dimanche 8 juin 2014

Fleury en Languedoc / TU T'EN VAS DÉJÀ ? (retour sur Achille Mir)

"Tu t'en vas déjà ? Reste plutôt, allons voir Achille, que la dernière fois, nous sommes passés en coup de vent !"


 Emportés par les bisbilles liées aux curés de Ginestas, Cucugnan ou Cucuron, Melotte et Sorgeat avec l’illustration de Fernandel en Don Camillo, nous sommes passés un peu vite sur la rencontre avec Achille Mir (1822 - 1901), félibre d’Escales, de Carcassonne et de l’Aude.
    Les circonstances ont réservé un destin particulièrement remarquable à l'enfant audois, né à Escales le 30 novembre 1822 dans une famille de petits propriétaires. Si sa mère ne s’en était mêlée, tout semblait écrit, en effet, pour que, ancré à la terre des aïeux, son horizon se limitât aux abords immédiats du village natal. Sans préjuger, en bien ou en mal, de l’épanouissement personnel dans un cadre familier, reconnaissons aussi, en parlant de sociabilité, que de se risquer à l’extérieur, de se frotter aux autres, n’est pas sans effet.
    Boursier à l’École Normale de Carcassonne, Achille en sort pour enseigner à Aigues-Vives puis Capendu. Remarqué par sa hiérarchie, l’instituteur est vite nommé directeur de l’école annexe où il va mettre au point une méthode d’écriture à la main qui remontera jusqu’au ministère. Après un passage par le petit séminaire (jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’Instruction Publique et la religion restent imbriquées), Mir qui écrit des fables en français puis en languedocien, déjà lauréat de prix littéraires divers (à Béziers, à Montpellier), démissionne de l’enseignement pour devenir directeur de la manufacture de la Trivalle (1).
    Conciliant son activité professionnelle et l'écriture, il nous a laissé , Lo lutrin de Ladern « boffonada en tres estapetas » (bouffonnade en trois petites étapes), La Cansou de la Lauseto (avec l’avant-propos de Frédéric Mistral), Lou sermou dal curat de Cucugna (vers 1875). 
    Dans un recueil réédité de ces œuvres (1907/ imprimerie G. Servière & F. Patau à Carcassonne) (disponible sur http://www.occitanica.eu/omeka/items/show/559), et pour revenir au village d’Escales d’où tout est parti, les premiers vers de l’homme d’esprit souvent gai et espiègle qui prétendait « S'ai pas de bi me fau trapisto, sans bi podi pas pus tchiarra » (2).


    « Escalos, moun païs, amé sa bièlho tourre
    Que menaço lou cèl de soun grisastre mourre...
    (Escales, mon pays, avec sa vieille tour
    qui menace le ciel de sa hure grisâtre...)

    ... Escalos, dount la fount as embirouns fa’mbejo :
    L’aigo fumo l’iber e l’estiu sang-glacejo
    Escalos e soun pech ount lou foc de Sant-Jan
    Brando al lèng que diriots la gulo d’un boulcan !
    Escalos, mièch quilhat sus rocs, mièch sèit en plano,
    Floucat d’un castèlas que gat et gous proufano !...»
    (Escales, dont la fontaine fait envie aux voisins :
    L’eau fume l’hiver et glace le sang, l’été
    Escales et son mont où le feu de la saint-Jean
    Rougeoie si loin qu’on dirait la gueule d’un volcan !
    Escales, mi-quillée sur les rocs et à moitié en plaine,
    Floquée d’un grand château que chiens et chats profanent !) 

    Le second poème, d’une grande actualité, pleure le vieux mûrier de la place, mis à bas par une hache implacable.


  
  « Pouriò biure cent ans e mai,
    Que debrembarèi pas jamai
    Lou bièl amouriè dal bilatge :
    Soun paro-soulel sans parèl
    Es espandit dabant moun èl
    Coumo dal tems qu’éri mainatge... »

    (Je pourrais vivre cent ans et plus
    Que je me souviendrais toujours
    Du vieux mûrier du village :
    Son pare-soleil sans pareil
    Est étalé devant mon oeil
    Comme du temps que j’étais enfant...) 



(1) ancienne manufacture royale de drap dans le quartier de la Trivalle, du nom de la rue qui le traverse (ancienne voie romaine) et aboutit au Pont Vieux. (Ne pas confondre avec Mons-la-Trivalle au confluent des trois vallées de l’Orb, du Jaur et de l’Héric).   
(2) Si je n’ai pas de vin, je me fais trappiste, sans vin je ne peux plus causer. 

photos autorisées Wikipédia et Wikimédia 1. Vieille tour d'Escales 2. mûrier. 3. morus nigra

(A SUIVRE...)

mercredi 4 juin 2014

Mayotte en Danger / LE « COUX » EXCESSIF DE LA REFORME DES RYTHMES A MAYOTTE

Un vice-recteur s’en va en laissant l’île dans l’indifférence et le découragement. Si les deux années passées sont finalement marquées par des intentions volontaristes, en particulier dans le domaine de la construction scolaire, on doit néanmoins regretter l’autoritarisme qui perdure de la part d’un État trop centralisé pour autoriser des adaptations locales de bon sens : le monolithisme d’une réforme des rythmes scolaires imposée à la hussarde en atteste.
Rien de nouveau sous le soleil de Mayotte qui , si elle ne croit pas plus que la métropole au Père Noël, en a assez de la prétention et du mépris affiché par ces pères fouettards que Paris nous envoie.  




Que François Coux, vice-recteur de Mayotte, a été moins lyrique que son prédécesseur Perrin, à propos de l’utérus des Mahoraises et de l’accent des îliens, c'est sûr... la barre était trop haute. Mais pas au point que la presse et les médias locaux en soient à lui tresser des colliers d’adieu ! Voilà que nos journalistes retombent dans l’absence de sens critique et leur fâcheuse manie de passer la brosse aux autorités, ce qui est d’autant plus gênant que les wazungus (métropolitains) sont surreprésentés dans la profession. L’un de ces médias, toutefois, KwéziFM et télé, s’est particulièrement distingué, dans un passé proche, et dans des affaires plus que délicates puisque mettant directement en cause la gendarmerie impliquée dans un trafic de stupéfiants et la mort d’une jeune fille de 18 ans. Il était pourtant plus courageux d’attaquer les gendarmes que de critiquer le dogmatisme de l’Éducation Nationale, qui plus est, s’agissant de la lamentable réforme des rythmes scolaires.     




            Si la critique foncière de la gestion jacobine sinon « colonialiste » (et c’est à peine caricatural de le dire ainsi) suivie de l’obéissance servile démontrée par les hauts fonctionnaires relève d’une opinion, ce n’est pas pour autant que les médias doivent se limiter à un rôle de courroie de transmission. La population, ultramarine ou non, n’a plus à gober une propagande d’État insincère dont la finalité consiste seulement à faire admettre ou oublier les boniments initiaux, la traîtrise et les parjures de gouvernance ordinaire qui en découlent... Mettra-t-on un jour au rebut ces pratiques politiques dépassées ?  



            Dans cette logique, comme tous les « grands commis » et autres « serviteurs » zélés de l’État, le vice-recteur, pourtant issu du corps des chefs d’établissements de Mayotte, ne sert qu’à faire redescendre autoritairement les décisions de Paris. Comme tous, il ne fera pas remonter les attentes propres au territoire et ses interventions sont banalement émaillées de mensonges éhontés.

            Son dernier bobard concerne son départ de Mayotte nié pourtant catégoriquement quelques jours à peine avant que la mutation ne soit confirmée. L’avant-dernière dissimulation concernait le nombre de communes qui embrayent sur la réforme des rythmes (mauvaise sur bien des points / voir les articles antérieurs)... Se gardant bien d’en donner les noms au prétexte qu’il n’avait pas à distribuer des mauvais ou bons points, monsieur Coux a en effet prétendu que huit communes se lançaient en 2014 et qu'il suffisait d'ouvrir le site du vice-rectorat pour savoir... Un mensonge supplémentaire puisque rien n’est dit sur le chiffre allégué. Or le grand succès à Mayotte de ce chambardement au sujet duquel on se garde bien de faire connaître les aménagements apportés par le nouveau ministre Hamon (2) tient au chiffre 2 parce que les municipalités ne seraient que 2 (dont Chirongui) à adopter la réforme alors que les 2 communes du Nord déjà engagées font plutôt grise mine.

            Le mois de juin verra peut-être le dernier coup de Coux pour tordre le cou à ces enseignants qui partent avant la date des vacances et reviennent après la rentrée... si ce n’est pas le vice-rectorat qui délivre des billets (à coût exorbitant) en dehors de la période de congé. Dans tous les cas, l’éleccicon (3) qui y gagnerait beaucoup ne jalousera pas la promotion que courent les courtisans sans courage de notre démocratie dévoyée !

            Bon vent, monsieur Coux.   



(1)    Rappelons que la remise en question des décisions arbitraires et impératives de la hiérarchie relève, chez les fonctionnaires, d’une faute professionnelle. Remarquons aussi comment la pyramide centralisatrice phagocyte ses aspirants provinciaux qui, à l’image des janissaires du pacha, en deviennent les plus virulents défenseurs... Ne dit-on pas que les enfants battus deviennent des parents qui battent ?

(2)    La possibilité notamment d’une semaine scolaire de huit demi-journées avec regroupement du périscolaire sur une seule après-midi... les parents pourront donc partir en week-end le vendredi dès 11 h 30... Alors que Peillon voulait "que les enfants aient des journées moins longues et moins fatigantes", ce qui est sûr est que le temps d’enseignement peut encore diminuer d’une heure pour passer à 23 ! Ne nous étonnons pas, dans ces conditions, d’une baisse du niveau toujours plus marquée !  

(3)    Eleccicon = électeur + citoyen + contribuable.