jeudi 16 juillet 2020

LOU CABANOT, un genre de cabanon... / Fleury-d'Aude en Languedoc

Suite à un post il y a peu décrétant que l'Italie avait été élue "plus beau pays du monde" lors d'une soirée de gala à Rome... (à Bujumbura ils ont élu le Burundi !.. je rigole...). Dans les commentaires, le qualificatif "fier", entre nous arrogant presque con (j'en ressens avant tout le sens péjoratif), n'a pas été repris... Toujours dans l'ouverture tolérante, Jean-Marc, catalan-calabrais, a conclu que le plus beau des pays est celui où l'on vit. Encore une parenthèse à l'attention des aptes à éructer une opinion aussi blindée que cassante... pour le leur dire positivement, avec ce que j'ai dit de l'Italie récemment ...

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2020/07/italia-mon-cinema-italien.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2020/07/italia-fin-mon-cinema-italien.html



Je rentrais juste d'une de ces balades bucoliques dans le delta apprivoisé et la lecture de ce post m'a donné à revoir la promenade sous cet angle.
Mon plaisir à parcourir ce territoire étant fondamentalement viscéral, ce n'est pas pour autant que j'ai à imposer ce sentiment aux autres. Me reste la liberté de faire partager ou, a minima, la liberté de me laisser aimer qui ou ce que j'ose aimer. 





Plus encore après l'épanouissement printanier, au tournant de l'été, prête à affronter les excès de l'été, entre les étendues colonisées par l'homme et le ruban de nature dont se pare le fleuve, la plaine est attachante, émouvante même. La verdure venue à maturité en est à se reproduire et à se préparer à subir le soleil brûlant, la sécheresse qui persiste. Les vignes, elles, l'encépagement aurait-il évolué, continuent de témoigner de presque deux siècles de travail, d'adaptation avec notamment ces marteilhières, ces vannes qui gardent l'eau des inondations.

Avant 1970, au pas du cheval, il fallait bien quarante-cinq minutes pour rejoindre les vignes dans la plaine depuis les villages prudemment juchés sur les coteaux voisins. Aussi, suivant la taille des pièces, du temps à passer et des finances du propriétaire, il était judicieux de construire un cabanot...
Oh je vous entend déjà à fredonner "... Un petit cabanon pas plus grand qu'un mouchoir de poche..." ! Oh que oui ! le cabanon du Marseillais typique ! Soleil, pin, cigale, romarin, Scotto, mer, calanque, pastis, grillade, thym, bouillabaisse, aïoli, boules, sieste, galéjades... Mais non, pas ici... Même si la Clape tombe presque dans la mer, cette ambiance là n'était que de l'été à la baraque, un abri de bois, de toile et de tôle qui se montait sur le sable du 14 juillet au 15 août.
Le cabanon de la plaine est pratiquement l'antithèse de celui de Marseille. Peut-être que de dire "cabanOT" exprime déjà l'atmosphère au travail. Un portail ouvre sur un espace plus dédié au cheval : au mur un râtelier, au sol de la paille. En face, une cheminée, à l'intérieur une poêle noire accrochée à un clou. Sur le foyer, un trépied. Non loin, deux ou trois bouffanelles (fagots de sarments).
Etait-ce seulement pour se protéger d'une ramade (une averse), d'un orage ? Ou pouvait-on y passer quelques jours ? Là-haut sur le palier, du foin ? d'autres fagots ? de quoi dormir ? 

Est-il beau ? Est-il le plus beau, mon pays de vignes quand il me plait de parcourir les chemins vicinaux contraints par la rivière ? Et surtout pas une fierté quelconque à opposer aux autres, seulement une palette complète de sensations profondes, une plénitude émouvante, coulant, tranquille, vers son destin, aussi fini qu'infini, à l'image du fleuve parti se fondre dans la mer.
 

vendredi 10 juillet 2020

PARTIR (11) / L'Alcantara pour l'Amérique du Sud, Canaries, Equateur...

Et pour le moment, rien, rien dans le sillage de l'Alcantara. La poésie d'Antonio Machado revient à l'infini telle l'onde marine qui s'étale en montant sur le sable : 

 "... Caminante, no hay camino,
sino estelas en la mar..."

Il faudrait recouper avec les différents courriers envoyés à posteriori. Fouiller l'ordi de ses pensées qui restent, les ordis à vrai dire puisque le plus vieux, à colonne persiste à tourner rond et à ronfler pour rafraîchir ses circonvolutions de cerveau artificiel. Mais rien. restent les kilos de lettres... Il faut fouiller, retourner... Pour voir... J'y vais !

Nous étions donc à Madère où, par le biais d'une lettre, on en apprend davantage sur les barques venant au paquebot avec des enfants qui plongent pour une pièce ou des vendeurs de souvenirs.
A son ami Jan du coteau rive gauche de la Vltava dans Prague :   

"... Les barques venaient caracoler autour du navire, chargées de souvenirs de l'île : fauteuils spéciaux en osier, petits fûts à madère, canaris dans leurs cages, foulards aux vives couleurs. Quand un client appelait, on lui lançait une corde et il tirait lui-même l'objet convoité. S'il le prenait il mettait l'argent dans un panier suspendu à la corde.
Enfin le 5 juin, ce fut notre dernière escale, Las Palmas de Gran Canaria. Là nous avons visité la ville...  

Las Palmas de Gran Canaria Panoràmica de la ciudad y su playa de Las Canteras wikimedia commons Author Tito Pullo

Tenerife et le Teide, son volcan depuis la Gomera wikimedia commons Author Zenihar

A partir de là, un blanc. Auraient-ils remarqué le Teide, le stratovolcan de 3718 m, point culminant de l'île voisine de Ténérife, de l'Espagne et de tout l'Atlantique ? Une routine s'est elle établie ? La magie du départ s'est-elle estompée ? Rien sur l'archipel du Cap-Vert (Cabo Verde aujourd'hui) pourtant croisé par tribord au bout de deux jours (Ilha Santiagu, Pico de Antonia 1394 m). En  guise de pot-au-noir, le passage de la ligne, entre Afrique et Amérique, vers le cinquième jour, dont le compte-rendu, par contre, retrouvé sur une feuille tapée à la machine, est étoffé. Son titre indique "ALCANTARA 14"... Des trouvailles sont donc encore et toujours possibles...

Capo_Verde_Santiago_São_Jorge_dos_Órgãos_Bougainvillea 2011 wikimedia commons Author Cayambe

ALCANTARA 14. 
Aujourd'hui c'est sûr nous allons traverser l'Equateur. Les officiers du bord ont troqué leur uniforme bleu marine pour la tenue tropicale de couleur blanc crème y compris les chaussures et le couvre-chef. Ils ont toujours aussi fière prestance. le spectacle est surtout sur le pont principal, à la piscine. premier jeu : les deux protagonistes, bien entendu en maillot, se font face à cheval sur une longue poutre à fleur d'eau. Chacun est armé d'un lourd polochon ou traversin bien garni, dont une seule volte bien ajustée vous jette à l'eau n'importe quel poids lourd, sans parler des autres. L'assistance se presse autour de la piscine. Le commissaire de bord, promu arbitre officiel, s'approche avec son carnet et son crayon : les choses sont sérieuses. Chaque candidat a décliné son identité, donné le numéro de sa cabine. Tout est prêt, les deux joueurs assurent leur équilibre de leur mieux en attendant le signal du début de l'épreuve. Cinq, quatre, trois, deux, un, top ! C'est parti : déjà les deux polochons tourbillonnent. Et chacun d'éviter avec soin le coup fatal qui mettra fin au match. Les encouragements fusent de toutes parts pour le champion de son choix, qui retrouve tant bien que mal son assise après chaque coup de traversin. Celui d'en face donne vite des signes d'épuisement, ses muscles ne parviennent plus à communiquer à son engin une vitesse suffisante pour inquiéter l'adversaire. Et celui-ci, qui s'en est vite aperçu, en profite et d'un dernier coup désarçonne le faiblard, qui en quelques brasses se retrouve sur la berge. 
C'est alors le tour de deux "cavaliers" suivants. Les comptes sont bien tenus, un seul prétendant sera déclaré vainqueur de la joute. (à suivre).
François Dedieu (1922-2017).