mercredi 1 avril 2015

LA BUVETTE DES ROSIERS (Pézenas) I / Fleury d'Aude en Languedoc


Il a habité un drôle de coin, au delà des faubourgs, eux-mêmes hors les remparts d‘un château ruiné. En fait, il n'a fait que passer, seulement une petite année, une année d‘école dont il ne lui restait que des bribes. Le cadre seulement, d‘une photo jaunie, rongée par des auréoles brunes, une lèpre traduisant bien son mal de vivre d‘alors, un mal être de pré-adolescent ne s'acceptant guère, plein de rancœur contre un monde continuant à tourner rond mais sans lui. Il lui fallut longtemps pour accepter ce passé glauque, ou plutôt réaliser qu‘un cap franchi dans sa vie d‘adulte lui faisait désormais revisiter son passé sous un angle aussi inédit qu‘apaisé. Des choses qui arrivent sans demander la permission, dévoilées au hasard d‘une circonstance fortuite, ici une lecture. Page 111, un passage plein de tendresse sur les buvettes, signé Jacques Lacarrière : „ Dans une buvette, on ne consomme jamais, on boit... /... (elle est) la chaumière des boissons fraîches, la chaumine où l‘on se désaltère...” (1). C'est le mot "buvette" qui le laisse pantois parce qu‘il est étonné d‘en revoir une, sous un jour nouveau, apaisé, sous une douce lumière fleurie. Réconcilié avec une part de lui-même, il découvre des lambeaux de temps ignorés qui se recollent autour de sa buvette. Jamais ce quartier des Rosiers ne lui était apparu aussi frais et singulier. 




La ville ne manque pourtant pas de charme et d'originalité. Les pierres renaissance gardent le souvenir de Molière, des lourdes perruques talquées de l'Hôtel d'Alfonce. Celui de Bobby Lapointe, aussi, avec un "Ta Cathy t'a quitté...", qui semble descendre du perron de cette grande demeure sur le cours. 



 Entre province et capitale, nous sommes à Pézenas, un gros bourg indépendant, assez loin de Béziers au Sud, de Montpellier au Nord-Est, célèbre au Moyen-Âge pour ses foires. C'est peut-être cette situation de carrefour, entre le rivage méditerranéen, ourlé d'une voie romaine et ce débouché de l'intérieur, depuis Clermont-Ferrand et Paris, par le Massif Central, qui en fit une capitale du Languedoc. Deux siècles durant, Pézenas rayonna de l‘intérieur et vers l‘extérieur. De la fusion avec la Provence, elle garde les vers à soie, les compétitions de tambourin sur un mail si vaste qu'il ne dépareillerait pas les fanfaronnades d'un Tartarin d'outre-Rhône. De l‘amont du fleuve impétueux, elle partage une tradition drapière et, plus anecdotiquement, ce jeu de longue qu'on n'ose pas nommer "lyonnaise" mais qu'il ne faut surtout pas confondre avec la pétanque. Et ce fronton de pelote basque ou de paume française, que faut-il en penser ? Pézenas, la collégiale St Jean, son gros clocher protecteur. Le cours Jean Jaurès et son marché du samedi qui remonte à Jacques Cœur sinon aux foires du Moyen-Âge. 



Le parc presque sauvage de "Sans souci" malgré son mur d'enceinte bien policé. La promenade du Pré et ses platanes, dominant la rivière. Pézenas, la coquetterie d'une ville à la campagne : les squares avec les ronds dans l'eau des poissons rouges, le fumet de quelque cuissot rôti par un disciple de Vatel dans les cuisines du Grand Hôtel. Et cette campagne où le plus grand vignoble au monde semble le céder, sur les coteaux crayeux, aux câpriers, à l'amandier des talus, et dans les alluvions de la Peyne et de l'Hérault, aux arbres fruitiers, au pêcher rose "noir et chenu" (2), à l'olivier, au mûrier de la Grange des Prés, et à l‘abricotier, le préféré des écoliers (3). Un petit bijou de ville serti dans son empan de plaine languedocienne, entre le promontoire de Castelnau-de-Guers sculpté par le fleuve, celui des sources chaudes et ferrugineuses de Saint-Siméon, à l‘opposé, et les coteaux de Chichéry vers Nizas et Caux, au nord-ouest.

Dans cette histoire à travers les âges, un petit paragraphe montrerait la gare avec des paysans venus des villages un jour de marché, hommes et femmes mêlés. Des blouses, des tabliers sous les chapeaux et bonnets, de lourdes corbeilles, des paniers ventrus. Le verbe haut, on trinque sec dans la "Buvette des Rosiers". Sous la tonnelle, une élégante et son ombrelle. Une nostalgie de guinguette qui vous fait voir autrement un tableau de Renoir. Étonné, il n'imaginait pas tous ces gens avant lui, ici, dans ce quartier singulier de maisons et jardins, une tranquillité que le train vint un jour bousculer, apportant sa modernité au grand marché du samedi.

Les lignes de la gare aujourd'hui désaffectée exposent l'architecture du chemin de fer triomphant, un temps où le rail conquérant n'imaginait pas que la route blanche de poussière l'emporterait un jour avec son moteur à explosion. Une époque où la plupart des localités s‘accrochaient au réseau, où chaque village s'était rapproché des autres en se facilitant l‘accès à la ville, grâce au petit train. La gare fut certainement la raison d'être de ce quartier. (A suivre).

(1) page 111, Chemin faisant, Jacques Lacarrière, Fayard 1977 & 1997.
(2) ” J‘ai vu fleurir le pêcher rose...” Au mois d‘avril Madeleine Ley.
(3) En juin et cela marquait la fin de l‘année scolaire. A la récréation, les enfants lançaient des noyaux d‘abricots sur des sujets à déquiller, avec, comme aux billes, des gagnants et surtout des perdants. 

photos autorisées 1. Pézenas vue générale en.wikipedia / 2 & 3. commons wikimedia /  4 & 5. Le marché F. Dedieu 1963.

vendredi 27 mars 2015

ABSTENEZ-VOUS DE CAUTIONNER LE SYSTÈME ! / France en Danger

Est-ce que les critiques, les réquisitoires contre nos gouvernants et l’appareil administratif s’avèrent contreproductifs, excessifs, injustes, presque diffamatoires ? Certainement pas même si cela fatigue de toujours devoir attaquer pour se défendre ! Seuls le rapport de force, la violence, sont susceptibles de porter ! L'homme reste un loup pour l'homme et l'avenir ne garantit en rien que cela doive changer ! Triste constat, pauvre pays !  

Alors, tant que notre démocratie, bien que grignotée, nous laisse cette possibilité pour les tarabuster, nous devons en user et surtout ne plus tomber dans le panneau du vote, devoir civique : il y a belle lurette que sa signification a été dévoyée et le dernier foutage de gueule à propos du vote blanc non comptabilisé avec les nuls atteste du mépris affiché par les ploutocrates pour un peuple qu’ils sont pourtant censés représenter... l’ABSTENTION qu’on accolait facilement aux mauvais citoyens exprime aussi, désormais, le refus des mensonges, des félonies, des coups bas (la présidentielle avant la législative, merci Jospin), des idéaux bafoués (travail, logement, etc.), de l’égoïsme accapareur (même des voix, d’où la croisade contre l’ABSTENTION), de la concussion de fait au profit de riches et puissants barbons, d’une morgue pour la jeunesse et l’avenir. L’ABSTENTION dit aussi que l’espoir ne peut animer le pays s’il ne se fonde pas sur des valeurs républicaines de respect, de solidarité et d'amour (1) ! Avec la montée du FN (et l’érosion des partis traîtres), seul le chiffre de l’ABSTENTION interpelle et s’impose à eux parce qu’il met à nu le peu de légitimité morale dont ils se prévalent pour mener le pays... serait-ce à sa perte ! Et quelle expression, sinon l’ABSTENTION peut affirmer que nous ne sommes pas des moutons ?  Assurément, les remords, la mauvaise conscience sont pour eux s’il leur reste une parcelle d’humanité ! A moins qu’ils ne réalisent que leur temps est compté ! Sinon, comment expliquer les efforts de transparence dans les budgets publics, les velléités de modération dans les dépenses de l’État, la reconnaissance, serait-ce du bout des lèvres, de l’indécence des privilèges ? 



Les députés ne peuvent plus être sourds et aveugles, les sénateurs ne veulent pas être en reste et même la justice semble moins muselée (2)... Il reste encore quelque chose du socialisme, reconnaissons-le même s’il est légitime de se demander s’il en serait ainsi sans les contestataires pour instiller le doute alors qu’une normalité pervertie reste confortée par les profiteurs, les affidés, les flagorneurs et les béni-oui-oui.  Les politiques auraient moins à répondre de leurs errements si toute la hiérarchie des fonctionnaires ne les assimilait pas aussi systématiquement à la République. Ces dernières années, le rappel systématique à l’obéissance due ne peut que révéler l’absence d’adhésion à une manière de servir. Dans une démocratie, lorsque tout le corps de fonctionnaires est tenu d’obéir comme un corps d’armée, c’est que cette démocratie est malade. Sous un régime républicain quand les lanceurs d’alertes sont dénigrés, laminés, c’est que le régime ne permet pas que ses pratiques dévoyées soient dénoncées. Dans une démocratie, lorsque le président (François Ier) cache une double vie et fait pression sur les journalistes pour que le secret ne soit pas divulgué à grande échelle, c’est que le régime permet des tendances autocratiques (3). Sous un régime républicain, si on passe outre le suffrage populaire pour légiférer dans un sens contraire (référendum sur l’Europe 2005), c’est que le pouvoir est devenu une fin en soi. Dans une démocratie, lorsque le président (François II) se comporte en parjure pour ce qui est des promesses de campagne, c’est que seuls le pouvoir et la fin justifient les moyens. Tout est donc lié et nous avons à faire à une bureaucratie déviante, État dans l’État, structurée plus par le carriérisme que l’intérêt général parce qu’elle est trop docile et complice, insensible aux dévoiements et interprétations.  L’esprit de la Vème République s’en retrouve détourné. L’État et son appareil se retrouvent asynchrones par rapport aux attentes citoyennes quand ce n’est pas en complète opposition (politique favorable à la finance, aux gros intérêts, traités commerciaux négociés en catimini...). Parmi les exemples à la portée d’un « sans dent(s) » lambda :  

* le contrôleur des impôts qui atteste au téléphone que des consignes claires leur sont données pour exempter certains ou ne pas les poursuivre !  

* nos amis de l’Éducation Nationale toujours zélés pour répercuter des réformes discutables quand ce ne sont pas des réformettes. Par eux, rien ne remonte, la volonté du prince s’imposant à sens unique, toujours vers le bas. Sans parler du statut du fonctionnaire, alors que le nombre moyen d’enfants par «instituteur» est de 21 élèves et que ce chiffre par prof se situe entre 15 et 16, cet effectif s’avérant presque de deux fois inférieur à la réalité, il est légitime de se demander où sont et que font ces planqués ? Est-ce une hantise pour certains de se trouver face à des enfants ? Les choses empirant, la cohabitation avec des élèves "rebelles au système" devient-elle toujours plus problématique ? Doit-on faire un parallèle avec la publicité à la télé de l’Éducation Nationale, obligée de racoler vainement de futurs enseignants, alors que le chômage atteint des sommets ?  

* le ministère de l’Agriculture qui n’a pas vu le nombre de ses fonctionnaires diminuer alors que les paysans ont disparu du paysage, que les agriculteurs sont toujours moins nombreux (200 fermes laitières ferment chaque semaine). Est-ce pour cette raison que le ministre est disponible pour assumer aussi la charge de porte-parole du gouvernement ?  En conclusion, pour aller plus loin que ces mouvements d’humeur sociétale, pour démultiplier l’initiative frondeuse encore mal assumée de certains élus, pour un élan du plus grand nombre, pour ne pas accepter de sacrifier nos jeunes, pour l’avenir du pays et de la planète, pour que la perspective vers demain matérialise une dynamique plutôt qu’un repoussoir, est-ce illégitime et inopportun de promouvoir l’ABSTENTION parallèlement à la sauvegarde d’un espace numérique d’expression libre et de révolte ?  

En conclusion, pour aller plus loin que ces mouvements d’humeur sociétale, pour démultiplier l’initiative frondeuse encore mal assumée de certains élus, pour un élan du plus grand nombre, pour ne pas accepter de sacrifier nos jeunes, pour l’avenir du pays et de la planète, pour que la perspective vers demain matérialise une dynamique plutôt qu’un repoussoir, est-ce illégitime et inopportun de promouvoir l’ABSTENTION parallèlement à la sauvegarde d’un espace numérique d’expression libre et de révolte ?

Morale de cette conclusion : VOTEZ POUR MOI ! je n’ai que du sang, de la sueur et des larmes à offrir mais de ces infects accapareurs de la finance dont certains, hier encore, réagissent ainsi au crash de l’A320 « les cours de Lufthansa et Airbus piquent du nez » (4) ! A vomir ! 

(1) Excusez la parenthèse mais quand je pense que le vice- rectorat de Mayotte, dans les nouvelles pages numériques (il était temps depuis la rentrée de 2014 !) dit mot pour mot que la réforme des rythmes doit être « FONDÉE PAR L’AUTORITÉ RECTORALE », on ne peut plus douter du « Qui aime bien châtie bien ! » sauf que les facilités de jadis ne cadrent plus avec les idées d’aujourd’hui et que même la fessée, serait-elle parentale, est pratiquement hors-la-loi.  
(2) en vrac, au hasard et non exhaustivement : Tapie mis en cause, Balkany déshabillé de son immunité parlementaire... Dommage le non-boycot par les MERDIAS de repris de justice ou de profiteurs amoraux comme Désir, Cambadélis, Woerth, Guéant, Guérini, Dray...  
(3) les écoutes de l’Élysée ont confirmé.  
(4) deux sites dont celui cité à l’humour indécent... j’aurais dû noter : ce matin mercredi 25 mars 2015, ils n’apparaissent plus pour la recherche « crash A 320 » ou « Airbus ». Il m’a semblé voir Boursorama et Les Échos. Quant au Figaro le titre « Crash A 320 : un nouveau coup dur pour l’avion d’Airbus » prouve bien que la finance ne fait pas dans le sentiment !