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mercredi 24 janvier 2018

AU FIL DU TEMPS, UN VILLAGE EN PARTAGE / Fleury en Languedoc

L’amandier aux abords du village, un village avec son identité, son rythme propre. Les saisons ont toujours commandé aux hommes autour du clocher. Après Achille Laugé, un peu des tableaux de Jean-François Millet (1814 – 1875). Un peu, pour l’intérieur des hommes car la lumière au dehors, cristal, méditerranéenne, on la doit au Cers, un maître vent à réhabiliter, absolument, à plus forte raison quand on est né sous son souffle ! 


Lien entre le passé et un jour de commémoration, le 11 novembre, en respect pour nos Poilus qui étaient aussi nos grands-pères. L’occasion aussi, d’un hommage à Pierre Dantoine de Carcassonne (1884 – 1955) pour ses dessins, à Louis Barthas (1879 – 1952) tonnelier à Peyriac-Minervois, pour ses carnets de guerre. 

On se donne ensuite rendez-vous pour Noël, une fête qui fait communier nos villageois et tout le Sud, de la Provence aux Corbières en passant par le Lauragais pour évoquer Paul Arène (1843 – 1896), Alphonse Daudet (1840 – 1897), Marcel Pagnol (1895 – 1974), Joseph Delteil (1894 – 1978), sans oublier de laisser une petite place aux auteurs plus locaux comme Alfred Cazeneuve 1923 – 2010) ou André Galaup du côté de Limoux.

Janvier est le mois du cochon, l’occasion d’aller voir tout le cérémonial de l’abattage près de Quillan avec Robert Reverdy (1908 -1999), à Lavelanet et Sorgeat (Ariège), chez Jean-Claude Carrière (1931) à Colombières-sur-Orb et jusque dans le lointain Périgord avec Fernand Dupuy (1917 – 1999). 


Fin janvier sinon février même si l’apparition merveilleuse se produit plus tard en mars ou plus rarement encore, à l’opposé, en décembre, l’amandier refleurit. Bêtes et gens, remontés par ces prémices de renouveau, voudraient accélérer le balancier de l’horloge universelle :

«  Le carnaval s’en va, les roses vont éclore […]
Tandis que, soulevant les voiles de l’aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l’horizon… »
A la mi-carême. Alfred de Musset (1810 – 1857).

« Printemps, tu peux venir ! » fait dire Théophile Gautier au mois de mars.

A moins qu’ils ne veuillent le retenir ce balancier « … qui dit oui, qui dit non… » (J. Brel 1929 - 1978). On mange les oreillettes. Un temps indécis, entre jouissances charnelles et châtiments célestes. Le petit peuple aimerait se laisser aller sauf que les flammes de l’enfer menacent. Si salut il y a il est dans la pénitence, la mortification, l’abstinence, le jeûne… A la tentation du jambon pendu ou du pot de confit répond un confiteor résigné.  

Apothéose, libération quand reviennent les cloches de Pâques et que les gens s’égaient dans les prés, la garrigue ou le bord de mer pour fêter une saint-Loup extraordinaire, forcément sans date fixe. 


Avec les beaux jours, la nature s’offre, on goûte la guine pour Pentecôte… Noël, Carême, Pâques, Pentecôte… L’occasion, pour chacun, d’évaluer le poids de la religion suivant qu’on est né avant ou après 1965 : la croyance requiert l’adhésion, l’individu n’est plus, bon gré mal gré, sous son emprise… à condition que le troisième millénaire ne connaisse pas la barbarie ancienne des conversions forcées…  

Vers la deuxième quinzaine de juin, l’appel de la mer devient pressant. L’épicentre des envies passe du village entouré de vignes aux plages du bord de mer, derrière la Clape et ses garrigues. Dépaysement garanti au bout de neuf kilomètres à peine ! Mais c’est déjà, avec cette impression de se sentir chez soi - serions nous seulement locataires d'une planète empruntée à nos enfants - se tourner vers l’extérieur, accepter sans même se poser la question, un afflux massif d’estivants venus de toujours plus loin. 

Photos, illustrations autorisées : 
1. Pierre Dantoine. dessin d'après photo.  
2. Louis Barthas Wikimedia Commons.

jeudi 11 janvier 2018

LE CINEMA (1) / mon village en Languedoc...




Au village, les grands cafés (il ne sont plus que deux dans les années 60) rythment aussi les saisons et les jours. C’est encore plus marqué en fin de semaine avec, du samedi soir au dimanche, les trois séances de cinéma. Le même film qui passe. Hier, parce que c’est tout ce qui me reste de ces années,  j’ai regardé le Capitan sur arte et la magie a joué même si ce n’est que du cinéma... 

Le samedi, jour encore travaillé à l’époque, l’affiche est apposée sur les grandes vitres des deux cafés. Si le journal, très diffusé alors, annonce peut-être le programme, c’est cette image qui dit tout… Rien d’étonnant si les affiches, d’un genre artistique certain, font l’objet de collections (difficile d'en disposer pour illustrer cet article !). Ne dirait-elle rien, cette image, que même pour un nanar, l’essentiel est d’aller au cinéma. Le bouche à oreille a, en effet, bien du mal à assurer la cote d’un film et les acteurs connus le sont parce qu’ils apparaissent sur l’écran. Les autres, le réalisateur, la musique, c’est bon pour les puristes. 

Aller au cinéma, voilà ce qui compte… La vie se passe surtout au village ; en dehors des grandes occasions, les fêtes surtout, on ne va pas souvent en ville. Il y a bien le car comme il y eut le petit train mais la voiture, encore objet de luxe, ne permet pas encore de se déplacer à volonté. 

Qui va au cinéma ? Les jeunes, dont, plus nombreux, ceux déjà versés dans la vie active. L’école n’étant obligatoire que jusqu’à 14 ans, les apprentis sont légion. Les enfants aussi, qui paient moins cher (70 F, le prix d'une flûte de pain...) mais doivent se serrer sur les bancs des premiers rangs, à droite de l’allée centrale. 

Le cinéma ? Le local fait penser à une remise aménagée, grande, peut-être deux cents mètres carrés, avec des poutres massives au-dessus… peut-être aussi que derrière l’écran il doit y avoir une certaine surface, un ancien garage avec,  au-dessus du portail, la réclame Castrol ou Energol sinon Yacco. 
Le cinéma, c’est d’abord une odeur car il a une odeur, comme l’église ou les cafés, un peu de celle de l’école à la rentrée, un mélange poussière mouches desséchées ou plus spéciale encore, indéfinissable, mais à ne pas s'y tromper si elle venait à flotter à nouveau devant le nez… Il y a bien un sas un guichet mais la dame du patron préfère rester dans la salle, spectatrice en même temps. Pour les retardataires, elle allume sa lampe électrique à pile plate. Wonder ou Leclanché ? 


Le cinéma, c’est toute une ambiance derrière les portes battantes. Le technicien qui installe les bobines derrière les lucarnes de la cabine. Les jeunes au fond, encore ados (séance en matinée), qui chahutent et au comble de l’excitation, quand la lumière s’éteint, que l'écran s'allume, que le cliquetis étouffé de la machine s'ébranle, qui font claquer le contreplaqué moulé des assises ! Des chiffres défilent avec des croix, des hachures intercalées comme des coups de fusain de dessinateur pressé. Monsieur Balayé, le patron qui nous gendarme parfois avec son long bambou, doit aller rétablir l’ordre. Nous, les enfants, endimanchés, devant, comme des petits pingouins, on tortille d’impatience sur nos bancs de bois. Le calme revient à peu près avec les actualités fanfaronnantes et cet accent encore très parigot des speakers, comme avant guerre. Ensuite les réclames, la jeune femme en robe vichy, la ceinture large, pour une Renault Ondine ou Caravelle, Jean Mineur, le galibot qui lance son pic dans la cible et fait encore brailler la salle avec "Balzac 001, Fleury" pour ne pas dire "Paris" !  

photos autorisées commons wikimedia : 
1. film Quo Vadis (1951) Author employé(e)s MGM. 
2. réclame Wonder / photo prise en 2013 quelque part en France Author Alf van Beem.


samedi 11 novembre 2017

LE 11 NOVEMBRE...


« ... Le 11 novembre, nous commémorerons l’armistice de la première guerre mondiale. elle dit et redit à nos enfants combien ce jour sans école est celui du souvenir des enfants de la commune morts pour la France et celui du respect de l’Histoire de notre pays... »


L’épigraphe de monsieur le maire dit bien l’essence même de ce jour particulier, serait-il aussi celui de la Saint-Martin, de notre fête patronale. Elle nous dit que le respect que nous devons au passé est loin d’être vain, qu’il pèse sur le présent et conditionne l’avenir. Cette conscience (1) sans laquelle l’humanité ne pousserait pas à la roue de son évolution est un trait propre à notre espèce. La  mémoire, le recueillement en sont des corollaires, ce qui ne veut pas dire qu’il faille les considérer comme un tout. Mais que la vie serait étriquée, sinon triste et morbide à s’en tenir seulement à une dignité susceptible de passer pour une posture. Il y faut ces liesses inscrites dans nos gènes par le cours des saisons et qui viennent naturellement équilibrer le fil ténu de la vie. Puritains, passez votre chemin ! 
La convivialité, le vivre ensemble : des valeurs qu'exprime le maire de Fleury, Chico du temps des copains (2), fidèle, par ses racines, à son terroir, avec des mots déjà gourmands pour une foire gastronomique... Des valeurs ancrées dans le temps pour les passeurs que nous sommes : le village, la pêche à l'Aude, la Barjasque sur la plage, un vol de perdreaux, la jeunesse en partage... Passons sur la date, une semaine avant la fête du village, calendrier moderne des festivités oblige... Et puis je ne vais pas chicaner alors qu’une mode aussi insidieuse que dangereuse veut nous imposer une célébration des courges qui n’a rien à voir avec nos traditions sudistes, macarel ! Bref, l’épicurisme, les plaisirs de la vie n’ont rien d’indécent... Montaigne en témoigne. Alors, à chacun de savoir ce qu’il a au fond du cœur sans s’abaisser à fustiger ce qu’il croit voir de mauvais chez les autres ! Le premier magistrat évoque donc les tripes, les langues de bœuf, les poulets aux champignons, les cochons de lait à la broche et autres agneaux rôtis ! On croirait Garrigou possédé par le démon de la gourmandise dans les Trois Messes Basses ! Tombent les flammèches de gras capiteux dans la lèche-frite ! Grésille le tourne-broche trop chargé devant la cheminée rouge de la braise vive des souches ! Tout le village communiait dans des ripailles déjà chantées par Rabelais ! 
  
Le 11 novembre, un bon repas marquait la fête du village, réunissant les familles. On s’habillait de neuf, on étrennait le manteau pour descendre dépenser ses sous à la foire, aidés en cela par les flonflons et les tirades racoleuses des forains. 

Estivet de la Saint-Martin ou Cers glacé descendu des Hauts-Cantons, il y avait dans ces réjouissances la récolte rentrée, le tas de souches pour l'hiver, le cimetière avec les chrysanthèmes à arroser, la cave avec le vin à naître dans le ventre des foudres chenus mais féconds...  
 
 
Et la Grande Guerre venue se greffer sur ces entrefaites ? Était-ce celle de 40-45 qui, telle la vague destructrice d’un tsunami, passée avec ses horreurs inédites par-dessus la première, en avait réduit les générations concernées à accepter un mal aussi ordinaire que banalisé ? C’est l’impression qui me reste et si l’instituteur amenait les enfants au monument, ce n’est pas en classe qu’il nous sensibilisa à nos morts (peut-être n'ai-je rien retenu et dans ce cas c’est que j’étais encore plus que je ne croyais, sur une autre planète...). A l’opposé du bourrage de crâne des hussards noirs de la République pour les « Provinces perdues » en 1870 et la fameuse « ligne bleue des Vosges », les vertus patriotiques ne sont plus exaltées ! Tout peut advenir d'une greffe...

« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie, ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie » a écrit Victor Hugo pour les combattants de 1870... oubliés depuis si longtemps... Aujourd'hui, le 11 novembre honore les morts de toutes nos guerres et France Info ne devrait pas si facilement excuser ceux que les anciens combattants agacent. Sans transmission mémorielle, sans conscience, l'humain, roseau d'autant mieux pensant que sa panse est pleine, ne se départirait pas de sa condition animale... 
  
(1) « La sagesse ne peut pas entrer dans un esprit méchant, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Rabelais / Pantagruel.(2) j'en souriais encore cet été quand dans l'été de Saint-Pierre, il présenta le tour des chant des Gypsies Kings...
Diapositives du siècle passé de François Dedieu :
1. Le clocher version XXème siècle."Quand on regardait l'heure au clocher".
2. Mamé Ernestine devant la cheminée... et une "piote" au tourne-broche !
3. Le cimetière en novembre 1967.
4. Croix de Pailhès / vue sur la plaine à l'amorce de la montée vers les Pins de Trémolières.
  
(2)
  

Diapositives du siècle passé de François Dedieu : 
1. Le clocher version XXème siècle : "Quand on regardait l'heure au clocher".
2. Mamé Ernestine devant la cheminée...et une "piote" au tourne-broche !.. 
3. Le cimetière en novembre 1967. 
4. Croix de Pailhès / vue sur la plaine à l'amorce de la montée vers les Pins de Trémolières.