À SAUGUES ?
Et
pourquoi Saugues d’ailleurs ? À cause d’Olivier, le double
de Robert, Robert Sabatier auteur des « Allumettes suédoises », «
Trois sucettes à la menthe » et de ce troisième volet « Les
Noisettes sauvages ». Sabatier
raconte Olivier né à Paris mais qui aurait dû naître au
cœur du Gévaudan. Visiblement, il a condensé sur un séjour toutes
les vacances passées auprès des grands-parents paternels, ce qui
lui vaut quelques contorsions ; il faut toute la poésie, tout
le talent narratif de l’auteur pour nous distraire de certaines
interrogations existentielles : il va
repartir à Paris qu’il aurait quitté
près d’un an auparavant ? La rentrée ? L’école ?
Pas le moindre mot dans l’ouvrage.
Attention, ce questionnement terre-à-terre
n’enlève rien au sentiment pour l’écrivain et son livre…
Incompatible
avec l’étroitesse d’esprit, la mesquinerie, l’amour
n’oblige-t-il pas à la tolérance ? L’amour ne se
définit-il pas avec l’acceptation en bloc de l’autre ?
«
Le cœur a ses raisons que la raison ne
connaît point » Pensées, 1670, Blaise
Pascal.
 |
Françoise_Foliot_-_Salon_du_Livre Robert_Sabatier 1996 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. |
En
toute subjectivité, Robert Sabatier
(1923-2012), de la génération de mon père (1922-2017) avec
qui ce plaisir de lecture fut partagé ; aussi la réciprocité
affectueuse d’un cousin lointain opéré d’un cancer, suite à ce
livre en cadeau ; réminiscences
familiales d’aïeux ruraux descendus d’Ariège vers 1870.
Relevant
d’un point de vue tout aussi partisan, la référence constante à
notre langue occitane riche de variantes ne pouvant qu’en relever
l’intérêt, rabaissée en tant que “ patois ”, en butte au
communautarisme colonisateur parisofrancilien. Sabatier, résistant
occitaniste, rebelle, assimilé mais non
phagocyté par le despotisme centripète…
Alors,
quelle importance si ce sacrifice du cochon ne précède les adieux
automnaux au Gévaudan que d’un astérisque, quelques pages
seulement, un classique d’égorgement, de
ripaille à s’en faire péter la panse, de chaleur conviviale avec
une ribambelle d’enfants et la cousine,
mais un pépé ouvert au doute « Voir tuer
le cochon, ce n’est pas plaisant pour tous… », un Olivier
stupide de se retrouver la queue en main, le mot « sanguette » plus
jamais vu et entendu depuis la « sanquette » de mamé Ernestine,
plutôt de sang de volaille, la cervelle de
la tête fendue en deux réservée aux petits...
 |
Saugues_vue vers le N-O 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Chatsam |
Saugues,
ses confins en marge de la Lozère, ont fait l’objet d’un
chapitre de « La France Paysanne »
sous la plume de Claude
Villers (1944-2023). En partant du mot
actuel « goret », on apprend que chez les
Gaulois, « gor » désignait
le sanglier, qu’en ancien français «
gore » était la truie, que deux cochons hors de toute autre viande,
suffisaient à une année pour quatre personnes, que la tuée avait
lieu entre le 11 novembre et fin mars en toute extrémité.
Autres
détails et variantes :
*
la veille, de façon à ne pas encombrer sa tripaille, le cochon ne
recevait qu’un bouillon clair.
*
le tueur dit aussi « saigneur » tournait chez les gens à raison de
trois ou quatre bêtes par semaine, soit 33 porcs, pratiquement un
par maison (plus que trois en tout en 1997).
*
les soies du corps brûlées par un lit de paille, celles moins
accessibles de la tête, la gorge, les pieds, à l’aide de paillons
mieux adaptés.
*
la carcasse sur le dos, la découpe suit un
même enchaînement tête, pieds, jambonneaux, jambons, poumons,
cœur, foie, rate, intestins (auparavant sur le ventre, après la
tête, la colonne vertébrale était dégagée jusqu’à la queue
pour des tronçons entourés de viande à saler).
Cela
se passait en 1997, au
hameau de Malevieille, à près de 900
mètres d’altitude, commune de
Saint-Vénérand, Accessoirement, l’auteur
rapporte que les sabots de Saugues, les «
morius », renforcés et ferrés parce
qu’en pin, un bois fragile, ont inspiré une
bourrée connue de toute l’Occitanie, «
Los esclops ». Saugues ne compte plus que
1660 habitants, quatre centaines de moins que lors du reportage de
Claude Villers, la moitié seulement de ce que connut Olivier de
Robert Sabatier.