vendredi 28 décembre 2018

LES ÉCHOS DE NOËL SE PERDENT DANS LA NUIT... / Fleury-d'Aude en Languedoc

Diapo François Dedieu 1979.

Loin de moi l'idée pessimiste des témoignages qui se perdent dans un passé flou devenant opaque car ces échos tintent en moi tels les messages des cloches montant dans la nuit de décembre, une nuit cristalline. Le village, en effet, baigne dans une émotion partagée. Quelles qu'en soient les causes : la religion, le solstice, le seuil de l'hiver, les gens partagent une complicité apaisée, l'envie de parler aux autres, de partager la liesse, la félicité déjà entretenue au foyer avec le sapin, la crèche, la promesse des bonnes choses, de la dinde prévue au menu. 
Surtout ne pas taire cette ambiance révolue puisque certains de ses aspects demeurent et que, de toute façon, ils ne peuvent qu'éclairer le présent. 

Diapo François Dedieu 1979.


Loin mais pas si loin finalement, dans le temps... "... Basile Lignières (lou Craquet), notre bedeau, sonnait vaillamment les cloches placées encore autour du clocher [...] Basile distribuait également le pain bénit, et un dimanche une dévote voulut lui signifier d'un geste à peine ébauché... qu'il avait la braguette entrouverte et qu'on apercevait le panèl de sa chemise. Il crut qu'elle pensait ne plus avoir de pain bénit et la rassura d'un "N'y aura per toutos !" passé à la postérité..." (Y'en aura pour toutes !)

dinde Creative Common CC0 pxhere com


Après l'église, le loto... Coural, le beau-père de Marthe, arrête ! Il gagne la dinde ! 
"... Là ! Qu'uno pesto ! La fémno n'a croumpat uno aqueste mati !" (Là ! Quelle peste ! La femme en a acheté une ce matin !) [...] c'est Pistole qui lui avait répondu 
" Quand el gagnèt, et qu'i diguéri de baillar la pioto, respoundèt souloment "Ta gran !"" (Quand il gagna et que je lui dis de donner la dinde, il se contenta de répondre " Apporte ça à ta grand-mère !") réplique trouvée aussi en espagnol  ¡ Cuéntaselo a tu abuela ! (qu'on peut traduire par "à d'autres !""

"... Titato fut nommeur en occitan, sauf en quelques occasions, quand il nomma en français, "rapport aux étrangers " (des Parisiens !). Lou Ménot fut longtemps attitré à ce poste : 
"Remeno ! 
— Pot pas, és trop gros !" (Remue [les numéros] ! Il ne peut pas,il est trop gros !). 

Loto_à_Carpentras_Carton_de_loto Wikimedia Commons Auteur Varaine


Et de conclure avec un proverbe lié aux calendriers : 
"Un 20 décembre : aujourd'hui les jours recommencent à s'allonger, d'une minute pour commencer et je pense au proverbe que nous répétait l'oncle Noé – faux d'ailleursdepuis 1582 et la réforme grégorienne du calendrier – "A santo Luço, un pas de puço, à Nadal, un pas de gal." (A sainte Luce un pas de puce, à noêl, un pas de coq). or maintenant, pour sainte Lucie, le 13 décembre, les jours diminuent encore, puisque nous avons eu ce décalage de onze jours à l'époque. mais les dictons ont la vie dure et c'est très bien ainsi." 

 Ces quelques extraits sont tirés du livre "Caboujolette", 2008, François Dedieu. Merci papa ! 

mercredi 26 décembre 2018

UNE BELLE CUEILLETTE... / L'école publique...

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"... Plume sergent-major mon amie..." chante Serge Lama... L'école, la classe, le maître plus rarement la maîtresse côté garçons, le porte-plume mâchouillé d'un bout, prune de l'autre de cette encre violette laquée à la pointe de la plume, l'encrier de porcelaine blanche...

"... La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées
Sentait l'encre, le bois, la craie..." 

Odeur des pluies de mon enfance, René-Guy Cadou, 1965 (1)

Bien sûr qu'il comptent tellement, le maître et l'école, communale, républicaine, gratuite, laïque, obligatoire ! L'école procréatrice de destins offre aussi de belles cueillettes, pour marquer l'enfance, arrêter l'heure, le temps de dix petits textes, d'une publication témoignant aussi de l'époque... André (trois du même prénom), Jean-Pierre, Jacques, Renzo, Aimé, Claude, Christian, Roger... ils sont dix contributeurs. Ils ont entre 9ans 1/2 et 13 ans et derrière leurs petites rédactions travaillées mais si personnelles, il y a l'instituteur de l'école de garçons. Il ne dit pas son nom mais met seulement ses capacités, son sérieux, sa modeste mais précieuse exemplarité, sa modernité éducative. Le petit journal mensuel, la petite imprimerie scolaire, c'est la pédagogie Freinet. Nous sommes en 1951-1952. Nos jeunes garçons, pour ceux qui sont toujours là, seront bientôt octogénaires mais gageons que la fraîcheur des jeunes années leur déride et aiguillonne toujours l'existence. 



Souvent je feuillette ce numéro 1, 8ème année, rédigé et imprimé à l'école de garçons de Salles-d'Aude, l'unique entre mes mains, toujours à relire encore parce quelques éclats toujours renouvelés ne demandent qu'à enluminer les têtes.
Cette fois c'est le texte de PUECH Jacques, 10 ans, qui m'a accroché. Si mon esprit buissonnier est  parti entre Noël et Pâques, sous l'olivier chargé ou l'amandier fleuri, c'est le porte-plume aux lèvres, dans une classe sentant l'encre, le bois, la craie que je l'entends lire :

  

PS : entre nous, je préférais la plume "Gauloise", question de caractère...



(1) René-Guy Cadou (1920-1951) au destin poignant... "Je ne ferai que quelques pas sur cette terre", "Le temps qui m'est donné, que l'amour le prolonge." 

photos non autorisées :
2 & 3 serait-ce pour témoigner...
4. Et si c'est interdit, on dessine !