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lundi 22 juin 2020

PARTIR (9) / L'Alcantara pour l'Amérique du Sud, Madeira...


Wikimedia Commons. Image extracted from page 037 of Heures africaines. L'Atlantique-Le Congo…, by VANDRUNEN, James. Original held and digitised by the British Library.

Fin de la lettre du 3 juin 1953 : 
"... Nous sommes à Madère, à Funchal. J'ai acheté quelques cartes postales mais nous ne descendons pas à terre car il faut prendre des bateaux spéciaux et payer. Nous devons repartir sous peu, dans une heure et il est midi (nous avons maintenant l'heure de Fleury). Il est très pittoresque de voir toutes ces barques autour du navire. Chacune propose des souvenirs de l'île qu'on fait passer, en cas d'achat, avec des cordelettes lancées adroitement jusqu'au bastingage. Au milieu des barques à souvenirs, l'une d'elles, avec seulement un homme adulte aux rames et un jeune garçon, âgé de huit ans peut-être, en maillot, et qui nous fait signe. Non loin de nous, un monsieur distingué retient le chapeau sur sa tête pour lancer une monnaie le plus près possible. Le petit plonge et émerge bientôt montrant la pièce entre pouce et index. "Like in Port Said !" dit le monsieur au chapeau.../ 

Vista da baía do Funchal, 1930 environ, wikimedia commons, Source Arquipelagos Author Unknown author

... Que vous dire de plus du paquebot ? Les ponts sont désignés par les lettres de l'alphabet, le pont A étant le plus profond. Au dessus, au pont B, nous avons notre cabine. Ce sont des ponts intérieurs. Au niveau A se trouve la salle à manger de 2e classe. C semble être un entrepont. Je vous écris du niveau D (salon de repos aux sièges capitonnés, divans très profonds, verts et beiges). Tout à l'heure j'étais à l'étage au-dessus (pont E), où il y a un bar : apéritifs, bières, eaux minérales, cigarettes, cigares et tabac. On peut consulter la carte des vins dans la salle à manger. On trouve encore à bord une boutique-mercerie (pull-over - souvenirs - bas - fil - chevillère - rubans - livres - appareils photo - chapeaux - valises - jouets - parfums - chocolats - bonbons - friandises - etc.), une banque pour le change mais on accepte l’argent français à bord) un bureau de renseignements, une blanchisserie, des salles de bains, une piscine, le magnifique salon de repos des 1re classes, qui fait aussi salle de cinéma. Nous y sommes allés dimanche soir, alors que la sirène du bateau, à cause du brouillard du Golfe de Gascogne, se faisait entendre régulièrement pour signaler notre présence) et salle de bal (hier soir on y dansait en robes longues à l'occasion du couronnement).../... Le salon de repos, le fumoir et la salle à manger des 1re classe sont aussi splendides, chacun possédant son style propre.../
 
... Les ponts sont désignés par les lettres de l'alphabet, le pont A étant le plus profond. Au dessus, au pont B, nous avons notre cabine. Ce sont des ponts intérieurs. Au niveau A se trouve la salle à manger de 2e classe. C semble être un entrepont. Je vous écris du niveau D (salon de repos aux sièges capitonnés, divans très profonds, verts et beiges). Tout à l'heure j'étais à l'étage au-dessus (pont E), où il y a un bar : apéritifs, bières, eaux minérales, cigarettes, cigares et tabacs. Les ponts extérieurs sont d'une grande variété : ponts couverts et vitrés, ou bien protégés par des bâches. Le bastingage est élevé : aucun risque pour le petit. On a aussi des ponts à l'air libre : partout sont des bancs, ou des chaises longues, ou des fauteuils d'osier munis d'un gros coussin rouge. On passe d'un étage à l'autre soit par les escaliers extérieurs soit par ceux de l'intérieur. Dans la cage de l'escalier, en regardant du bas vers le haut, on se croirait en bas d'une maison de cinq étages.../

... Demain nous serons à Las Palmas, aux îles Canaries.
Gros baisers aux enfants. Embrassez mamé, tante et l'oncle pour nous trois. 
François."  


jeudi 9 mars 2017

LE MONDE NE DEVRAIT ÊTRE QUE CHANSON ET MUSIQUE... (3) / ratés existentiels

VOYAGE DES 1 & 2 mars 2017

Combien sont-ils dans cet avion, à trimballer des états d’âme ?
Laisser ainsi son pauvre papa avec qui il partage tant culturellement. « Cherche François Coppée » il a demandé dernièrement... des poèmes pris au hasard et d’une fraîcheur ! s’agissant d’un poète officiel plutôt catalogué académique. Et cette complicité, ces contrepèteries parfois salaces mais qui font rire surtout sorties en se défaussant, non sans malice, sur le fils qui l’en a instruit... « Une salade avec une belle escalope »... Ces musiques et chansons partagées, de l’opéra-opérette (1) au Pavarotti de la chanson napolitaine (2), occitanes ou bien françaises, sur Prague (4) et la campagne tchèque, du Brésil aussi, souvenir toujours vivant de  ce beau séjour de trois années, d’une époque où on prenait le paquebot, les lignes de l’Atlantique Sud ! 


Mais là, avec les intonations plus rauques de la "camisa negra", les accents moins dégrossis et enrobés que ceux du portugais "nordestin" (5), il s’en veut d’avoir en tête plus que le souci de son pauvre père. 


Cette Espagne qui le subjugue depuis toujours, depuis qu’il voit les Pyrénées de chez lui et autant son majestueux Mont Canigou enneigé que ses marges vaporeuses s’évanouissant dans la Méditerranée vers les caps Béar et même Creùs, cette Espagne cambrée d’une seguidilla (6) qui vous frôle et transporte rien qu’avec les yeux avant de provoquer et brouiller l’esprit de l’arrondi de son bras gracieux, arrêté, "bien parado", vers la grande fleur rouge du chignon flamenco, revient le perturber, presque le détraquer cette fois. 


Des flashs vieux de plusieurs dizaines d’années se sont rués en lui... Avec l’impression que les digues cent fois relevées, cent fois renforcées, les digues du Rhin et de ces Pays-Bas qu’il vient de quitter, ont cédé.
C’est qu’il a été perturbant ce séjour, oh non par rapport au père que cette paralysie a tant rapproché mais parce qu’il a redonné vie à un flot d’émotions jusque là refoulées dans le tiroir des souvenirs. Sédimentation apparemment morte et pourtant soudainement érigée telle la chaîne des Pyrénées qu’un documentaire expliquerait en accéléré !
Agréable d’abord avec cette ancienne camarade de classe qui le retrouve près d’un demi-siècle plus tard. Elle vit en Haute-Loire. Son mari est docteur. Avec les réseaux sociaux censés rapprocher les gens, les êtres, tels ces bulles dans un même verre de Blanquette de Limoux montent tous crever en surface, solitaires. La solitude en résultante du culte de l’individualisme exacerbé. Aussi, si quelqu’un quelque part, parce qu’il ne vous a pas oublié, prend la peine de taper votre nom, cela mérite d’être noté. Et puis, dans un placard de la remise il a mis la main sur une boîte en fer ouverte aussitôt reconnue, celle de son courrier avec des prénoms revenus faire défiler des amis et d’abord ceux des filles croisées alors. Souvent il fit semblant de ne pas la voir, cette boîte à biscuits et cette fois il l’a prise naturellement, sans l’appréhension de réveiller pour rien tout un passé. Malgré un temps de réflexion, tout revenait malgré le demi-siècle passé, frais, apaisé, sans nostalgie aucune. Chose étrange, sur cette boîte ouverte, pas une once de poussière ! Or rien de dérangé entre les signets regroupant un ou une même correspondante. des curieux dans ses familiers ? Ils n’ont jamais le temps de rien ! En commençant par le début, c’est la première lettre sortie d’une enveloppe ouverte, comme toutes les autres, au coupe-papier. Bien sûr, une foule de pensées liées aux souvenirs revient aussitôt à l’esprit.
Evelyne. Cette amie unique... Comment peut-on lier amitié avec une fille... c’est d’une chasteté aussi anormale qu’insupportable... Aussi il a longtemps cru l’aimer, seulement. Avec l’âge, il a compris. Avec son père propriétaire d’un domaine dans la plaine, Evelyne est en vacances du côté de Cullera, après Valencia. Ils ont fait un périple dans la montagne pour visiter leurs vendangeurs. Un chemin de terre, un pauvre village, une montagne déshéritée ; un accueil chaleureux mais des gens démunis. Un tel contraste avec l’opulente huerta dans la plaine en bas.
Et là, une image lui revient en boomerang, qu’il croyait effacée. Celle d’une petite vendangeuse espagnole, juste un échange du regard, un éclair...  

 

(1) Anna Netrebko « Meine Lippen sie küssen so heiß » de Franz Lehar https://www.youtube.com/watch?v=7tUq8Q_b8Lg
(2) Luciano Pavarotti « Turna a Sorriento »
https://www.youtube.com/watch?v=wbdM7yuNGYI
(3) Reda Caire « Si tu reviens »
https://www.youtube.com/watch?v=EfzFGQZtL08
(4) O. Kovář: Praha je krásná 
https://www.youtube.com/watch?v=CtiyNDo7AZA
(5) Ivon Curi - (Menino de Braçanã) Luis Vieira - Arnaldo Passos https://www.youtube.com/watch?v=OpPs8M6nYF0
(6) Comme l'Espagne et ses mythes s'offrent depuis toujours à l'Europe. Il suffit de regarder danser Anna Netrebko chanterait-elle en allemand !  

crédit photos : 1. Paquebot Alcantara juin 1953 Auteur François Dedieu
2. Pyrénées depuis Saint-Pierre-la-Mer perso
3. Danseuse de flamenco auteur Jpbazard 
4. Bacchus dans les vignes / tableau / Allan Österlind