mercredi 18 avril 2018

LA COMBE DE MONSIEUR SEGUIN / Fleury-d’Aude en Languedoc.

A propos d’iris en pleine garrigue, remonterai-je un jour dans ce vallon qui a nourri à la fois des enchantements de gamin, des ardeurs trop candides de jeunesse ? Ce coin de garrigue qui entretient le spleen doux-amer du legs à transmettre ne décline-t-il pas l’essentiel du lent cheminement de notre espèce puis de l’emballement vers l’autodestruction ? Il est urgent de refuser un système mortifère qui tue les abeilles et vend déjà des robots d’insectes pollinisateurs ! Le bon droit est du côté du rejet. Qui accepterait la loi consumériste rabaissant toute humanité au niveau d’un tube digestif ? La révolte n’a plus à rester crispée, rentrée comme par mauvaise conscience ! Sur les cent milliards qui nous ont précédés serons-nous ceux d’un néant à venir ? Rendre dans un si sale état un monde pourtant seulement emprunté à nos enfants tenait de l’inimaginable ! Coupables nous le sommes, pourtant, de cette ignominie ! Qu’un jour mes fils, ne me reprochent pas, insulte suprême, de les avoir conçus ! Sans descendance, l’espèce disparaitrait, la Terre continuerait sans nous ! Alors plutôt considérer l’alternative, la proposition optimiste intégrant l’espoir que tout n’est pas encore perdu si la règle est de ne prélever que ce que la planète peut régénérer sur un an alors que la goinfrerie nous fait entamer le capital début août, toujours plus tôt sur l'exercice… Épuiser la poule aux œufs d’or revient à la tuer à petit feu, et que les ploutocrates en soient les premiers à en être accusés ne changerait rien pour tous !    

«  Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » Albert Einstein.

« Vivre comme un oiseau sur la branche »… dire que le sens de ce qui fut un reproche s’est complètement inversé… Encore faudrait-il qu’il reste des oiseaux, des fruits sur les branches et non ces robots pollinisateurs de la chimie biocide ! Pardon de vous mettre le moral dans les chaussettes ! Montons vite dans la combe de Caussé pour apaiser ce désarroi existentiel… 

L’accès d’abord : le lit à sec d’un torrent très précaire, fleurant le chèvrefeuille, ruant seulement avec l’orage ou un aigat de l’automne, faisant office de chemin creux le reste du temps. Une butte meuble, remuée par une colonie de blaireaux, trouée de terriers, quelques ruches dans un peiral, une carrière abandonnée là où le chemin s’écarte du rajol. Comment le dire en français ? On ne dit pas « oued » de ce côté de la Grande Bleue et à l’enfant du pays qui racontait que son bataillon avait contourné un « chott » en Afrique, un vieux avait répondu « Va cassoun abal ? » ( ils le chassent là-bas ?) parce que le chot, en languedocien, c’est un hibou ! En attendant pour le rajol, l’équivalent en français n’est pas recevable, à moins que l’on ne s’en rapproche avec le verbe rager, exprimant le pic d’une réaction violente. A la rajo dal soureilh, à la rage du soleil et quand l’aigo rajo (1), c’est un flot rageur, violent et destructeur contre lequel on peut peu. Un jour de grec, ce vent qui déverse sur le Languedoc des trombes d’eau, surtout en automne, dans un groupe de vignerons venus commenter l’intempérie, tous bottés, c’est le seul souvenir précis qui m’en reste, j’ai entendu l’un d’eux, constatant que « l’aigo fouilho » avec un coin de sa vigne emporté. 
Wikimedia Commons / blaireau / Author Lamiot
Si j’ai, cette fois, l’équivalent en français avec peut-être le verbe affouiller (éroder, raviner, ronger), je rapporte ces paroles phonétiquement et j’ajoute « sans vergogne » avec une pensée pour Véronique qui était aussi de la sortie aux iris de Nissan et qui s’excuserait presque d’écrire comme elle peut en occitan. Surtout ne restons pas dans un schéma dominé-dominant, entretenu d’abord par la franchimandalho, ceux qui n’ont que le français, par rapport à la langue d’oc qu’ils dénigrent bêtement en tant que « patois », un « patois », soit dit entre nous, lexicalement quatre à cinq fois plus riche que le françois… Bref, une infériorité qu’on ressentirait par rapport à ce qu’on croit être hiérarchiquement et culturellement supérieur et qu’il ne faut surtout pas dupliquer… Graphie félibréenne, graphie normalisée, l’essentiel n’est-il pas de faire vivre nos racines avec les mots des aïeux, des aujols ? 
Convertimage / Jean Camp.

« … Es lou fial d’or que nous estaco
A nostro terro, a nostre cèl ! » (C'est le fil d'or qui nous attache à notre terre, à notre ciel).
Jean Camp (1891-1968), poète, romancier, hispanisant célèbre, Sallois de naissance, inspiré par sa terre natale et le parler languedocien dans son écriture originale (normalisée dans le livre du canton sans que ce soit mentionné, amaï, va cal pas faire aco, il ne faut pas le faire, ça, attention !) !

Pardon pour les parenthèses mais elles s’imposaient.  (A suivre)

(1) "Un cop d'aigo" = une crue subite, "lou téms de l'aigo" = pendant l'inondation. 

Salles-d'Aude / cadran d'horloge sur 24 heures.

dimanche 15 avril 2018

Des IRIS “ DE TITOLE ” au CERISIER DE CAUSSÉ (suite des iris de Nissan) / Fleury-d’Aude en Languedoc.


Et ces iris nains de Catherine alors ? 

Iris nain aquarelles de J Eudes dans  A. Guillaumin Les Fleurs de Jardins tome I  Les Fleurs de Printemps Paul Lechevalier 1929 Author J Eudes

L’iris pumila Bertoli, l’iris nain, des garrigues,  peut être bleu, blanc bleuté, violacé, violet pourpré (le blanc et le bleu pâle se font rares).  L’irone, le principe odorant de son rhizome (celui de l’iris blanc de Florence est [était en fonction des phénomènes de mode ?] distillé à Grasse[1]) sent la violette alors que  l’essence de violette, rare et chère en parfumerie, n’en contient pas.
L’iris chamaeiris Bertoli qu’on dit nain, prostré, peu élevé, tendant vers le jaune comme son nom l’indique dans la variété lutescens. 

Iris lutescens (?) near el Perelló (Catalonia) Author Hans Hillewaert
Ces iris xérophiles, adaptés à la sécheresse, poussent sur les calcaires âgés d’une trentaine de millions d’années[2] comme entre Nissan et Lespignan ou quatre fois plus vieux tels ceux qui me gardent toujours sous leur charme, autour du Puech de la Bade. Ils sont plus généralement présents sous le climat méditerranéen nord, de l’Espagne à l’Italie. Les rhizomes ont le mérite de retenir la terre marneuse (entre calcaire et argile) issue de la dissolution du calcaire par l’eau pénétrant les fissures (diaclases).  

En parlant de toutes ces variétés d’iris, la science dit crûment les choses et si elle nous fait réviser la géographie avec l’iris balkanique, dalmate, transcaucasien, ruthène, biélorusse, russe, de Crimée, de Sibérie, de Jordanie, de Tanger, d’Alger, de Hollande et de Florence, elle n’a que faire de la sensibilité poétique avec le fétide, le bâtard, le gigot, puant en prime, le jaunâtre. Il existe même le barbu ! Viendrait-il d’Allemagne ou plutôt d’Arménie pour l’être doublement vu que la barbe, ce mimosa de poils jaunes sur les tépales inférieurs est assez commun aux iris ?

A propos, vous avez vu qu’un Titole (surnom pérignanais de Bertoli) était dans le coup, certainement inventeur ou pour le moins associé au nom de la variété définie ? C’est la famille à  Crimplon, le maçon ? Je ne sais plus si ces surnoms figurent dans la liste d’Henric das Barris annotée par mon père, dans la mesure où il connaissait ou avait entendu parler des personnes concernées. Au village, les gens savaient qui était qui et ce, sur plusieurs générations… A présent, j’exagère mais en ville, c’est à peine si on dit bonjour à son voisin !
Crimplon ? un brave homme vraiment, surtout pour le cerisier entre le four à chaux et la copé, au milieu des potagers. Je vous raconterai, une autre fois… Le cerisier, lui, ne le cherchez pas, il a disparu sous l’autoroute, en 1974 je crois. Des bigarreaux qui attiraient tous les loustics du village comme des papillons de nuit. Le plaisir de manger dans l’arbre ! A croire que nous vivions sur une autre planète.
Léonce en avait plusieurs, à Granouillet. Mais je pense surtout à celui de Caussé (déformation de José… l’Espagne n’est jamais loin) pas pour les fruits, ni le plaisir de rôder la nuit, d’entretenir la geste des lascars, aux beaux jours revenus. L’arbre était tordu, efflanqué, vivotant seulement dans un coin où il ne se plaisait guère. Et pourtant, quel cadre ! Voilà que je m’égare avec ces maraudes aux cerises…

Faudra encore attendre juin...

[1] L’iris a aussi été cultivé dans l’Ain, à Anglefort (sud de Seyssel / 1835). 
[2] A Fleury, on trouve ces calcaires dits lacustres (puisque la Clape était une île) ou d’argiles, de galets, curieusement le long de la limite avec Salles, entre Carabot et Besplas d’une part, le Phare et le Puech de la Pistole (lauzes) vers le sud. Idem pour les limites avec Vinassan (bois de Marmorières). Les collines du moulin de Périmont, du Puech Azam (là où ceux qui ne voulaient pas payer montaient voir le rugby au stade de l’Etang !), l’ancienne décharge, le long de l’autoroute jusqu’au décroché de, Liesse la Glacière et le Mourre (entre le chemin du pont des Pastres et la montée de Bouisset, limitrophe de formations quatre fois plus anciennes).