cher Serge, aïe, aïe aïe, me remettre dans le bain, reprendre le fil de notre progression vers la montagne, de ce que nous disions, même de ce qu’on a mangé. Vu l’obstacle à franchir, je pourrais te dire que finalement ce n’est pas grave d’être resté en chemin, que ce n’est pas plus mal d’être encore là, un an après... Et puis, c’est toi, non qui a eu l’idée du Poumaïrol ? Rassure-toi, je ne vais pas faire ma mauvaise tête ; nous sommes tant de fois partis pour des paniers de champignons dont on n’a même pas rempli le fond que c’était une bonne idée de partir pour des filles qu’on savait ne plus trouver. C’est toi qui as raison, surtout que cette année nous n’avons rien à raconter. C’est mieux que de transiger, de se trouver de mauvaises excuses : une désinvolture cachant mal la médiocrité de ses petitesses. Vétille ? Bagatelle ? Détail insignifiant ? je ne crois pas : mis bout à bout, ils donnent un ressenti négatif... comme par exemple l’effet affligeant que nous laisse la caste politique à force de manque de volonté, de mensonges, de compromissions. Laissons les grands mots, je m’y mets, il n’y a pas de petite résolution...

Nous avons bu le café je suppose sur ce grand parking vide, payant l’été, ce qui est symptomatique d’un village qui ne vit plus que du tourisme. Il y a bien les vignes autour mais cette production est elle aussi liée aux visiteurs. Et les volets qui ne s’ouvrent que l’été me font l’effet d’une réanimation ne pouvant déboucher que sur une fin de vie. Notre chance fut d’avoir un des plus beaux villages de France seulement pour nous. 



 En descendant vers le village, ce fut une histoire de ponts, d’abord ce viaduc d’accès, monumental ! Mais comment les quelques habitants ont-ils fait pour obtenir satisfaction alors que deux autres ponts naturels au-dessus de la Cesse permettaient d’arriver ? Trois ans de travaux, 115 mètres de long, 40 mètres au-dessus de la rivière, livré en 1912... la France profonde n’était pas abandonnée comme de nos jours ! Concernant les Ponts Naturels ainsi mentionnés sur la carte, un effort d’imagination est nécessaire pour réaliser que nous la route, les garrigues surplombent des tunnels, deux tunnels creusés par la Cesse qui a abandonné d’anciens méandres. D’ailleurs elle coule la rivière en ce mois de décembre, belle et claire... cette fois, nous ne descendrons pas. Et dire qu’en été, on n’en sortirait pas tant il fait bon là dessous ! 

La_Cesse_au_Pied_de_Minerve licence  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author PerPhi
 

Sinon avant d’entrer dans le village, nous avons vu ce qui reste du château, surtout ce coin de muraille « la candéla », ensuite l’endroit où plus d’une centaine de Parfaits cathares choisirent le bûcher plutôt que d’abjurer leur croyance. Dans l’église romane des XI-XIIe siècles, l’autel date de 456 et le Christ a été sculpté dans de l’olivier par Jean-Luc Séverac qui, à plus de 80 ans, vit à Minerve. On lui doit aussi, plus loin, «Als Catars», la sculpture de la colombe cathare en mémoire des victimes de ce 22 juillet 1210... Ne me félicite pas pour la date, c’est juste que je me suis arrêté de fumer un 22 juillet... Et pour l’année tu me diras... Et bé, c’est que Simon de Monfort a pris Minerve un an après Béziers et Carcassonne... bien aidé par les Narbonnais... maintenant quand on traite quelqu’un d’«amori», d’étourdi dans la version aimante sinon d’imbécile en la circonstance, est-ce pour moquer le prélat de Narbonne ou l’abbé chargé de la croisade ou encore le fils de Simon de Monfort prénommés Amaury ou quelque chose comme ça, le prénom devait être à la mode à l’époque... Enfin, regarde sur le Net, toi que je l’ai en panne depuis deux jours) ? A moins que ce ne soit le vicomte Aymeri, ce qui revient au même puisque être bouché à l’émeri n’est pas valorisant... Qu’est-ce qu’on a fait encore ? Nous avons suivi les calades, les rues empierrées  avec, au bout, la vue sur le confluent avec le Brian, l’accès au puits que la catapulte des Croisés a bombardé avec des pierres et aussi des animaux morts pour empoisonner l’eau. Nous sommes sortis par le viaduc puis, d’en haut, par la route, avec de belles vues sur les tunnels, nous avons remonté le cours de la rivière avec l’intention de traverser le causse jusqu’à rejoindre le canyon du Brian. Hélas mais tant mieux pour la nature, un passage à gué qui ne nous aurait pas fait peur en période sèche, nous aurait obligés à mouiller nos pieds. Retour donc au parking et montée vers les dolmens de Bruneau manière d’ajouter deux à quatre mille ans à notre époque et de doubler les deux petits kilomètres à peine parcourus. Figure-toi, je viens de regarder sur la carte détaillée de l’IGN, cette route qui coupe par les causses mène finalement à Ferrals... trop présent, trop pressant, l’homme étreint la planète et je ne te parle pas des huit milliards qui pullulent et qui parlent de bouffer des insectes qui, pour 80 pour cent d’entre eux ont disparu... bien la peine de réhabiliter les quelques colonies de chauves-souris en sursis...

J’arrête, j’arrête, tu m’as déjà entendu répapiller tout ça une centaine de fois. En attendant, rafraîchis-moi la mémoire si tu as quelque chose à ajouter. 

PS : je t'ai mis quelques photos.