lundi 26 février 2018

ENTRE MER ET MONTAGNE, UN OCÉAN DE VIGNES ET DE RÉVOLTES !

Entre la montagne et la mer, les garrigues, le vignoble de la plaine de l’Hérault : des bourgs qui promènent la bizarrerie de leurs animaux totémiques dont le bœuf, le poulain, le porc noir, l’âne, la pie, l’alouette, le muge, le poulpe, le pou, le scarabée… la liste est bien plus longue… D’autres retiennent notre intérêt pour le raisin de table à Clermont-l’Hérault, la clairette à Aspiran, le picpoul à Pinet plutôt que de débiner une mer de vignes (par la surface, alors, la première au monde) seulement apte à pisser la bibine… n’est-ce pas monsieur Christian Bonnet (1921), ministre de l’Intérieur en 1977, partial et inconscient de souffler sur les braises après la tuerie de Montredon ? 


De part et d’autre de l’Hérault, paisible, un océan de vignes mais qui, tel le fleuve, est sujet à des colères. Comment ne pas évoquer l’histoire chaotique, les hauts et surtout les bas de la monoculture du vin depuis 1907 jusqu’à une époque récente où, sans les réactions violentes du Comité d’Action Viticole, tout aurait continué à tourner rond pour les tricheries des gros qui jonglent avec le fric et les politiques ? Un cercle vicieux dans l’immodération ne pouvant entraîner que de la violence en excès : transformateurs, postes d’aiguillage qui pètent, nuit bleue aussi pour une aile de l’hôtel des impôts à Narbonne, à Port-la-Nouvelle. Le CAV, Comité d’Action Viticole est impliqué dans les fusillades au pont de Montredon[1] qui firent un mort chez les CRS, un autre chez les viticulteurs (1976). Tous les antagonistes en restent abasourdis : le ministre de l’Intérieur, Michel Poniatowski (1922-2002) qui a ordonné l’assaut, André Castéra (1923 ? -2007), meneur audois natif de Montredon justement, André Cases de Coustouges et Emmanuel Maffre de Baugé[2] (1921-2007) dit « Maffre-Baugé », chefs de file des viticulteurs désespérés, bien dans la tradition de Marcelin Albert (v. plus loin « La Cesse »), toujours pour des revendications dans l’honneur. De sang bleu mais de ces propriétaires terriens (40 hectares, 10 ouvriers) désargentés, Maffre-Baugé de Belarga a bien hérité du grand-père dont les vers parent le fronton de la maison natale à Marseillan :

« …tes vignes dorées
Du sang dont bat mon cœur se gonfleront toujours. » Terre d’Oc. 


Peut-être est-ce par estime pour la noblesse de sentiments des vignerons, qu’il s’était amputé de sa particule :  

« Ces hommes merveilleux de paix, un peu empruntés hors de leurs terres, serviables et très ouverts, se transforment en loups, parce qu'on refuse de les entendre, de les comprendre, et que le fric donne tout, et que l'on se fout de leurs dirigeants, que Bruxelles est une momie enveloppée de ses bandelettes d'ignorance, d'indifférence » « 1907-2007, Un siècle rouge ardent », Emmanuel Maffre-Baugé. 

Le CAV devenu CRAV (« R » pour régional) fit encore connaître le mécontentement des gens de la vigne jusqu’en 2013. Jean Huillet[3] (1944), viticulteur à Valros, leader des années 80, n’a jamais caché son implication dans les actions les plus explosives ! Citons entre autres actions spectaculaires, l’abordage dans le port de Sète du pinardier Ampelos qui fourguait du rosato, un mélange interdit de blanc et de rosé !


[1] https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/aude/narbonne/montredon-1976-affrontement-sanglant-toujours-memoires-audoises-940555.html
[2] Portant le prénom d’un oncle mort pour la France à 34 ans (25 sept. 1915), petit-fils du poète, ami de Mistral, défenseur de sa petite patrie occitane, Achille Maffre de Baugé (1855-1928), qui, de douleur, lança cet aveu d’amour si tragique :
« Cette vie est affreuse, et puisque je n'ai plus
Ton bonheur pour motif, il est bien superflu,
De prolonger un jour ce qui passe ruine... »,
Emmanuel est le fils de Charles qui en réchappa. Rompant avec une tradition familiale royaliste et conservatrice, compagnon de route du PC, il sera élu en 1979 au Parlement Européen sur la liste communiste toujours pour défendre les viticulteurs. Ah ! ces nobles si révolutionnaires contre leur ordre ! 
[3] Il ne s’en est pas moins laissé décorer de la légion d’honneur en 2017 ! Ah ! ces révolutionnaires issus du peuple, finalement si conformistes ! 




Photos autorisées wikimedia commons :
1. Bélarga Hérault Author Doonki. 
2. Maison Maffre Bauge Author The original uploader was ByB et French Wikipedia.  
3. Montredon-Corbières Château St Pierre des Clars Author Romain Bréget. 
4. vignes dorées Auteur jackmac 34

jeudi 22 février 2018

LA MER ENTRE PARENTHÈSES / St-Pierre-la-Mer, Les-Cabanes-de-Fleury.


Nous avons laissé Paulou, viticulteur en villégiature dans sa baraque de toile et de tôle, sur sa dune, les jumelles pointées sur un cargo au large, entre Sète et La-Nouvelle.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2018/01/mistral-fernandel-pagnol-arene-beart.html (30 janvier 2018).



La mer. Le symbole du bateau s’en trouvait joliment inversé car il n’était donné d’entendre, sobrement encore, que le désir de revenir pour ceux, ces émigrés de l’intérieur, qui avaient dû partir. Sauf que, loin de cesser, l’hémorragie a continué, plus fort encore à cause des crises du vin. Le pays saigné s’est rebiffé. Le Larzac qu’il fallait défendre a réveillé aussi la braise sous la cendre bonhomme des Languedociens. La colère, l’éveil des consciences a été instinctivement porté par la langue d’Oc avec le slogan « VIURE AL PAÏS », chanté par un instituteur de Couffoulens dans l’Aude :

« … Vos vau parlar d'un país
Que vòl viure.
Vos vau parlar d'un país.
Que morís[1]… » Claudi Marti (1940).

Le tenilleur aussi dut partir pour la ville. Lyon, de bons souvenirs quand même (normal à vingt-cinq ans) mais les barres d’HLM vingt-et-un jours une fois sans voir le soleil, ça ne s’oublie pas. Et vingt-et-un jours de décalage pour voir les bourgeons des platanes débourrer, un crève-cœur…
Bien sûr, à vingt-cinq ans, une tendre et douce, mignonne, cordon bleu, deux bambins adorables, le désir d’avancer sans « si » instillant le doute, l’envie de garder le cap sans chavirer ni sancir, sans même se douter que ça puisse tanguer… La vie emporte comme les flots vigoureux du Rhône. Mais quand le fleuve impétueux s’avoue impuissant à vous ramener au pays dans le Sud, le syndrome du bateau qui passe peut soulager. Romantisme ordinaire, aventure par procuration, baume au cœur néanmoins, en chanson encore…

« … Quand je vois passer un bateau
Je rêve de me foutre à l'eau
Et n'ai besoin d'autre Sésame
Que d'être là, à mon piano,
A rêver sur la gamme. » Guy Bontempelli (1940-2014).    

La mer. Le soir, une flottille de voiles latines part des Cabanes : les barques catalanes pour la pêche de nuit, au lamparo, pour des filets renflés de poissons bleus d’argent...
En été, le clair crépuscule et le Golfe faussement « tendre » vu du bord (avec le Cers, les vagues ne se forment qu’au large) ne peuvent évoquer les Travailleurs de la mer de Victor Hugo (1802-1885)


« … Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
 Il s'en va dans l'abîme et s'en va dans la nuit.
 Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien ne luit.
 Dans les brisants, parmi les lames en démence… » Les Pauvres gens.

Misère mise à part, même pauvre, notre Méditerranée sourit encore. Mais début septembre, pour la rentrée, les pieds à nouveau contraints, entre Rhône et Sâone, le sourire est crispé…  


[1] d = h × ( 12742 + h ) {\displaystyle d={\sqrt {h\times (12742+h)}}} « … Je vais vous parler d’un pays qui veut vivre. Je vais vous parler d’un pays qui meurt… »  

Photos autorisées : 
1. Une idée des baraques sur le sable à saint-Pierre-la-Mer 1952. 
2. pxhere cargo grossi. 
3. wikimedia commons barques catalanes Author Ville de Canet-en-Roussillon.