dimanche 29 octobre 2017

LE CHOLERA, PUISQU'IL FAUT L'APPELER PAR SON NOM... / France, Midi...

"Un mal qui répand la terreur..." Si La Fontaine a travaillé le thème de la peste chez les courtisans du grand roi, il ne pouvait le faire avec le choléra. Ce terrible mal, en effet, endémique de l'Inde depuis la haute antiquité n'est arrivé en Europe qu'à partir de 1817. Terrible, vidant les malades en quelques heures (1), il provoque une cyanose terrifiante restée dans l'expression courante "une peur bleue".
La France fut touchée en 1832 par la deuxième pandémie (1829-1837) puis par la troisième (1840-1860).
 

A l'été de 1853, la maladie est arrivée par les ports de la Baltique et de la Mer du Nord. Elle gagne Paris en avril et mai 1854. A partir de ce même mois de juin, le mal fait tache d'huile entre Paris et l'Alsace (Meuse, Aube, Yonne, Côte-d'Or), favorisé par la nouvelle voie ferrée Paris-Strasbourg,  tandis qu'un autre foyer irradie depuis la côte méditerranéenne vers les Alpes, la bordure méridionale du Massif-Central (Aveyron, Tarn et jusqu'au Lot), les Pyrénées, Perpignan et le Roussillon, la Haute-Garonne et surtout l'Ariège.

Concernant notre Midi, on doit ce foyer infectieux aux 30.000 soldats descendus s'embarquer vers les Dardanelles et la Crimée (guerre contre la Russie). 
Le département de l'Ariège a payé un lourd tribut au choléra (surmortalité de 366 % !). D'abord, la montagne ne pouvant nourrir une population en excès, le pays a compté de nombreux colporteurs et autres montreurs d'ours partis courir les routes. Une situation aggravée par la disette due à la maladie de la pomme de terre en 1846. Les saisonniers aussi, partis moissonner (2) dans les plaines qui, retournant chez eux pour rentrer le seigle, amenaient la contagion.
  

Fleury n'a pas été épargné, les décès de l'année 1854 en attestent. Dans le cadre plus resserré du village, considérons maintenant les chiffres rassemblés par Monique Pédrola, d'une famille pérignanaise et qui est à l'origine de la rédaction de cet épisode historique. (à suivre)         

(1) diarrhée aqueuse brutale (de quelques heures à quelques jours), vomissements, déshydratation aigüe (4 à 20 litres perdus/jour).
" Filippo Pacini, né le à Pistoia, Toscane, mort le à Florence, était un anatomiste italien, devenu célèbre après sa mort pour avoir isolé le bacille du choléra (Vibrio cholerae) en 1854, une trentaine d'années avant que Robert Koch ne refît cette découverte avec un beaucoup plus grand succès dans l'opinion." Wikipedia. 
(2) avant les Espagnols, ils sont les "Mountagnols" qui descendront pour les vendanges quand la vigne s'imposera. 
Crédit photos commons wikimedia 
1. Choléra de 1832. Author Nass, Lucien, b. 1874.
2. Couverture du Petit Journal 1912.

Sources : wikipedia

http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1978_num_33_1_293912# 
(Patrice Bourdelais, Michel Demonet, Jean-Yves Raulot)

https://etudessorguaises.fr/index.php/economie/232-une-peur-bleue-epidemie-de-cholera-en-1854

mardi 24 octobre 2017

LA CAVE DE SON PÈRE, JEAN... MON GRAND- PÈRE / Fleury petit pays

Les vendanges ? Pas l'occasion d'y penser cette année dans la rubrique "la vie continue". Je m'étais pourtant promis de reprendre les jolies pages de François Tolza dans "Adoracion", c'eût été l'occasion d'évoquer le Roussillon, l'immigration espagnole qui ne sont pas sans rapport avec l'actualité de la Catalunya tant Sud que Nord. 
   

Et puis, les vendanges sont passées avec seulement ce qui aujourd'hui les résume : le rapport qualité-prix, une productivité se passant toujours davantage du labeur des hommes mais infestée de charges d'emprunts, de chimie, de pesticides avec en prime, sur Narbonne, aux dernières nouvelles, les phtalates (1) hautement toxiques balancés dans la nature par Aréva-Malvési... Si, si, il s'agit bien du machin en faillite qu'une élite prétentieuse et insincère nous imposa au milieu du siècle passé et qui nous coûte des déchets sur des centaines de milliers d'années (mais la Terre se sera débarrassée de nous avant !), une guerre au Sahel (la prétendue indépendance énergétique !), sans parler des impôts (de toute façon, les moutons sont destinés à être tondus !) ! 

Alors on se réfugie dans les vendanges du temps jadis. Nostalgie négative, passéisme diriez-vous ? Ou retour aux sources quand un présent trop moche et un futur trop compromis provoquent déprime, dégoût et détresse ? 
  
"... L'agitation joyeuse des vendanges laisse place à une activité aussi feutrée que nocturne mais chaleureuse, comme si l'alchimie mystérieuse du vin le commandait : 
"Dieu n'avait fait que l'eau, mais l'homme a fait le vin !" Victor Hugo.
 Après souper, les rues sont désertées. Pourtant une présence magique habite le vide. Une odeur de vin nouveau flotte dans la fraîcheur. On entend le cliquetis régulier d'un pressoir, proche et lointain à la fois, clair, résolu..." JF Dedieu / Le Carignan / 2008. 
 

Entrée en matière qui me voit remonter vers mes quinze ans et la cave de mon grand-père Jean. Une évocation à laquelle devait répondre mon père, plus technique, pudique, moins lyrique même si une poésie nostalgique cachée affleure souvent de ses écrits. Et pas seulement puisque ce passage traduit l'emprise des racines occitanes avec, pour ce qui est de la vie au pays, la primauté du languedocien sur le français : 

"Vocabulaire relatif au pressoir : 
Lou bigos (sorte de houe à deux fortes dents) pour tirer la rafle du foudre ou de la cuve dans une semal (une comporte) après avoir fait couler le "vin fin" dans la cournudo (une grosse comporte)... /... Le pressoir : la presso (prensa). 
La maie, réceptacle cimenté pour recevoir le raisin, se disait je crois la "maio" mais je ne trouve pas le terme dans le dico. 
Le jus coulait dans "lou tchampot" le "p" devenant "b" à l'écriture (une fosse cimentée). 
On recouvrait la "pressurée, la pressurado" avec "los mantous" (deux) surmontés des "anguialos" ou poutrelles de chêne, puis du "souc" qui comprenait "lou grapau" ou crapaud pour fixer tout l'appareillage. Sur le "souc" était fixée la plaque de fonte du constructeur. Je me souviens qu'il était de Lyon, je suis presque sûr que c'était "Marmonnier (2)-Lyon" mais le nom m'échappe peut-être. 
Enfin, las clavetos et la barro (les clavettes et la barre), d'abord la petite, toute droite, puis la longue barre en Z allongé, où on se mettait jusqu'à trois de chaque côté. Enfin, "lou talhan" pour tailler chacun des quatre côtés. On ramasse à la main ce qui est tombé dans la rigole, on aère un peu et on replace cela sur le dessus car le bord a toujours été incomplètement pressuré." 
F Dedieu / Caboujolette / 2008.

 (1) http://tcnarbonne.org/index.php/2017/10/20/contre-expertise-sur-thor-tdn-commanditee-par-les-viticulteursa-lire-absolument/ 
(2) c'est bien Marmonier, papa, serait-ce avec un seul "n". Une entreprise qui a toujours su innover depuis 180 ans. 
 

photos autorisées commons wikimedia : 
1. Janvry Pressoir Americain 1906 Marmonier Lyon Author Lionel Allorge. 
2. Le souc / Pressoir Americain 1906 Marmonier_Lyon Author Lionel Allorge.
3. La plaque constructeur Pressoir Americain 1906_Marmonier Lyon Author Lionel Allorge.  
4. Les rigoles menant au tchampot (l'ensemble à poste fixe et en ciment chez papé Jean). Pressoir Americain 1906 Marmonier Lyon Author Lionel Allorge.