LOUIS (La vigne et les chevaux) m'a dit, la semaine dernière, qu'à Olonzac les vignes avaient péri.
GABRIEL nous rappelle que son père confiait que tout avait gelé aux Cabanes, même la rivière.
YVES (Pêcheur du Golfe) a retenu des images fortes de ces hivers marquants dont, certainement celui de 1956.
YVES :
« … Sinon, ils regardaient toujours vers l’Est, jamais dans l’autre secteur, pas du côté de l’Espagne car ce qui arrivait de mauvais venait toujours de l’Est.
Une fois, avec cette neige du grec qui casse tout... je devais avoir 17 ans. Il a tellement neigé, la rivière était gelée, on pouvait pas aller jusqu’au pont de Fleury, comme d’habitude, et on est allé chercher du pain à Valras en passant par le bord de la mer. Il en était tombé 25 cm au bord de l’eau quand même ! J’avais jamais vu ça. C’était petit vent du nord, et l’eau des vagues se gelait. Quand nous sommes repassés il y avait 50 ou 60 centimètres de dentelle de glace... je m’en rappellerai toujours. Attends, pour geler l’eau de mer ! Tout le monde, avec des sacs ; entre ceux qui allaient gaiement et ceux qui marchaient moins vite, on était une trentaine pour rapporter du pain à tout le village.
Une autre fois, quand on a été au pont de Fleury, on voyait rien et il y avait tant de neige qu’on savait plus où était la route, et les caves (les fossés), à côté. Tu savais pas si tu étais sur la route ou dans une vigne. A des endroits on en avait jusqu’au ventre. Celui qui était devant était mouillé jusqu’à la taille. On se relayait, trempes comme des canards ! A la boulangerie, chez Vizcaro, enfin Fauré encore, Paul s’est étonné : « D’ount sortissès ? » (D’où sortez-vous ?) On était partis à 7 heures du matin, et le retour aux Cabanes, à 4 heures, avec le bateau. Je devais avoir 17, 18 ans. Quand il neigeait, couillon, c’était la catastrophe... »
Un
autre témoin, si attentif à la vie de son temps,si complice pour garder
notre passé vivant... mon père qui me manque... François :
« … Et nous reparlons du grand froid de février 1956 […] Ici, à Fleury, les « moins vingt » furent chose courante pendant des jours et des jours, les dernières olivettes disparurent, à St-Martin-de-Londres dans l’Hérault la vigne, pourtant si rude, n’a plus résisté à le température extrême de « moins vingt-neuf degrés ». Et Julien de me dire que l’Aude était gelée sous une couche impressionnante de glace, telle que Robert Vié avait poussé sa barque en la faisant glisser du pont de l’Aude jusqu’aux Cabanes. La même année, Titou Maurel (Louis, l’aîné […]) était tombé dans l’eau à travers une glace qu’il avait cru plus épaisse, à Pissevaches, et c’est Manolo qui l’aurait tiré de là – ils devaient chasser -.
[…] Tu me diras : c’est surtout du passé, et je te réponds :
« Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c’est le présent tel qu’il a survécu dans la mémoire humaine. » (Marguerite Yourcenar.)»
François Dedieu / Pages de vie à Fleury / Caboujolette / 2008 / Chapitre L’Hiver.
"... Début
février 1956 (1), les hommes taillaient en tricot de corps, en « gilet
athlétique » pour reprendre les mots de tatie Marcelle, avant
qu'une période glaciale
de deux bonnes semaines ne s'abatte, gelant des oliviers centenaires
ainsi que, localement, des amandiers, peut-être quelques souches
aussi..."
(1) Plutôt fin janvier 1956.
GABRIEL nous rappelle que son père confiait que tout avait gelé aux Cabanes, même la rivière.
YVES (Pêcheur du Golfe) a retenu des images fortes de ces hivers marquants dont, certainement celui de 1956.
Source INA 1956 |
« … Sinon, ils regardaient toujours vers l’Est, jamais dans l’autre secteur, pas du côté de l’Espagne car ce qui arrivait de mauvais venait toujours de l’Est.
Une fois, avec cette neige du grec qui casse tout... je devais avoir 17 ans. Il a tellement neigé, la rivière était gelée, on pouvait pas aller jusqu’au pont de Fleury, comme d’habitude, et on est allé chercher du pain à Valras en passant par le bord de la mer. Il en était tombé 25 cm au bord de l’eau quand même ! J’avais jamais vu ça. C’était petit vent du nord, et l’eau des vagues se gelait. Quand nous sommes repassés il y avait 50 ou 60 centimètres de dentelle de glace... je m’en rappellerai toujours. Attends, pour geler l’eau de mer ! Tout le monde, avec des sacs ; entre ceux qui allaient gaiement et ceux qui marchaient moins vite, on était une trentaine pour rapporter du pain à tout le village.
Une autre fois, quand on a été au pont de Fleury, on voyait rien et il y avait tant de neige qu’on savait plus où était la route, et les caves (les fossés), à côté. Tu savais pas si tu étais sur la route ou dans une vigne. A des endroits on en avait jusqu’au ventre. Celui qui était devant était mouillé jusqu’à la taille. On se relayait, trempes comme des canards ! A la boulangerie, chez Vizcaro, enfin Fauré encore, Paul s’est étonné : « D’ount sortissès ? » (D’où sortez-vous ?) On était partis à 7 heures du matin, et le retour aux Cabanes, à 4 heures, avec le bateau. Je devais avoir 17, 18 ans. Quand il neigeait, couillon, c’était la catastrophe... »
Hiver 1963. |
« … Et nous reparlons du grand froid de février 1956 […] Ici, à Fleury, les « moins vingt » furent chose courante pendant des jours et des jours, les dernières olivettes disparurent, à St-Martin-de-Londres dans l’Hérault la vigne, pourtant si rude, n’a plus résisté à le température extrême de « moins vingt-neuf degrés ». Et Julien de me dire que l’Aude était gelée sous une couche impressionnante de glace, telle que Robert Vié avait poussé sa barque en la faisant glisser du pont de l’Aude jusqu’aux Cabanes. La même année, Titou Maurel (Louis, l’aîné […]) était tombé dans l’eau à travers une glace qu’il avait cru plus épaisse, à Pissevaches, et c’est Manolo qui l’aurait tiré de là – ils devaient chasser -.
[…] Tu me diras : c’est surtout du passé, et je te réponds :
« Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c’est le présent tel qu’il a survécu dans la mémoire humaine. » (Marguerite Yourcenar.)»
François Dedieu / Pages de vie à Fleury / Caboujolette / 2008 / Chapitre L’Hiver.
"... Espérons
que février, qui commence demain jeudi, ne rejoindra pas dans les
annales celui de 1956 qui vit la mort de la plupart de nos oliviers.
Finies ces « olivettes » que nous avions vers Baurène
(petite), vers la Magnague (plus importante) et partout ailleurs.
Fini également notre bel arbre de Carabot, « la vigne de l’olivier
», sur lequel il m’est arrivé de grimper pour cueillir, en
compagnie de mamé Joséphine et mamé Ernestine, ces fruits
méditerranéens que nous mettions dans une comporte. Celle-ci
prenait place derrière le portail de la maison, près de la « porte
à mouches » devant la vraie porte de la cuisine. On lavait les
olives « à plusieurs eaux » après les avoir débarrassées des
quelques rares petites feuilles encore présentes ; et c’était le
stade de l’ « olivine ». Ainsi appelions-nous, à tort,
cette lessive de potasse qui leur faisait perdre rapidement leur
amertume..."
François Dedieu / Pages de vie à Fleury / Caboujolette / 2008 / Chapitre L’Hiver.
François Dedieu / Pages de vie à Fleury / Caboujolette / 2008 / Chapitre L’Hiver.
"... Février
1956 : le grand froid. (Une lettre de Fleury) « …
Depuis quelques jours il fait très froid : nous avons eu jusqu’à
moins 12. Aussi nous restons toujours dans la cuisine, le fourneau et
le feu allumés. Papa a mis la radio près du feu, il a mis la prise
à l’allumoir électrique. Heureusement que nous avons du bois :
nous avons arraché le Mourre, et Jojo avait presque fini de le
planter, mais avec ces gelées ce n’est pas encore fini de planter.
Aujourd’hui
il fait moins froid. N’ayant pas fini la lettre hier je reprends
aujourd’hui. Hier soir, il a neigé mais aujourd’hui elle fond au
soleil, à l’ombre, par contre, elle se glace. Voilà deux semaines
qu’il fait froid ; il faut espérer que l’hiver sera vite passé.
Le froid est général, vous devez le savoir par la radio..."
François Dedieu / Pages de vie à Fleury / Caboujolette / 2008 / Chapitre "Premiers sourires du printemps".
"... Autre
lettre de Fleury / mars 1956 : « … Les rosiers ont
bien résisté, je les avais recouverts de terreau, ils sont bien
verts, mais les verveines ont l’air gelées ; les géraniums, les
comtesses, les œillets, les chrysanthèmes, les salades, tout est
mort, sauf l’hortensia, les rosiers, le spirée, le gypsophile, et
les plantes qui étaient dedans. Presque tout est à renouveler, même
les asperges. L’aloès aussi a bien mauvaise mine, heureusement que
ce n’est qu’un petit malheur..."
(1) Plutôt fin janvier 1956.