vendredi 7 mars 2014

CORBIÈRES, MYSTÈRES (I).../ Fleury d'Aude en Languedoc

    Narbonne, 1963. Un samedi gris de novembre, vers deux heures moins le quart. On dirait le soir. Entre la grille et le boulevard, sur les feuilles mortes du trottoir, un "pencu" (1) se hâte. Dans une main, les tranches de pain du dessert, dans l’autre la valise et le sac de linge sale qui rebondit sur ses jambes. Gêné, il se hâte pourtant, comme tous les pensionnaires libérés, par saccades, comme si le car allait le laisser alors que le départ n’est prévu qu’en fin d’après-midi, depuis le Montmorency (2), au bord de la Robine. 

    Il ne veut plus voir le large trottoir, la grille monumentale, le collège datant de Jules Grévy, et pas plus le boulevard inspiré d’Haussmann. Il ne voit plus le vol plané des grandes feuilles bistres et cuivrées des platanes qui pourtant accompagnent ses rêves, en semaine, à l’étude du soir. Il ne veut plus de cette mélancolie d’automne instillée par les grands arbres autour du "bahut" austère. Il détourne à son profit, un poème qui le marque : « Plus mon petit village que la ville dans la plaine... ». Il part revoir les siens, serait-ce pour un jour. Un jour seulement, mais dans le cocon, en famille. 

Peut-être ira-t-il à la chasse, au matin, avec les hommes, pour respirer son pays à pleins poumons, quand le jour effiloche une écharpe de brume au-dessus des vallons. Puis, pour lui, et parce que c’est dimanche, le couvert sera mis sur une nappe blanche, une tablée de fête presque, avec des hors d’œuvre et un gibier mitonné par la mère et la gran (3), accompagné d’un vin cacheté. Ensuite, même s’il ne veut pas y penser, il faudra s’atteler aux devoirs, aux leçons, ranger le linge propre, le saucisson et le chocolat qui consolent de la tambouille du réfectoire, de la promiscuité du dortoir. Et ne lui dites pas que lui a de la chance, que certains ne partent que pour les vacances : ils ne sont plus que quelques uns dont l’enfermement rappelle un passé révolu. 

    Il s’est assis à la fenêtre, au milieu, et baisse la tête : il doit tartiner la gelée de raisins du dessert et se cache du chauffeur au volant. Le vieux moteur ronronne, le pot crachote une fumée bleue ; le car est chêne vert, relevé de filets d’une couleur plus claire, qui le feraient passer pour un courrier rapide. En haut du pare-brise, derrière le verre d’une custode, en grosses lettres noires, la destination "MOUTHOUMET". 

    « ... Et je médite, obscur témoin... » (4), dans une fuite en avant, sans fin, qui me projette ailleurs, toujours à m’évader, quitte à prendre la place du pensionnaire dans le car, à endosser la vie d’un autre pour oublier la mienne ou la dépasser peut-être.

(1) "pensionnaire" dans l'argot lycéen. 
(2) un café faisant office de gare routière pour les lignes de cars.
(3) la grand-mère en languedocien.
(4) directement inspiré de Victor Hugo Le Semeur. Le collège porte aussi le nom de l’illustre écrivain.

photo : rue de Mouthoumet / googleimages : réutilisation autorisée

mardi 4 mars 2014

UNE CHÈVRE DANS LE TROUPEAU ! / humeur

Ne m'en veuillez pas d'être resté longtemps cantonné à Facebook. Je ne me pardonne pas, par contre, de m'être tu tout ce temps parce que, croyant profiter du système, j'ai été long à comprendre que je l'engraissais, au contraire, moi au milieu du troupeau... Jusqu'à ce que je prisse pour argent comptant le fumeux slogan "Le changement c'est pour maintenant !" Alors, si je réalise qu'on me prend encore pour un mouton, un vent de révolte se lève... 

Comment se fait-ce ? Ai-je la berlue ? Excusez-moi de revenir à ma tétralogie sur les moustiques parce qu'à présent, c'est le troisième volet qui fait défaut. Si sa disparition n'est pas imputable à facebook, c'est que je deviens chèvre et que cela ne s'arrange pas puisque j'avais déjà perdu le numéro 2 ! Néanmoins, il faut que vous sachiez que la technologie "fesse de bouc" (pas très élégant, je le concède mais cela remédie à une répétition...) est loin d'être parfaite et je ne sais pas toujours dans quelle mesure les articles sont lus. Par contre, s'ils proposent régulièrement des promotions payantes de pages, comme si tout devait se traduire en business ("Time is money"), ils éludent et ne répondent pas aux réclamations... 
J'ai donc le culot de réclamer ! Parfaitement ! parce que cette "fesse"-là (ou cette "face"-là), de chèvre ou de bouc si vous préférez, utilise et revend sans vergogne, nos fiches, nos coms, nos commentaires, nos contacts et notre substantifique moelle ! Alors ! 

Alors, plutôt que de se dire que ça ne sert à rien, il vaut mieux y aller de nos coups de corne. N'allez surtout pas croire que le loup gagne toujours à l'aube parce que  le changement viendra, pour les chèvres et les moutons devenus béliers, quand les cornus encorneront ! 



photo : google réutilisation autorisée.