dimanche 20 mars 2022

ESPAGNOLS, ITALIENS, GITANS, migrants divers au village pour parler du GREC plutôt "RUSSE"...

La guerre entre frères, la mort en Europe... On en reste muets de consternation et pourtant il y a tant à dire sur le crime de Poutine, tant de fils historiques à remonter... Pas question ici, de refaire l'Histoire face à l'autodestruction, sous notre même toit, de deux membres, quand toute la famille pourrait y passer, qu'elle s'en mêle ou non... Quand j'étais gamin, au cinéma du village, le père Barthe nous avait commenté son film sur les Papous : ils chassaient les têtes puis se mangeaient entre eux, de village à village, de vengeance en vengeance... Qui serait évolué ? Qui est arriéré si la quête de lumière aboutit à l'aveuglement atomique ? L'Humanité reste aussi fascinée qu'éblouie par un feu d'artifice, sauf que le bouquet final sera le dernier... 


Je préfère ces étincelles que dans nos yeux allument ces différences entre semblables. Qu'est-ce que j'ai pu voyager dans ma tête grâce aux vendangeurs espagnols, porteurs d'un souffle plus fort que celui d'un écrivain, d'un cinéaste plus lointain, moins accessible à l'enfant, à l'adolescent. Au village, il y avait aussi les Italiens (le 21 mars, à 20h 55, Arte programme La Strada... je réserve ma soirée), les Gitans qu'on appelait "Caraques". Pour cause de mariage, dans la rue de mes grands-parents, la Polonaise, pas loin une Algérienne, je crois, dans la dernière maison avant les vignes du coteau, les Allemands aussi, restés après la guerre... et je ne sais pas s'ils n'ont pas dit de ma mère, "la Tchèque" ou "l'étrangère"... 

Si les lectures apportent encore à cette polychromie enrichissante, il en est une, singulière, qui me ramène non loin de la maison paternelle. D'ailleurs je la dois à mon père dans une monographie en deux volumes pour laquelle, concernant sa partie, je lui ai forcé la main. A propos de Fleury-d'Aude, notre village natal, entre les chapitres "L'hiver" et "Premiers sourires du printemps", n'y cherchons pas une quelconque logique, se trouvent insérées une quinzaine de pages bien tassées (c'est une autoédition). Le titre : "Un Russe à Pérignan" (1). Parlons-en justement de ce Russe à Pérignan.  



Papa n'avait pas pour habitude de se mettre en avant. Si je me doute que c'est par amour des langues, pour le plaisir d'échanger, de faire vivre l'humanisme qui rapproche les grandes familles de langues en Europe , ce qui lui importait beaucoup (il en parlait sept) , rien n'a percé des visites qu'il a dû rendre auprès de ce Russe au village, des notes, du récit qu'il en fit. Laissons-lui la parole.   

" Un "Russe" à Pérignan. 

19 juin 1974 : 

Une soirée qui annonce l’été tout proche. Dans la rue baptisée « Rampe de la Terrasse », les gens prennent le frais, assis au dehors. Les uns ont sorti leur chaise, qu’ils enfourchent souvent à califourchon pour mieux reposer sur le dossier leurs bras fatigués d’une journée de labeur. D’autres se sont mis sur les bancs de ciment prévus à cet effet.

Monsieur Pantazi est là aussi ce soir. Sans s’en douter, il vit les dernières heures d’une vie bien remplie. A minuit, la crise cardiaque va le réveiller, puis le terrasser. Il aura le temps d’aller à la cuisine, de frapper en passant à la porte de la femme dont il partage la maison depuis tant d’années, et, tandis que la vieille dame lui fait une tisane qu’il ne boira jamais, que la bave de l’agonie lui monte déjà aux lèvres, qu’il montre du doigt, sur une demande, la place du cœur, il revoit dans un vertige les vignes de sa Bessarabie natale, les visages aimés et depuis si longtemps disparus ; un nom chante à ses oreilles : Touzora. Et tout est fini… " François Dedieu. 

(1) le nom d'origine du village, historiquement repris et supprimé, au moins à deux reprises. 

Fleury-d'Aude. Rampe de la Terrasse. 


jeudi 17 mars 2022

NOSTALGIE dans le BOIS ! Balade et ballade (4e épisode)

OUI à la chanson des blés d'or, NON au fracas barbare des bombes !

Lu à l'âge où il laisse sa griffe, le roman d'Alain-Fournier nourrit à jamais quelques réminiscences qui veulent bien, à l'occasion d'une circonstance, réveiller une nuance de la palette de sensations alors ressenties. A l'époque où le parvis de l'église accueillait la fête de Salles, devant, la joie des villageois endimanchés, derrière le mur, le calme des grands arbres, en moi mes premiers émois, la hantise du lycée-prison, tout me rapprochait d'Augustin Meaulnes. 

Quoique fugace, assagie après la tempête, cette perception revient, de si loin depuis l'adolescence. Etrange. Comme ces mystères qui demeurent malgré une exploration menée à bien puisque, ici, le parc est devenu public et que le bois contigu semble appartenir à la commune. Alors reviennent aussi les vers de Verlaine :

"Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé..." 

Deux formes parcourent une allée... Compagnie de deux amis ? Approche galante ? Rapprochement de deux amants ? Imaginaire, fantasmagorie se promènent aussi dans nos têtes...

Une promenade nimbée de brume, comme, plus prosaïquement, lors du récent déluge, sous une chape épaisse de nuages noirs et un rideau de pluie à verse, alors que nos pas, sur un petit pont, nous avaient menés au passage du ruisseau des Fontanelles. 



Un petit ruisseau qui ne vient pas de loin, à peine des hauteurs du moulin du phare (1) ; le sens unique vers Fleury, le village voisin, là où passait le petit train, en remonte le cours jusqu'aux bains-douches. Son lit est cimenté pour évacuer du mieux possible les quantités phénoménales d'eau lors d'un orage, sinon d'un aigat, un épisode aussi cévenol que méditerranéen. C'est arrivé ce dernier week-end, il est tombé presque 200 millimètres d'eau (158 en plaine à Narbonne, 180 vers Villedaigne et dans le Minervois à Siran), l'équivalent de la moyenne sur trois mois ! 

Du passé ancien au présent proche, revenons au passé récent, en septembre, quand les photos ont été prises. 



Impressions magnifiques à la vue de ces grands platanes, un marronnier (2), un figuier aussi (mais lui s'en sait mal de cette promiscuité !) dans un étonnant cadre de verdure qui doit donner, si on poursuit vers la sortie du village en direction de Nissan, sur un grand parking ombragé (surtout gardez les arbres !)... Oh ! deux chiens à mon encontre, le muscle ferme, le fouet vif ! Je vois, c'est un coin à promenade, à crottes quoi !  Et ce cagnot qui saute pour des caresses et me salit le pantalon ! Et son maître qui trouve que c'est normal, sourire en coin ! Et moi qui ne dis rien, macarel ! Finies pourtant, les rêveries émollientes ! Trop tard, toute cette poésie m'a endormi, sur le coup je n'ai pas réagi... Chicanes et querelles ne grandissent personne... tant mieux pour la poésie ! 

(1) Quel est le nom de ce moulin ? Sabarthès en mentionne au moins quatre avant 1800 :
Combe d’Alprat moulin à vent Salles 1781
Taysseferrals moulin vent Salles 1781
La Lauze moulin à vent Salles 1781
Le Moulin à vent, écart, Salles : la Moulinasse moulin ruiné Salles. 
Nos amis sallois sauront nous le dire. 

(2) les ormes ont disparu, les marronniers disparaissent, le fric fait planter des champs de résineux qui poussent vite... nos chênes centenaires partent en Chine parce que notre industrie ne travaille que pour le pin et l'épicéa, d'un rapport plus rapide. Pourquoi le souci du climat ne pousse-t-il pas l'appareil d'Etat à imposer la plantation de plus de feuillus, plus efficaces de 40 % pour l'atmosphère ? Ne cherchez pas, la réponse est dans ce petit paragraphe...