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vendredi 6 mai 2022

Un "Russe" à Pérignan (11) vers Djibouti puis Haiphong...

La guerre matérialisée par Poutine alors que le malaise couve depuis la fin de l'URSS avec des remontées acides au moins jusqu'à Hitler, nous a amenés au souvenir de Porfiri Pantazi, Bessarabien-Moldave-Russe et en fin de compte Pérignanais, donc de Fleury (d'Aude pour ceux qui sont de plus loin, les "estrangers" comme le précisait sans racisme ni animosité, l'appariteur des lotos nommant les numéros pas seulement en languedocien mais aussi en français). Parce que le prétexte semble plutôt ténu, la proximité du pays d'origine avec l'Ukraine aujourd'hui attaquée, l'idée de vite en venir aux extraits concernant notre localité s'est présentée... Ce n'est pas humainement viable. 
Un enfermement nombriliste ne peut que mener à l'impasse, à la sclérose. Notre village d'un bout du monde n'est qu'un bout de ce monde à la fois vaste et réduit, étriqué même, à l'aune du peu de crédit que l'humain inspire puisqu'il est le seul être vivant capable de détruire son milieu... 
"Il faut croire en l'homme": belle parole sans fondement, propagande, tromperie... Sartre s'est planté dans son immodestie de guide des pensées, l'Homme aurait la possibilité de faire les bons choix sauf qu'il est foncièrement mauvais et que c'est toujours dans ce sens qu'il va. L'Homme reste dans le déni, il invente et invoque la morale pour refuser de se voir tel qu'il est : haineux, sans amour...  
Et puis, ce n'est pas parce que c'est mon père, mais je trouve que c'est joliment écrit, qu'il rend bien l'entretien avec l'ancien légionnaire. Alors je ne coupe pas, ici la suite de la chronique sur Porfiri Pantazi. Vous laissant à vos réflexions et prolongements, maître de mes pensées mais pas plus, bien amicalement au regard de vos présences positives, Jean-François... 

UN "RUSSE" à Pérignan (volet 11)
 

"... Quel beau temps, quand même ! Et, ma foi, c’est pourtant la belle vie : manger, boire, dormir, pas de manœuvres, peu de corvées, du simple nettoyage. C’est comme un marin ? Tu sais ce qu’il fait, un marin ? Non, jamais tu ne le devineras. Car il faut bien deviner. Tu te dis : marin, homme de mer, qui fait marcher le bateau. Ah ! non, attention, tu as les timoniers, qui s’occupent du service de la barre, des signaux, et puis les mécaniciens de la chambre des machines. Mais les autres, les « sans grade », les simples marins, quoi, les petits matelots de rien du tout ? Ceux-là passent leur vie à … tenir le pinceau, à peindre. Oui, à peindre. Inattendu, non ? Marin égale peintre, sauf quand il astique les cuivres. Mais tu le vois le plus souvent avec son pinceau et son pot de peinture blanche. Et quand on a fini à un bout de l’énorme bateau, il va falloir bientôt recommencer à l’autre.

Le navire a repris tout doucement sa route et entreprend la traversée de l’isthme de Suez. Dire qu’à tribord c’est l’Afrique et qu’à bâbord c’est presque l’Asie. Non, il y a le Sinaï encore, alors que lorsqu’on était parti d’Odessa, en 19, on avait vu Istanboul, ou Stamboul, ou Constantinople, comme tu voudras. Chez nous, on a toujours plusieurs noms pour chaque ville. En face, sur la gauche, en traversant le Bosphore, puis la mer de Marmara, enfin les Dardanelles, on longeait la côte de l’Asie.

Si on ne me l’avait pas dit, je ne l’aurais jamais su : c’est une côte comme une autre, plus jolie que celle-ci quand même.

Regarde ces remous provoqués par le bateau, et les petites barques, comme elles dansent. Il semble qu’on s’arrête. Dans les barques, des hommes crient, levant à bout de bras leurs jeunes enfants. « Lancez une piécette de monnaie, et le petit ira vous la ramasser dans l’eau avant qu’elle soit au fond. » Et quelques militaires l’ont fait. La pièce tombe, le garçon plonge… et la remonte. Il l’a bien gagnée. Encore des familles qui ne doivent pas rouler sur l’or. Tu vois bien qu’ils sont nombreux, partout, les pauvres …

 Enfin nous repartons. On n’en finit plus avec ce canal. Ah ! maintenant, c’est SUEZ. Le sous-off a dit que le canal avait cent soixante-huit kilomètres de longueur, et que Suez comptait presque cent mille habitants. Mettons cinquante mille, il exagère toujours, le sous-off. Port-Saïd, d’accord, c’était plus grand, ça devait être cent mille. Ici, c’est comme Sidi-Bel-Abbès. De toute façon, Oran et Kichinev c’était beaucoup plus important. Là, oui, chaque ville abritait cent cinquante mille personnes. Les maisons sont blanches, comme à Oran, avec des terrasses. Et la mer Rouge commence. Pourquoi « Rouge » ? Je te le demande. Il doit bien y avoir une explication, mais personne ne te la donne. 

Djibouti vers 1924 wikimedia commons carte postale collection personnelle Auteur anonyme Editeur Au Bon Marché Djibouti

Dès qu’on n’est plus sur le pont, la chaleur reprend le dessus. Vivement le débarquement ! Enfin DJIBOUTI et la Côte Française des Somalis. On a le droit d’aller à terre, de faire un tour en ville. Quel plaisir de fouler à nouveau le sol, malgré la chaleur, malgré le climat tropical. Déjà quinze jours que nous naviguons, et nous n’avons pas parcouru la moitié du chemin. Il faut bien compter trente-cinq, quarante jours, va… 

Pirogue à balancier des pêcheurs de Colombo vers 1890-1910 Wikimedia commons Author Rijksmuseum


 Puis ce sera l’océan Indien et Colombo, capitale de l’île de Ceylan. Tiens, le « thé de Ceylan » que tu achetais, les jours de fête, chez Aaron de Kalarach, il devait venir d’ici, pardi ! Voilà pourquoi sans doute il était si cher !! Qu’importe : avec une rondelle de citron – non, pas de lait, c’est pour les Anglais – et un petit gâteau, de ceux que savait si bien te faire ta maman, les gâteaux au pavot, tu te souviens, Porphyre ? Ah ! oui, comme il s’en souvenait ! Il avait encore leur saveur à la bouche, Porphyre. Et tout s’était terminé un jour de deuil de 1906. Enfin… il était doux pourtant de se souvenir…

 COLOMBO, ça, c’est une ville. On peut à nouveau descendre, aller voir un peu le port. Que de bateaux !! C’est une escale très fréquentée vers l’Extrême-Orient, le Pacifique et l’Australie. Alors, ce n’est pas étonnant. C’est beau de parcourir le monde. On dit à Porphyre que c’est le pays des pêcheurs de perles. Encore des pauvres bougres : tu vois s’il y en a de par le vaste monde. Par ailleurs, une ville anglaise, comme est anglaise toute l’île. Ces Anglais, ils sont comme les Français, un peu partout.

 Bientôt, ce sera SINGAPOUR, autre grande ville, autre port très actif, toujours anglais. Et alors on tourne vers le nord. L’océan Pacifique est là, l’Indochine française est toute proche. Tu es dans la mer de Chine méridionale, Porphyre. Et on aborde à SAIGON pour repartir ensuite, toujours cap au nord, et débarquer à HAIPHONG, dans le golfe du Tonkin. Voilà : le grand voyage est terminé. 

Port_de_Haiphong Les_quais_et_les_docks Indochine Exposition_coloniale_internationale_Paris_1931 wikimedia commons

 A quelque temps de là, le soldat Pantazi Porphyre est appelé par le capitaine : ce sont toujours les capitaines qui vous appellent pour les grandes occasions. Il vient d’être nommé caporal. Mais le plus intéressant, c’est que ce capitaine veut le garder auprès de lui, au cantonnement : il s’occupera du magasin de matériel. « Vous en aurez toute la responsabilité. En échange, votre vie militaire sera plus douce, à condition de donner satisfaction. Vous serez à l’essai pendant un mois.

– Bien, mon Capitaine. J’essaierai de bien faire mon travail. »

Et il le fera bien. Et on va être content de lui. Ce n’est pas trop malin, quand même, de tenir à jour des listes de matériel, de distribuer aux nouveaux venus leur paquetage : deux paires de chaussures, trois ceintures de flanelle, bandes molletières, leggings ou guêtres de cuir absolument nécessaires contre les serpents : attention si vous sortez dans la brousse sans leggings, sans jambières, quoi. Vous risquez votre vie bêtement.

Et la vie devient belle pour Porphyre. Le voici gradé, avec un bon boulot, dans un pays merveilleux. Oui, c’est un magnifique pays, le plus beau qu’il ait jamais vu, ou tout au moins celui qui lui fait cette impression, car un pays où tu es heureux est toujours un joli pays. Non, mais vraiment, cette végétation, ce climat, ces gens que tu côtoies et qui paraissent si gentils, peut-être un peu trop, parfois, un peu obséquieux. C’est cela ; comme les commerçants de Kalarach, et surtout de Kichinev. Quelques courbettes de trop, sans doute. Mais il vaut mieux un peu trop de politesse qu’une marque de brutalité, de froideur, de sauvagerie, non ?

Ces arbres de la cour de la caserne, ces palmiers, ces arbres à pain, ces tamariniers… Le Tonkin, la vallée du Fleuve Rouge et de ses affluents, ça lui a bien plu. C’est l’un des meilleurs souvenirs de sa vie.

Et quand tu te trouves heureux, comme le temps passe vite ! Tu te rends compte ? Déjà le mois de mars 1924. Les lettres de Touzora et de Kalarach ont appris la longue route et parviennent assez régulièrement à HANOI. Porphyre a répondu, chaque fois. Il a parlé de son lointain pays à un copain qui travaille comme lui au magasin du matériel.

Et il arrive au bout de son engagement. Eh oui, le trente cela fera cinq ans qu’il a signé à Odessa. Il est temps de repartir pour l’Europe : déjà plus de quatre années au Tonkin ! 

François Dedieu, Un "Russe" à Pérignan / Caboujolette, Pages de vie à Fleury II, 2008. 

Jules Lauret gouverneur et son épouse dans les jardins du Palais surplombant le port de Djibouti. Carte postale de 1920-1924. wikimedia commons Auteur inconnu





dimanche 27 mars 2022

Porphyre Pantazi, le "RUSSE" de Pérignan (5).

 Cet épisode doit se situer entre 1909 et 1911, peut-être 1912. Depuis longtemps, Porphyre Pantazi veut laisser derrière lui une vie de paysan qui ne lui ouvre pas un avenir enthousiaste. A l'amour de la terre, il préfère les lumières de la ville. 

"... Comment papa réagira-t-il ? Ne serait-ce pas sa mort, à lui aussi ? Et les petites toutes seules, si jeunes dans la pauvre maison !..

Partir.

 Longtemps il avait hésité, remis sa décision irrévocable à plus tard. Et, un jour, une lumière se fait, qui unit l’irréconciliable. PARTIR, oui, mais partir … pour se réfugier dans un couvent ! Quand papa l’apprendra, il fulminera contre son rien-qui-vaille de fils, il pensera aller à la police ; il le fera rechercher, fouetter peut-être. Et voilà : il est chez des religieux. Alors, sa colère tombera. La réconciliation viendra ensuite. Le nœud gordien est tranché. Reste à faire le pas décisif.

 Quand il va sur ses dix-huit ans, Porphyre le franchit. A Kalarach, il s’est renseigné sur les bons frères qui ont un couvent à Kichinev. D’ailleurs, il en existe en quantité. Si les premiers refusent, on verra chez d’autres. Pensez : une ville de plus de cent vingt mille habitants, cent cinquante mille peut-être. Maman en parlait souvent, de Kichinev. Elle disait d’ailleurs ChiSinau – elle était Roumaine, tiens ! 

Chisinau marchand d'ail vers 1900. Wikimedia commons Auteur inconnu. 

C’est dit : il part un beau matin – tous les matins sont beaux quand on veut partir –, passe par StraSeny et arrive le lendemain dans la capitale de la Bessarabie. Les renseignements sont bons. Porphyre s’adresse au meilleur couvent (il se dit que c’est le meilleur). Victoire ! On le gardera. Il travaillera les vignes de la communauté et sera nourri en échange. Vite une carte à papa Pantazi pour le rassurer sur le sort de son énergumène de fils. 

Chisinau marchand de bière artisanale vers 1900. Wikimedia commons. Auteur inconnu. 

Quelque temps plus tard, l’adolescent aura une place en ville, chez un libraire. Il sera toujours hébergé au couvent, moyennant un écot raisonnable. Et le rêve commence à se réaliser : il a déjà acheté une belle chemise, des chaussures, un mois plus tard un veston, puis un pantalon. Quelle joie de toucher ce tissu qui embaume ! Enfin bien habillé ! Ce n’est pas du luxe, tout de même ; et il gagne son argent, non ? Alors ? Si maman le voyait, comme elle serait fière de son fils ! Elle le comprendrait mieux que son père. Et pourtant, papa a bien fini par pardonner. 

1915 élément d'une affiche de propagande russe. Wikimedia commons. Author unknown. 

Mais un bon citoyen doit faire son service militaire. La carte lui arrive un jour, après un détour par Touzora. Et le voici embrigadé dans l’armée russe, celle du tsar de toutes les Russies. L’apprentissage lui est pénible, mais il a appris au couvent à se plier à la discipline. Il apprend maintenant à se taire, même s’il a raison. Vertu du silence, vertu surtout de la bonne conduite : on remarque ce soldat de Bessarabie toujours propre dans son pauvre uniforme, à la tenue impeccable, à la conduite exemplaire. Jamais un rapport quelconque sur lui. A peine touche-t-il à la vodka, même si les copains en boivent beaucoup. Certains ont de l’argent, ils achètent la célèbre eau-de-vie de grain. Tous les prétextes leur sont bons pour rentrer ivres. Un jour il a bien failli l’être. Il s’est arrêté à temps, a pris avec sa fourchette un morceau supplémentaire de viande en conserve pour calmer le feu de l’alcool. Jamais il n’avait vu boire ainsi. On se met à trois ou quatre devant une ou deux boîtes de conserve de viande, un verre ordinaire pour la vodka (la dose « normale » est de cent grammes !) et une chope, si possible, pour l’eau ordinaire. « Kouchat’ ! » (manger !) puis le soldat ingurgite sa vodka… et éteint le feu avec de l’eau, et en mangeant à nouveau. Alors, bien sûr, à ce régime, il faut souvent ramener un copain qui demande encore désespérément à boire, avec cette insistance qu’y mettent les ivrognes..." 

Apples_for_Sale,_Chișinău wikimedia commons Author Tony Bowden de Tallinn Estonie

Prolongements : 

Ce fut presque instinctif de repenser à la vie de Porphyre Pantazi à cause de la guerre en Ukraine. A nous de réfléchir aux parallèles possibles, le premier étant que cette guerre nous replonge plus de quatre-vingt-ans en arrière et qu'en cela Poutine nous rappelle Hitler... Un coup dur pour l'Europe ! 

En mer Noire : 

* une mine de 30 kilos a été retrouvée dans le Bosphore, elle a mis 20 jours pour traverser... A quand celles de 120 kilos ? (info Habertürk du 26 mars 2022 passée sur fb [teşekkür, merci BMG). 

* le Royaume-Uni s'inquiète de la présence de sous-marins russes avec charges nucléaires dans l'Atlantique Nord... Nous a-t-on fait savoir que le 21 juin 2021, le destroyer HMS Defender était à Odessa pour finaliser le projet de base navale et la vente de navires lance-missiles ? Non bien qu'il n'y ait rien à redire sinon moralement... Par contre, la Royal Navy n'a-elle-pas ordonné au HMS Defender, cap sur la Géorgie, de pénétrer les eaux territoriales russes, ce que fit le destroyer ? 

Mer_Noire_partage (2015) wikimedia commons Auteur Claude Zygiel (travail personnel).

* Sans le trompeter sur les toits, la municipalité de Fleury a pris sa part de solidarité dans le drame ukrainien : 

"... C'est à la fois bouleversés et heureux, que nous revenons en France demain, avec la possibilité d'offrir une parenthèse de paix a une cinquantaine de femmes et d’enfants qui ont choisi de rentrer avec nous.../... Les dons alimentaires ont été déposés en grande quantité à Lublin et sont déjà partis pour l’Ukraine..." André-Luc Montagnier, maire.

dimanche 20 mars 2022

ESPAGNOLS, ITALIENS, GITANS, migrants divers au village pour parler du GREC plutôt "RUSSE"...

La guerre entre frères, la mort en Europe... On en reste muets de consternation et pourtant il y a tant à dire sur le crime de Poutine, tant de fils historiques à remonter... Pas question ici, de refaire l'Histoire face à l'autodestruction, sous notre même toit, de deux membres, quand toute la famille pourrait y passer, qu'elle s'en mêle ou non... Quand j'étais gamin, au cinéma du village, le père Barthe nous avait commenté son film sur les Papous : ils chassaient les têtes puis se mangeaient entre eux, de village à village, de vengeance en vengeance... Qui serait évolué ? Qui est arriéré si la quête de lumière aboutit à l'aveuglement atomique ? L'Humanité reste aussi fascinée qu'éblouie par un feu d'artifice, sauf que le bouquet final sera le dernier... 


Je préfère ces étincelles que dans nos yeux allument ces différences entre semblables. Qu'est-ce que j'ai pu voyager dans ma tête grâce aux vendangeurs espagnols, porteurs d'un souffle plus fort que celui d'un écrivain, d'un cinéaste plus lointain, moins accessible à l'enfant, à l'adolescent. Au village, il y avait aussi les Italiens (le 21 mars, à 20h 55, Arte programme La Strada... je réserve ma soirée), les Gitans qu'on appelait "Caraques". Pour cause de mariage, dans la rue de mes grands-parents, la Polonaise, pas loin une Algérienne, je crois, dans la dernière maison avant les vignes du coteau, les Allemands aussi, restés après la guerre... et je ne sais pas s'ils n'ont pas dit de ma mère, "la Tchèque" ou "l'étrangère"... 

Si les lectures apportent encore à cette polychromie enrichissante, il en est une, singulière, qui me ramène non loin de la maison paternelle. D'ailleurs je la dois à mon père dans une monographie en deux volumes pour laquelle, concernant sa partie, je lui ai forcé la main. A propos de Fleury-d'Aude, notre village natal, entre les chapitres "L'hiver" et "Premiers sourires du printemps", n'y cherchons pas une quelconque logique, se trouvent insérées une quinzaine de pages bien tassées (c'est une autoédition). Le titre : "Un Russe à Pérignan" (1). Parlons-en justement de ce Russe à Pérignan.  



Papa n'avait pas pour habitude de se mettre en avant. Si je me doute que c'est par amour des langues, pour le plaisir d'échanger, de faire vivre l'humanisme qui rapproche les grandes familles de langues en Europe , ce qui lui importait beaucoup (il en parlait sept) , rien n'a percé des visites qu'il a dû rendre auprès de ce Russe au village, des notes, du récit qu'il en fit. Laissons-lui la parole.   

" Un "Russe" à Pérignan. 

19 juin 1974 : 

Une soirée qui annonce l’été tout proche. Dans la rue baptisée « Rampe de la Terrasse », les gens prennent le frais, assis au dehors. Les uns ont sorti leur chaise, qu’ils enfourchent souvent à califourchon pour mieux reposer sur le dossier leurs bras fatigués d’une journée de labeur. D’autres se sont mis sur les bancs de ciment prévus à cet effet.

Monsieur Pantazi est là aussi ce soir. Sans s’en douter, il vit les dernières heures d’une vie bien remplie. A minuit, la crise cardiaque va le réveiller, puis le terrasser. Il aura le temps d’aller à la cuisine, de frapper en passant à la porte de la femme dont il partage la maison depuis tant d’années, et, tandis que la vieille dame lui fait une tisane qu’il ne boira jamais, que la bave de l’agonie lui monte déjà aux lèvres, qu’il montre du doigt, sur une demande, la place du cœur, il revoit dans un vertige les vignes de sa Bessarabie natale, les visages aimés et depuis si longtemps disparus ; un nom chante à ses oreilles : Touzora. Et tout est fini… " François Dedieu. 

(1) le nom d'origine du village, historiquement repris et supprimé, au moins à deux reprises. 

Fleury-d'Aude. Rampe de la Terrasse.