dimanche 6 avril 2025

BALADE à AUDE, vandales et infects (2)

 Laissons le cabanon abandonné, livré à quelque chemineau des temps modernes, de ces asociaux ou pas gâtés par la vie jusqu'à ces marginaux qui ont pu s'y abriter mais qui laissent des traces trop visibles de leur passage, de leur squat. Si n'étaient que les cendres d'un feu pour se réchauffer, pour cuire, souvent c'est souillé par des ordures, des inscriptions donnant plus l'idée d'une rancœur contre la société, d'une intolérance agressive plutôt que d'une empathie solidaire ; pour preuve, alors qu'on voudrait voir si un râtelier, une mangeoire, parlent des chevaux compagnons de travail, tant la souillure racle la gorge, le mouchoir sur la bouche, on craint même de passer le seuil d'un tel havre déserté... En outre, à propos d'autres, catégorie de ces nouveaux occupants, propriétaires, héritiers ou illégaux, leurs chiens, garderaient-ils des cambrioleurs, restent souvent libres de s'attaquer aux promeneurs, manière d'interdire le passage légal devant ces métairies. Aujourd'hui dans le rejet d'autrui, ces mas, ces granges d'une vie d'avant, restaient alors interdépendants du village, de toute une communauté connexe. 

L'Horte d'Andréa sous un angle du souvenir...  

L'Horte d'Andréa, justement, aujourd'hui fermée au regard par force tôles et panneaux de bois dépareillés, jadis avenante avec sa treille des beaux jours. Andréa venait régulièrement vendre sa production potagère au fond d'une maison donnant sur l'ancienne place du marché à Fleury (1). 

Au-dessus du portillon, en attendant les pétales blancs, l'habit vert du rosier rustique... et pour cause de soleil aveuglant quand l'âge infléchit la vision, mon empreinte digitale heureusement, seulement sur la photo...  

En revenant vers Notre-Dame-de-Liesse, pour ne pas dire vers l'autoroute qu'il faut longer, la grange encore mentionnée sur la carte IGN Béziers 7-8 (2) n'est plus. En reste le jardinet à l'étroit sur la rive, du temps de Cadène, et son rosier grimpant promettant des fleurs blanches, mais son terrain cultivé avec au moins un cerisier puis des melons d'été n'existe plus que dans le flou des mémoires. 


Avec José, mon pauvre ami parti le 26 février 2024, nous occupions régulièrement un coin de pêche au muge, bien caché sous des guigniers encore généreux en arrière-saison. Là encore, la rivière me laisse le choix ou non d'en garder le souvenir. Plus pitoyable, ce qui demeure du coin affouillé par les eaux mué en dépotoir... aux vandales de passage se joint l'inconscient ordurier ordinaire... 

Toujours sur ce retour, il me semble croiser Néné, ancien voisin de l'avenue de Salles, qui, avec les jeunes de sa suite, vient voir où en est l'immersion (3) destinée à contrer les remontées de sel dans les vignes de la plaine. (à suivre)  

Maison de l'ancienne place du marché à Fleury. Photo : Josette Saborit-Dolques.

(1) de ces maisons détruites pour mettre l'église en valeur et faire une grande place ouverte agrémentée de poires d'or (symbole du village Pérignan) sur des jeux d'eau certes raisonnables mais à sec depuis que les sécheresses affectent notre bordure méditerranéenne. Je dois à Josette les précisions sur Andréa et cette maison de village où son arrière-grand-père fut jardinier ; elle continue de cultiver et de partager ses précieuses connaissances sur la vie passée du village, présente aussi puisque ceux de son âge (classe 47) auront le plaisir de retrouvailles annuelles autour d'un repas bien partagé. 

Josette fut invitée un jour à entrer dans la demeure d'Andréa, bien arrangée. Mon ami Jean-Pierre, grand marcheur alors, m'a eu dit avoir parlé avec la femme du lieu (ce devait être Juliette, une des filles). 

Désolation, bien des années plus tard, à la vue de l'intérieur saccagé, des photos à terre et souillées, œuvre d'êtres infects ne respectant rien (témoignage de Josette).

(2) de 1972, correspondant alors à ce que nous appelions “ carte d'état-major ”. 

(3) Avant que le fleuve travailleur n'apporte petit à petit à son delta, ici était la mer autour de l'île de la Clape. 

samedi 5 avril 2025

BALADE à AUDE, fin mars...

 Ciel bleu. L'enveloppe a beau paraître belle, sans oiseaux elle n'est plus qu'un vide, une vacuité donnant le vertige ; la rareté des oiseaux dévoile leur triste situation de survivants en sursis. Et si c'était moins pathétique au bord de la rivière, là où une présence humaine, en apparence plus légère, donnerait moins ce ressenti de nature violentée ? 

Maribole : tout comme les endroits naturels ou cultivés, chaque portion de la rive porte un nom. Un nom qui presque toujours fait le lien avec un passé plus ou moins lointain.  

Le souci des oiseaux ne se retrouve plus en première ligne tant les signes de renouveau impulsent une exaltation vitale « Les filles sont jolies dès que le printemps revient... », plus encore à l'âge de premières amours si en harmonie avec la pulsion d'une nature renaissante « Là bas dans la prairie j'attends toujours mais en vain... ». Partir avec les oiseaux du ciel, enchanté par ces vols vifs de passereaux qui s'envolent sans laisser approcher, c'est à nous qu'il faut en vouloir... et il suffit d'un parterre fleuri pour faire chanter le printemps par Hugues Aufray :

Hugues Aufray - Dès que le printemps revient - YouTube

Elle est de 1964 cette chanson... je n'ai pas 14 ans mais déjà la nostalgie de ce que peut-être ils appellent “ nos actes  manqués ”... Allons, allons, même ce vélo ne peut évoquer une sortie avec Paulette puisque contrairement à Yves Montand et ses camarades, nous ne descendions à Aude, à bicyclette, qu'entre garçons, que pour une partie de pêche...  

Un cabanon comme tant d'autres, pour plus de commodités, outils, pause-repas, abri contre la pluie,  lorsque les vignes sont plus éloignées du village. 

Maribole, difficile d'imaginer nos lavandières... À Coursan, il reste au moins une sinon des cartes postales... 

Ici ce qu'on voit diffère de ce qu'on regarde quand on peut se plonger dans un passé, les fleurs d'abord, pas si banales suite à des sécheresses prolongées. Ensuite, à voir la rivière, c'est plus difficile quand on sait qu'ici venaient les lavandières. Par leur travail incessant, les eaux modèlent les rives comme si elles voulaient se défendre de l'emprise des hommes, comme si elles tenaient à effacer les traces, à gommer un passé des mémoires. Maribole, les femmes y descendaient pour la bugada (même papa a employé la graphie normalisée), la buée (1) , la lessive ; ce détail si lapidaire se suffirait-il ? Ces bugadieras particulières avaient normalement procédé à la cendre, au lessiu, à la maison, quelques fois l'an. Professionnelles, à laver pour les gens, descendaient-elles à la rivière régulièrement ? N'était-ce que pour des “ petites ” lessives, façon de parler, au savon ? Sinon par besoin de beaucoup d'eau, pour rincer ? (à suivre)

(1) du gallo romain “ bucata ”. Pour “ buée ”, le Larousse du XXème siècle (1928) dit que la signification “ lessive ” a précédé celle de vapeur.