mardi 5 janvier 2021

A la recherche du POUMAÏROL perdu (2) ...CHÂTEAUX PINARDIERS, CHANSONS A BOIRE /

 
 
Le diesel ronronne pépère, comme nos deux pépés qui haussent un peu la voix pour couvrir le bruit du moteur : 

"« Gastibelza, l’homme à la carabine,
Chantait ainsi :
« Quelqu’un a-t-il connu doña Sabine ?
Quelqu’un d’ici ?.." 

A Narbonne, ils ont acheté des huîtres, des moules, du fromage, du pain, du gros qui ne sèche pas au bout d'un jour. Même la blanquette de Limoux est au frais avec le vin blanc sec et la sangria à faible degré..."A tu moderaciou, t'aven pas attendut dempèi lou temps !" "bien sûr qu'on ne les a pas attendus ces pères-la-vertu qui nous ressassent "avec modération, avec modération, gnagnagnagna..." dès qu'on se met une gorgée derrière le gargaillou", tempête Serge qui poursuit "Tu la connais celle du jeune homme qui dit à son père qu'il va réveillonner ? 

- Et non, répond Roger, au volant... 

- Surtout soyez prudents, dit le père... 

Bien sûr d'ailleurs j'y vais avec parcimonie et à bon escient... continue Serge...

- Hé, mefi quand même, avertit le père... l'Arménien encore ça va mais le Corse... 

-  haha !

"... Dansez, chantez, villageois ! la nuit gagne
Le mont Falù.
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou ! » reprend Roger manière de réagir... avant de remarquer "... Heureusement que tu as pris du congelé que je n'ai pas pensé à mettre le frigo en marche..." 

- Le cassoulet, oui mais finalement je n'ai pas pris le bourguignon, j'ai pris du civet de sanglier... 

R. : Ma chère ! Super ! 

- Il n'y en a pas pour faire bombance mais pour nous deux et avec ce qu'il y a à côté... et ce poulet rôti qu'on vient d'acheter... 

R. : Écoute, en cette saison, ça ne risque rien... même si on rapporte des restes... 

- On ne risque rien tu dis... Hé, on sait jamais... Tout ça me rappelle un air du brave oncle Noé... lui c'était sur la route de Perpignan : 

"Sur la routo de Perpigna, 
On y perd et on y gagno aïe aïe aîe,
On y perd et on y gaagno.../... 
Dintreren dins un castel, 
I avio tres pitchounetos aïe aïe aïe
I avio tres ptchouneetos... 
Nous invitaroun a soupa, 
A soupa e coucha 'm ellos..."  

- Et ce ne sont pas les châteaux qui manquent sur la route du Poumaïrol poursuit Roger... 

- Ne rêve pas trop !

- Et si justement au moins rêver puisqu'il ne faut pas prendre son rêve pour la réalité ! 
 
Château de Lebrettes, dessin d'après photo, convertimage.

S. : à droite le château de Levrettes, Lebrettes... 

- Le "v" prononcé "b" comme chez nos voisins du Sud pour Barcelona et Valencia sauf que là ça peut tourner au "lividineux"... 

S. : qu'est-ce que tu dis ? "le vit du noeud" ? tu donnes dans les pléonasmes ! 

R. : tais-toi va que ce n'est plus de notre âge... En attendant, qui s'attendrait à un château de la Loire ici ? Tu sais que Jo y a travaillé du temps où c'était une institution pour enfants disons... retardés ? 

Château Le_Terral wikimedia commons Ouveillan Author Flolma

S. : Et non, sinon tu fais allusion à ces châteaux magnifiques avec des tours coiffées d'ardoise, datant entre cent et cent-cinquante ans et qui, pour les propriétaires ne coûtaient parfois que le tiers d'une récolte ! A Fleury L'architecture de La Négly a quelque chose de cette époque...
 
R. : m'en parle pas, ils avaient un singe qui t'approche tranquille puis d'un coup t'arrache la croûte d'un bobo, la sale bête ! Sinon, bien sûr, les "châteaux pinardiers" favorisés par les périodes de crise, l'oïdium, le phylloxera... le malheur des uns faisant toujours la fortune des autres... Au village, les maisons dites "de maîtres" ont peut-être la même origine... La route de Saint-Pons... Après le pont sur l'Aude elle est parallèle à la Cesse, du moins jusqu'aux premières garrigues... 

S. : Oui, cesse de ressasser ! La Cesse, dernier affluent rive gauche de l'Aude... On va la remonter jusqu'à sa source au pied du plateau du Poumaïrol... Je me suis toujours demandé comment faisaient les poissons pour vivre dans ce qu'il faut vite appeler des rivières si souvent à sec l'été ou vidangées brutalement par un aigat ! Des situations extrêmes !

Note : un site qui mérite le détour... la passion de connaître, des heures et des jours de recherche, l'envie de partager et pas grand' chose en retour (je connais)... Prouvez-moi que j'ai tort... 

https://ouveillanpatrimoine.blogspot.com/2019/03/les-chateaux-de-la-richesse-viticole-de.html


samedi 2 janvier 2021

TÉMOINS INDIRECTS DE LA TRANSHUMANCE ANDORRANE, LES AUTEURS DE L'ÉTUDE.

En attendant de trouver quelque chose sur "N. Vaquié"(1*), nous apprenons, Wikipedia aidant, qu'Urbain Gibert (1903-1989) (pour l'année de naissance, une autre source indiquant 1897 semble erronée puisqu'il évoque ses souvenirs d'enfant vers 1912 [voir ci-dessous]), né à Missègre et décédé à Lauraguel a participé à la revue Folklore de 1938 à 1982. Avec cet instituteur entre Corbières et Razès, on ne peut que louer la mission de nos pédagogues de terrain, leur quête du savoir et une volonté de transmettre, non seulement loin d'un dirigisme à la hussarde, mais encourageant au contraire les particularismes identitaires... Il est vrai, tout chauvinisme bu, que l'Aude, notre département, continue de stimuler superbement... Ci-joint, en annexe à notre sujet, la carte de l'élevage en 1970 par Roger Bels... encore un instituteur... Si l'espoir de revenir au pays m'avait été donné, je le serais resté... 
Courtauly wikimedia commons Auteur Tybo2

(1*) Noël Vaquié (1920-1973) né à Courtauly (canton de Chalabre, Aude), correspondant du Midi-Libre.  

Ce tandem d'auteurs, ces passeurs de mémoire ne le clament pas, pourtant ils sont issus de villages, Missègre et Courtauly, respectivement des Hautes Corbières Occidentales et du Quercorb, qui, certainement sur des siècles, ont vu passer les troupeaux dans les deux sens. Urbain Gibert en témoigne : 

"... Et pendant de longs jours, le troupeau avance. Nous le voyons dans nos souvenirs d'enfant (aux environs de 1912) arrivant dans ce village des Corbières : « L'Andorra arriba !... » crient les gosses et « Le troupeau coule son bruit d'eau, il coule à route pleine; de chaque côté il frotte contre les maisons et les murs des jardins » (Jean Giono -Le Grand troupeau). Les ménagères enlèvent précipitamment les quelques pots de basilic ou de géranium qui sont devant les portes, car les chèvres sont rapides et malfaisantes. Les villageois regardaient avec une certaine admiration ces belles bêtes rustiques, habituées à la vie en plein air dans le rude climat des monts pyrénéens (10. En Andorre, le troupeau parque et dort en plein air ; lorsque le berger estime que le pâturage sur lequel se trouve (sic) les bêtes est suffisamment « fumé » par celles-ci, il déplace son troupeau.), parcourant de longues distances en bravant les intempéries, et ils les comparaient mentalement avec leurs brebis aux pattes fragiles, car les pâturages sont peu éloignés des bergeries dans les Corbières, craignant le froid et la pluie. Les moutons, chez nous, ne doivent pas se mouiller, car « perdon le surge »..." (le surge = le suint).   

(sic) "... J'avais surpris mon cher surhomme en plein délit d'humanité : je sentis que je l'en aimais davantage..." Marcel Pagnol, La Gloire de mon Père, 1957... Restons bienveillants à l'égard des fautes d'orthographe... que celui qui n'a jamais fauté le pénalise de 4 points en moins... heureusement que ce barème 5 fautes = zéro n'a plus cours depuis longtemps... 

 

Milobre_de_Bouisse 878 m. wikimedia commons Author Anthospace.

"...  Quant à nous, les gamins, à travers ce mot à étranges consonnances : « L'Andorra », nous rêvions à je ne sais quel pays lointain et mystérieux, pays d'où venaient les montreurs d'ours qui, de temps à autre, passaient dans le village, et ces troupeaux et ces bergers si différents des nôtres, ces troupeaux qui nous paraissaient immenses et dont nous admirions surtout les magnifiques « marrans plan flocats » et bien encornés qui s'affrontaient de temps à autre en des combats singuliers. Quelques ordres brefs, sifflets, jappements, les chiens s'affairent. Voilà le troupeau parqué sur la place autour de la grande fontaine ; il se reposera et dormira là toute la nuit sous la simple garde des chiens. Les bergers, eux, sont allés à l'auberge. Le lendemain de bonne heure, ils sont partis en direction du plateau de Lacamp, laissant à l'aubergiste un agneau « fragile » qui ira s'incorporer à un troupeau du village..." 

Missègre wikimedia commons Author Jcb-caz-11

En hiver, en Andorre, pays de montagne, les troupeaux restaient-ils dans la neige ? Quant à la considération sur les moutons locaux, la comparaison avec les moutons voyageurs ne les avantage pas... (En tant que troisième maillon, puis-je dire en toute modestie, que lors d'une balade entre la gorge de l'Orbieu, la montée à Lairière et au plateau de Lacamp, ce sont des moutons noirs que nous avons croisés, une laine du plus bel effet dans ces Corbières vertes). Le passage de l'Andorre a marqué l'enfance d'Urbain qui, comme tous les gosses, ne pouvait que rêver d'un pays mystérieux avec ces grands troupeaux vigoureux, les montreurs d'ours (1)... La scène doit se passer à Missègre, son village natal, le départ, le lendemain, vers le plateau de Lacamp ne peut que confirmer. Wikimedia nous offre la photo de ce qui semble être "la place autour de la grande fontaine"... grâce au Geoportail, la vue a peut-être été prise vers le Sud, avec le ruisseau de Guinel à droite... A gauche, à 50 mètres à peine sans qu'on la voie, la présence touchante de l'école, signe de la résistance d'un pays qui ne veut pas mourir...  

(1) Pauvres ours des Pyrénées devenus un problème à moins que le problème ne soit les hommes... Jadis nombreux étaient-ils néanmoins mieux intégrés à la nature ? Aujourd'hui ne sont-ils pas devenus accapareurs au point de chambouler les règles d'un milieu uniquement à leur profit sans voir qu'à terme ce sera pour leur plus grande perte ?