mercredi 19 avril 2017

UN COPAIN, UN FRÈRE ! / Je me souviens...


Toujours gentil, liant, même sans exubérance, il avait été poussé à prendre la présidence d’un comité de locataires assez naïfs pour croire que les lois de la métropole devaient s’appliquer de la même manière à Mayotte pour contrer le bailleur institutionnel, omniprésent, la SIM (le livret d’accueil des enseignants se gardait bien d’évoquer la possibilité pour les fonctionnaires de louer chez l’habitant). 

Un an après, se retrouvant seul dans une grande maison, il avait demandé si la troisième chambre de ma case était libre. J’avais dit oui tout de suite, sûr qu’il rejoindrait sans problème un groupe où l’esprit d’équipe était requis dès l’adhésion... quand bien même le troisième, pourtant natif des îles, d’une diaspora de l’Océan Indien occidental, devait se désolidariser, pour de mauvaises raisons, après pourtant plusieurs mois de cohabitation. 
 

Si chacun de nous, en dehors du travail, menait sa propre vie, une fois sur deux nos loisirs coïncidaient. C’est lui qui me présenta à ses collègues mahorais, si demandeurs, si disposés à partager ce qu’étaient la réalité, le passé, les traditions, les cultures de Mayotte. Souvent, nous nous retrouvions invités à partager un voulé (feu de camp) avec des brochettes ou du poisson grillé sinon du gibier (tanrec) accompagnés de manioc, de bananes ou de fruit à pain directement cuit dans la braise. La bouteille de l’amitié suffisait. 


Une fois, sous le taud de sa Rodéo orange, nous avons  ramené deux jeunes femmes au village. A bon port, elles ont aussitôt vu que le goyavier leur faisait signe. JF était réservé et n’avait pas voulu me rejoindre sous l’arbre où elles avaient grimpé; quel beau, quel joli tableau, comme avec les cerises ou les amandes de Brassens «... des écureuils en jupons... la récolte était perdue... » Avec peut-être, en échange, les baisers de leurs jolies bouches gourmandes... 
 

Souvent, sous la varangue, avec Georges et René, nous menions des parties enragées de tarot où son enthousiasme peu mesuré et ses déculottées piquaient un instant son amour-propre. 


Il me parlait de la maison construite de ses mains à Nice, de ses cousins et du lien familial encore fort avec l’Alsace (Lièpvre si mon goût pour la géographie ne me trahit pas). Et puis il a redécollé pour les Alpes Maritimes sans laisser ici le souvenir d’un engagement politique dont il ne se vantait pas. Avec le recul je dirais que comme aux cartes, il fonçait mais là, plus sérieusement pour porter plus loin le progrès avec ses valeurs d’humanité, toujours contre la corruption et les affaires puantes pourtant aux gouvernes !  

A Nice, devenu conseiller général socialiste, et peut-être à la municipalité, il a mené la vie dure au maire, Peyrat, transfuge frontiste, qui, empêché dans ses magouilles n’avait su que lui répondre « Vous êtes un pauvre type ! (1)». 

Dans un registre plus positif, il a mené la lutte contre la corruption avec Anticor. Il s’est engagé, entre autres combats qui l’honorent, pour des enfants du Bénin et du Mali (2) qui lui rappelaient sûrement, de sa parenthèse outremer de deux ans, les petits de Mayotte, trop nombreux dans la pauvreté encore pour ne pas accepter, faute d’égalité réelle, la solidarité associative.

Il s’appelait Jean-François comme moi, mais porteur du célèbre acronyme JFK. Son coeur l’a lâché le 18 avril 2007, à l’âge de 49 ans. Le connaissant, avec lui c’est un grand flux d’amour qui s’est brisé, pour ses six enfants, sa compagne, tous les siens, les petits écoliers d’Afrique et tous ses semblables... Par-dessus une mêlée politique souvent peu ragoûtante, une petite voix pourtant, persiste, dix ans après, à porter le souvenir de
Jean-François Knecht

Allez lire les articles liés ci-dessous et surtout voir sa dernière vidéo de janvier 2007 ! Deux écoles, l’une à Nice, l’autre au Mali, portent son nom. 
Montrez sa tête au peuple, elle en vaut la peine !
 
Et puis c’était mon copain parce que souvent, la pudeur empêche de dire « frère » pour une promiscuité  altruiste de huit mois, dans une complicité respectueuse, sous le même toit.

(1) formule trop répétée pour porter (par Roger Holeindre, notamment, vassal zélé de J.M.Le Pen.
(2) Même si Vauzelle en bon socialo refusa les 18 000 € de subvention.

https://blogs.mediapart.fr/jean-christophe-picard/blog/170416/nice-jean-francois-knecht-manque-toujours-autant-nice
http://www.prg06.fr/spip.php?article132
http://www.prg06.fr/spip.php?article523
http://www.prg06.fr/spip.php?article619
http://www.prg06.fr/spip.php?article759
http://www.prg06.fr/spip.php?article924
http://www.prg06.fr/spip.php?article1074
https://blogs.mediapart.fr/jean-christophe-picard/blog/180414/nice-sept-ans-apres
https://blogs.mediapart.fr/jean-christophe-picard/blog/180415/nice-toujours-jfk

les photos, partie de pêche et carnaval, sont de 1996

mardi 18 avril 2017

UNE SAINT LOUP BIEN ARROSÉE ! / Fleury en Languedoc


Lundi de Pâques. Si à Coursan on fait « Pâquette(s) », à Fleury, comme dans bien d’autres localités de l’Aude, on fête Saint Loup. L’occasion de faire un grand pique-nique avec l’omelette ou les œufs de Pâques à l’honneur. Les familles, les groupes de jeunes s’égaient dans la garrigue, les prés, la plage ou les pins au bout de la barre de Périmont.

Saint-Pierre a tant changé depuis ces années 60. Au bout de l’échine pelée de Périmont il ne reste que quelques pins. La garrigue à kermès s’est couverte de maisons (on disait « villas » du temps où le mot marquait une certaine fortune) et de résidences. Le transformateur au bout n’existe plus. Il pointait au-dessus d’une grotte donnant, plus bas, sur une grande salle souterraine et un lac en miroir. Le courant servait à pomper l’eau que des prophètes doublés de techniciens promettaient depuis longtemps aux estivants de Saint-Pierre-la-Mer.
 

Cette fois, les copains sont venus, Georges de Narbonne, Antoine d’Ouveillan. Quant à Joël, il devait être auprès des siens, chez ses grands-parents, à Trouillas (j’ai pensé à lui, un peu troublé, avant hier, parce qu’une émission sur les amandes nous a montré un chocolatier de renom, apprenti pâtissier parce qu’il ne faisait rien à l’école, et qui replante des amandiers, si ému de la portée de son geste (1)).
 


Qu’est-ce qu’on a bien pu manger ? Je crois bien que l’amitié, le plaisir d’être ensemble ont constitué l’essentiel du menu. Le ciel est bien dégagé. C’est une belle journée, ensoleillée malgré un Cers un peu frais. Le printemps certes, mais pas un temps à se baigner. La plage est toute encombrée de ces bois flottés que l’Aude a charriés. Et concernant des jeunes qui spontanément, déconnent, qui a eu l’idée de génie ? Ce qui est sûr est que l’enthousiasme a été général ! Dans une vitalité tout à fait à l’opposé du tableau offert par les morts-vivants des rescapés de la Méduse, un radeau est assemblé : une corde, quelques mailles d’un filet déchiré, un bidon en fer à l’origine plein d’huile d’olive, un baril, un tonneau à fourrer sous une structure que les flots ont échoué, providence de robinsons, sur le sable. Mise à l’eau. Recherche d’une fragile stabilité à l’aide de perches tordues. Deux naufragés partent chercher du secours ; le troisième, resté sur la grève, agite les bras. Au début, des salutations, des encouragements puis les cris disent bien qu’il faut revenir, que le vent emporte l’esquif vers le large alors que les deux navigateurs rient à qui mieux mieux quand l’équilibre menace de les envoyer à l’eau. Bien obligés pourtant, de quitter le navire ! Antoine sans plus hésiter une fois le danger compris, Georges, plus cabochard après avoir néanmoins essayé de faire demi-tour, en jouant de sa partègue.
Déjà nos fiers marins n’avaient plus pied ! Eux partis fringants pour des courses lointaines s’en retournent rigolards de ce slip kangourou pur coton mais pendouillant, trempé, jusqu’aux genoux et qu’il faut retenir d’une main ! Et pour finir la journée à s’en taper le ventre, mes deux lascars m’envoyèrent aussi à la baille ! Nous nous sommes séchés en regardant le radeau jouer à cache-cache avant de disparaître dans le bleu foncé du Golfe du Lion. 
Merci Saint-Loup, saint patron des franches rigolades.             

(1) "Les amandes d'ici ont, en effet, une saveur incomparable pour le professionnel, mais leur approvisionnement reste complexe tant la production est minime et la filière peu ou pas organisée. Pour le chocolatier, "on n'a jamais trouvé une amande espagnole ou californienne du niveau de la française". Pour ses recettes, il recherche "un goût parfaitement stable" et c'est une variété spécifique qui le lui donne. Il s'agit de la Feragnès, réputée pour sa grosse amande au goût fin et sucré... /...
... Faire l'acquisition de culture d'amandiers est un acte militant, "un engagement indispensable à l'heure où cette filière à tendance à disparaître de France"... 
http://www.lindependant.fr/2014/08/06/des-amandiers-a-croquer-pour-le-chocolatier-patrick-roger,1915330.php