lundi 15 novembre 2021

GRUISSAN, les AUZILS, l'Allée des Naufragés (3).

Novembre, le mois des Morts, est-il lugubre de le rappeler ? Ou est-ce la perception d'un infini qui permet, pour qu'éphémère qu'elle soit, d'apprécier la vie ? Vent d'automne, feuilles d'automne, couleurs d'automne qui tiennent si peu quand, avec le réchauffement, les arbres en sont à survivre... Enfin, serait-ce discutable, cela paraît plus sain que cette manie moutonnière à suivre un carnaval à l'envers que seule la ronde beauté orange des citrouilles rattrape un peu... 

 Remontons encore cette Allée des naufragés avec Alphonse de Lamartine méditant sur le destin. Son très long poème de plus de deux-cents vers compense en poésie le fatalisme religieux : il a perdu bien des membres de sa famille. Signalons l'adaptation de "Pensée des morts" par Brassens, avec une mélodie particulièrement travaillée et choisie, puisque le compositeur sétois n'a voulu garder de cette harmonie nostalgique que la poésie.    
 
Pensée des Morts, Harmonies poétiques et religieuses. Alphonse de Lamartine.  

"...Leur tombe est sur la colline,
Mon pied le sait ; la voilà !
Mais leur essence divine,
Mais eux, Seigneur, sont-ils là ?..."
 

"... C’est une mère ravie
A ses enfants dispersés,
Qui leur tend de l’autre vie  
Ces bras qui les ont bercés..." 
 

"... C’est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N’emporta qu’une pensée
De sa jeunesse au tombeau..." 
 

"... C’est un ami de l’enfance,
Qu’aux jours sombres du malheur
Nous prêta la Providence
Pour appuyer notre cœur..." 
 

"... C’est l’ombre pâle d’un père
Qui mourut en nous nommant ;
C’est une sœur, c’est un frère,
Qui nous devance un moment..."
 

"... L’enfant dont la mort cruelle
Vient de vider le berceau,
Qui tomba de la mamelle
Au lit glacé du tombeau ;"
 

 " Tous ceux enfin dont la vie
Un jour ou l’autre ravie,
Emporte une part de nous..."
 
"...Murmurent sous la poussière :
Vous qui voyez la lumière,
Vous souvenez-vous de nous ?..." 
 

"...Ils furent ce que nous sommes,
Poussière, jouet du vent !
Fragiles comme des hommes,
Faibles comme le néant !..." 
 

 

samedi 13 novembre 2021

GRUISSAN, les AUZILS, l'Allée des Naufragés... (2)

Par un temps gris ce jour-là pourtant en juillet (il va pleuvioter vers dix heures), en remontant l'Allée des Naufragés, dans la paix des cyprès et des pins, une sérénité que même la présence du grand soleil méditerranéen favoriserait, au souvenir des marins perdus en mer ou à l'escale,Victor Hugo nous accompagne encore.


 "... On demande: « Où sont-ils ? Sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont’ ils délaissés pour un bord plus fertile ? »
Puis, votre souvenir même est enseveli. ..."


"... Le corps se perd dans l’eau, le nom dans la mémoire.
Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli. ..."

"... Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L’un n’a-t-il pas sa barque et l’autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits où l’orage est vainqueur, ..."
 

"... Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encore de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur cœur ! ..."

"... Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l’étroit cimetière où l’écho nous répond..." 


"... Pas même un saule vert qui s’effeuille à l’automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l’angle d’un vieux pont !..."

 


"... Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
O flots ! que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !

Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c’est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir, quand vous venez vers nous !"

Victor Hugo
Les Rayons et les ombres, 1840


  Pour compléter cette visite, le carnet de randonnée du site ami... mais remarquable http://www.maclape.com/articles/auzils/auzils.html