Affichage des articles dont le libellé est Poutine. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Poutine. Afficher tous les articles

mardi 12 avril 2022

Un "RUSSE à Pérignan" (9) L'Algérie, le Tonkin...

 Il est russe par force, Porfiri, le Bessarabien de Tazora avant que sa nation ne soit la Légion, sans qu'il n'ait renié quoi que ce soit de son passé ; il a même gardé son nom. Après une année passée en Algérie, il part en Indochine. C'est vrai que le détour est des plus longs pour évoquer son point de chute final, notre village de Fleury-d'Aude mais c'est joliment écrit, alors... 

Alors, suivons-le, mais sans perdre de vue la terrible actualité de la guerre en Ukraine, d'autant plus que la concomitance fait que depuis deux jours, en France, la course à la présidence occulte cette terrible actualité. Plus rien sur les chaînes d'infos en continu, sinon un entrefilet pour dire que Marioupol, la ville martyre de la mer d'Azov, va tomber, que les Russes sont sur le point de lancer une lourde offensive sur le Donbass et au moins tout l'Est de l'Ukraine. Ah ! pardon, j'oubliais le rapport à l'est du sous-continent de la part de nos médias : la concurrente à Macron serait la féale, l'affidée du pelé, du galeux d'où vient tout le mal. 

Certes, il est horrible Poutine, de replonger l'Europe, en tant que prétendu phare de la civilisation, dans la barbarie, sauf qu'il est bien trop commode de cacher derrière, la nôtre, de vilénie hypocrite. Haro sur ces candidats qui commenceraient avec "Certes", déjà une accointance avec le maître du Kremlin ! Salops de complotistes (oui je le dis comme ça : salaude n'est pas un féminin usité !) ! Bénéficier d'un prêt de la part d'une banque russe, c'est sale... les 80 milliards d'euros, par contre, cédés depuis le début de la guerre en Ukraine, en échange de gaz, pétrole et charbon, sont propres eux... aussi bienséants que les deux ou trois milliards et les sarbacanes offertes pour armer Zelinsky... Désolé mais quand on ose dire que la condamnation de la barbarie ne va pas jusqu'à sacrifier un peu de notre confort consumériste (ne pas mettre en danger notre économie disent les François Lenglet dans une pudibonderie aussi docte que sereine...), notre arrogance civilisatrice s'arrête à un assouvissement de tube digestif... 

Pardon de me laisser aller... Vas-y Porfiri, raconte...  des fumeries tu dis ? C'est sans fin : quand les vapeurs se dissipent, reste l'esprit munichois des fières démocraties... Inutile de faire donner ce BHL, ce calamiteux des printemps qui avortent, ce hâbleur venimeux, bifide de la tromperie et de chimères, annonçant aussi crânement qu'il le fit, pour la libération de la Libye, les chars de Poutine à Berlin et Paris ! Mais je m'égare Porfiri, Porphyre... enfin, devaient-ils francise leur nom, les légionnaires ? Vas-y, va, raconte...    

 

 "... Il a appris l’histoire plus complète de la Légion. Il sait qu’elle a été réformée sous Louis-Philippe, en 1835, et que sa page de gloire c’est  Camerone. C’est là-bas, quelque part au Mexique. Ne lui demande pas trop de détails, dis …Et le chant de la Légion, tu le connais ? Oui, c’est bien celui-là : « Tiens, voilà du boudin, voilà du boudin, voilà du boudin ! » Trois fois qu’il faut le dire. Pourquoi du boudin ? Il faudra qu’il le demande un jour. En tout cas, il se rappelle chaque fois, quand il entend cette marche de la Légion, le boudin qui pendait à la barre, dans la cuisine, avec la saucisse, les andouillettes, les saucissons et plus loin les jambons. C’était dans la vieille maison de Touzora. Ce boudin ! Il aurait été sacrilège d’y toucher pendant les périodes de jeûne. Maman, quelquefois, avait bien enfreint la consigne… pour lui… Ah ! cela, vois-tu, il ne saurait l’oublier. Il avait lui aussi fini par pardonner à son père, mais, bon Dieu ! pourquoi ce fanatisme ?

 Enfin, tu vois à quoi on pense à la Légion.

 De toute façon, la première année va être bouclée. Quatre ans encore, et s’il s’en sort il reviendra là-bas. Il leur en racontera, des choses, aux anciens copains. Tu verras leurs yeux d’envie ! Mais quatre longues années encore…

Partir toujours… 


Rien n’est plus doux qu’un départ en bateau. En cette matinée du neuf novembre mil neuf cent vingt et un, le Pasteur, transport de troupes flambant neuf, quitte les quais d’Oran. La sirène a longuement retenti. Il est sept heures du matin. La côte d’Algérie s’éloigne déjà. La chaleur avait repris ses droits pour « le petit été de la Saint-Martin », mais à cette heure matinale c’est une fraîcheur, presque un froid qui monte des flots bleus de la Méditerranée. Le vent souffle du large et rafraîchit un peu plus l’atmosphère. La ville blanche allonge paresseusement dans le lointain ses avenues splendides de front de mer, ses terrasses d’ordinaire immaculées mais qui aujourd’hui baignent dans une légère brume d’un gris cendré. Le paquebot double allègrement les petits voiliers qui semblent lui faire escorte avec les mouettes rieuses aux cris assez déplaisants. Voici la haute mer, la houle est presque insensible. Si le temps ne se gâte pas, nous allons avoir une belle traversée.

 Porphyre vient de passer à partir de ce jour du 1er au 2e régiment étranger. C’est toujours la Légion, bien sûr, mais ce régiment est en partance pour l’Extrême-Orient. L’Extrême-Orient, pour la France, c’est surtout l’Indochine. Ira-t-il voir Saigon et la Cochinchine, les rizières, les fumeries d’opium dont lui ont parlé les anciens qui avaient passé leur temps là-bas, certains en ramenant d’ailleurs des accès chroniques de fièvres paludéennes. Peut-être l’Annam : Hué, Tourane ? Non, ce sera le Tonkin, il l’apprend le troisième jour, alors qu’il est un peu secoué, dans la pièce commune peinte en blanc qui leur sert de cantonnement, par une véritable tempête, aussi violente que courte, heureusement.

Le cinquième jour, voici la côte qui approche. Nous sommes en Méditerranée orientale, c’est l’Egypte. Porphyre songe qu’il n’est plus très éloigné d’Odessa, du moins qu’il s’en est beaucoup rapproché. Et à Touzora, que font-ils à présent ? Son père fait-il toujours brûler un cierge, de temps à autre, en mémoire de sa si bonne mère trop tôt disparue ? Si elle avait vécu, sûr que tu ne serais pas là, toi Porphyre… Enfin, c’est la vie. Pourquoi ne peuvent-ils plus écrire ? La Bessarabie est devenue roumaine. C’est encore un roi qu’ils ont, en Roumanie. Dès le neuf avril 1918, sa province avait demandé son rattachement, mais la guerre ne s’était terminée que le 11 Novembre. En 1919, au Congrès de la Paix, la Roumanie avait vu ses revendications âprement discutées. Elle avait fini par accepter les traités de Saint-Germain et de Neuilly, et avait obtenu satisfaction sur les points essentiels. Ils étaient donc Roumains, là-bas… Et à l’école de Kalarach, la vieille école qui fut la sienne, dans quelle langue se faisaient les cours ? Depuis quand avait-on commencé d’expliquer, en roumain, l’histoire si tourmentée de son petit pays ? Et la « dernière classe » en russe ? Il avait lu là-bas, à Sidi-Bel-Abbès, quelques nouvelles pour étudier le français, quelques contes. Et l’un d’eux parlait justement de ce problème. Il était bien émouvant. C’était La dernière classe, des « Contes du Lundi », d’Alphonse Daudet. Porphyre l’avait lue avec son cœur, cette histoire, et pourtant ce n’était pas la même émotion qui l’étreignait. Il était partagé, lui, vois-tu. Redevenir Roumain, ce n’était pas si mal. Tu sais, Roumain, Grec, Français ou Russe, ce sont des hommes. Il le voyait bien à la Légion, où il y avait de tout, beaucoup d’Allemands aussi. Eh bien, ils se valaient. Naturellement, il avait bien ses préférences, et certains peut-être ne lui plaisaient pas trop. Quelques-uns même l’avaient dégoûté par leurs propos. Heureusement, il y avait cette discipline de fer de la Légion. Lui, Porphyre, il s’en était bien accommodé..." *

François Dedieu, Un "Russe" à Pérignan / Caboujolette, Pages de vie à Fleury II, 2008. 

SS Patria transportant des troupes en 1918-1919 wikimedia commons photographe inconnu

Notes : le SS Pasteur, paquebot  de la Compagnie Sud-Atlantique, n'a été lancé qu'en 1938. Alors seul un historien ou fidèle de la Légion Etrangère saurait nous dire sur quel navire transporteur, occasionnel ou non, de troupes, Porphyre Pantazi est parti pour Haiphong, depuis Oran, vers 1920. 

Rien que dans les 600 ou 700 noms de paquebots donnés par Wikipedia, au moins les 45 dont les noms suivent étaient en service vers 1920 :  

SS Biskra, Caravelle, Caucase, Charles Roux, Chicago, Chili, Cordillère, Danube, Dumbéa,  El Kantara, Equateur, Espagne, Eugène Péreire, Figuig, Flandre, France, Haïti, Lamartine ex Kai-Dinh, La Bretagne, la Lorraine, la Navarre, La Savoie, La Touraine, Lafayette, Maréchal Bugeaud, Martinique, Mexique, Moïse, Niagara, Oregon, Oudjda, Pacifique, Patria, Paul Lecat, Pérou, Puerto Rico, Rochambeau, Saint-Raphaël, Timgad, Vénézuéla, Ville d'Oran, d'Alger, de Barcelone, de Bône, de Tunis... 

French SS Rochambeau wikimedia commons Author American official photographer

jeudi 24 mars 2022

Ukraine de toutes nos craintes...

 

Nouvelles incertaines des fronts : 

* encerclée, Marioupol subit l'anéantissement de Grosny et d'Alep. 

* n'est-ce pas l'armée russe, justement, adepte de l'encerclement, qui se retrouve dans le chaudron aux abords de Kyiv ?  

* Poutine fait donner les barbus intégristes du barbare Khadirov... on dit, on laisse dire que des miliciens tueurs de Syrie pourraient aussi... la poutinerie mobilise aussi des conscrits... 

* Pour fléchir Poutine, l'Occident voudrait faire donner Alina Kabaeva, sa femme cachée avec leurs trois ou quatre enfants, quelque part dans un chalet suisse bien gardé. 

* Il y a aussi des volontaires tchétchènes qui défendent Kyiv. La télé qui montre ce qu'elle veut, ce qu'elle peut, en a montré un hier en train de tirer un sol-air ou un sol-sol, sans casque, à découvert, bien exposé en haut d'une butte... 

* des Iliouchine, des Tupolev ou autres Sukhoi officiels volent vers l'Est, l'Oural, l'Altaï vers des refuges antiatomiques cachés ou alors pour assurer un poste de commandement en haute altitude, à l'abri des radiations. Faire peur, menacer. Du cynisme et aucune moralité chez Vladimir !

* La Russie a fait revenir 500 avions (Boeing, Airbus) des compagnies civiles loués à l'Ouest. Il y en a pour quelques milliards... Pour le moment ils ne les rendront pas... 

* Zelensky se dit prêt à négocier, mettant dans la balance le sort de la Crimée et des républiques sécessionnistes. 

* suite à l'entrevue Lavrov- Kuleba, Erdogan se propose comme médiateur dans le conflit russo-ukrainien. 

* Macron, le "Macha Béranger" d'"Allo Vladimir", ne s'est entretenu qu'une heure avec Poutine (a fait mieux... peut mieux faire).  

* Et pendant ce temps,  les scientifiques annoncent entre 35 et 132 millions en plus de personnes plongées dans "la pauvreté extrême" en 2030. Au rythme où on va, d'ici à 2050, "le sud de l’Asie, le golfe Persique, à savoir l’Iran, l’Oman et le Koweït, ainsi que l’Égypte, l’Arabie saoudite, le Soudan, l’Éthiopie, la Somalie ou encore le Yémen ne seront plus des terres vivables."... Qu'est-ce que ça peut faire à côté de la testostérone de Vladimir, des couilles molles de l'UE, de notre Macrounet couillu seulement pour les couillons ?  

mardi 22 mars 2022

ET le "RUSSE" de Pérignan par rapport à tout ça ?

 Laissant chacun à sa conscience à propos d'un crétinisme (1) meurtrier terre-à-terre, d'un autre âge, alors que le sort de la planète est en jeu, je veux seulement conjuguer le verbe aimer à propos de ceux qui sont obligés de fuir les bombes, de quitter la partie détruite de la maison pour l'autre bout encore debout où nous nous devons de bien les accueillir. Aux guerres qui ont aussi brassé les peuples, a succédé la liberté de bouger, d'aller chez l'autre pour mieux comprendre qu'il est comme nous, d'autant plus sous le même toit, celui de notre maison (2), qui va de l'Atlantique à l'Oural comme l'espérait de Gaulle, notre grand homme du XXe siècle. 

World_War_II_memorial_near_Leușeni,_Moldova. Domaine public. 

En m'attardant sur la Bessarabie, la Moldavie, la Transnistrie, les emprises latines et slaves qui se superposent, je rêve d'une "Europe Ensemble" avec la Russie... Plutôt que de rabaisser l'URSS anéantie, l'a-t-on proposé à  Gorbatchev, l'homme de la conciliation à l'origine de la réunification de l'Allemagne ? N'était-ce pas un biais pour traiter des tensions séculaires entre la Russie, l'Ukraine, la Roumanie, la Turquie, les Grecs, Tatars, Cosaques et autres Gagaouzes, apaiser  les bisbilles liées aux territoires revendiqués par les uns ou les autres, le liman du Dniestr, le bras nord du Danube avec toujours le gros ours qui fait peur jusqu'à manger les petits ? Et pas que, puisque, dans un jeu mondialisé, l'Europe persiste dans une alliance atlantique archaïque qui nous met sous tutelle de l'autre grand frère qui ne nous veut pas que du bien (3). 

Et le "Russe" de Fleury par rapport à tout ça ? On ne le sait que trop bien : l'Histoire éprouve les peuples et saboule les êtres qui en réchappent... les plus anciens croient revivre la Deuxième Guerre Mondiale. Nos politiques nous replongent dans une barbarie qu'on croyait révolue... Tout comme ils endossèrent le déshonneur de ne pas freiner Hitler, ils ne peuvent pas se targuer de n'avoir pas entretenu un terrain favorable à Poutine... pour le dire diplomatiquement ! 

 Oui, maman, 97 ans, est replongée d'un coup dans les années 40, dans la partie Bohême-Moravie de la Tchécoslovaquie dépecée par Hitler. Oui, nous repensons à papa qui a fui le bombardement de Dresde en 1945. Nul besoin de s'appeler Gary pour se prévaloir d'un destin exceptionnel (4), celui de Pantazi subissant l'Histoire vaut pour tous les anonymes oubliés. 

"... Touzora.

Touzora, petite bourgade de quelques feux, qui dépend de Kalarach, à cinquante verstes de Kichinev, entre les fleuves Prut et Dniester.

Nous sommes en 1891, le 24 février. Le foyer du Grec Pantazi – il est d’origine grecque, mais a épousé une Roumaine, et c’est en roumain qu’on parle à la maison sur cette terre qui appartient pourtant à l’Empire russe –, son foyer donc vient de voir la naissance d’un garçon. A l’église orthodoxe, il recevra le nom de Porphyre : souvenir du philosophe néoplatonicien, ou noblesse de la roche rouge semée de taches blanches ? Prénom grec en tout cas, qui montre que ce paysan pauvre de Touzora songe à la terre de ses aïeux.

 Et la vie va continuer, dans cet ancien pays des princes de Valachie, disputé aux Moldaves, puis aux Russes par les Turcs. Plusieurs fois envahie par les Russes au dix-huitième siècle, cette terre, alors sous la domination turque, avait été cédée en 1812 à la Russie par le traité de Bucarest, rétrocédée en 1856 aux principautés danubiennes par le traité de Paris, réincorporée à la Russie par le traité de Berlin de 1878. Mais la population restait roumaine à soixante pour cent, si le reste était composé de Russes, d’Allemands et de Bulgares. Elle devait redevenir roumaine le 28 octobre 1920 par un traité passé entre la Roumanie et les Alliés, les Russes refusant toutefois de reconnaître cette cession et reprenant la région en 1940.

 Le père Pantazi cultive cette terre féconde en céréales, qui produit un maïs de qualité et un vin fort apprécié. Pour lui, ce sont surtout quelques arbres fruitiers et la vigne. Il travaille dur, ne connaît comme jour de repos sacré que le dimanche, consacré au Seigneur. Toute la famille doit aller à la messe solennelle à Kalarach, à trois kilomètres de Touzora, et à la maison le coin de l’icône est sacré : une branche de laurier l’orne en permanence, ce laurier que la mère de famille a fait bénir à l’église le jour des Rameaux..." 

François Dedieu. 

Călărași-Gară wikimedia commons Author Szabi237


(1)  Poutine s'adressant aux Occidentaux " Vous êtes intelligents, pourquoi nous prenez-vous pour des abrutis ?"... sans commentaire... 

(2) Je ne savais pas qu'un personnage illustre, Mikhail Gorbatchev, parlait, en 1985, de l'Europe en tant que "maison commune" ! 

Quant à la formule "l'Europe de l'Atlantique à l'Oural", les termes exacts de de Gaulle se rapportant à une « solidarité européenne de l’Atlantique à l’Oural », elle se réfère à Vassili Tatichtchev, le géographe de Pierre Le Grand (XVIIIe s.) indiquant, pour justifier la modernisation de Moscou, que sa capitale est bien dans un espace européen de l'Atlantique à l'Oural. 

(3) Brzeziński ne jouait pas que du biniou... Après avoir prédit la réaction de l'URSS en Afghanistan, il a annoncé non sans cynisme, la déstabilisation entretenue de la Russie afin d'écarter un rapprochement avec l'Europe pour que les Etatsuniens nous gardent sous tutelle. 

(4) "Chaque homme est une humanité, une histoire universelle." Jules Michelet. 


dimanche 20 mars 2022

ESPAGNOLS, ITALIENS, GITANS, migrants divers au village pour parler du GREC plutôt "RUSSE"...

La guerre entre frères, la mort en Europe... On en reste muets de consternation et pourtant il y a tant à dire sur le crime de Poutine, tant de fils historiques à remonter... Pas question ici, de refaire l'Histoire face à l'autodestruction, sous notre même toit, de deux membres, quand toute la famille pourrait y passer, qu'elle s'en mêle ou non... Quand j'étais gamin, au cinéma du village, le père Barthe nous avait commenté son film sur les Papous : ils chassaient les têtes puis se mangeaient entre eux, de village à village, de vengeance en vengeance... Qui serait évolué ? Qui est arriéré si la quête de lumière aboutit à l'aveuglement atomique ? L'Humanité reste aussi fascinée qu'éblouie par un feu d'artifice, sauf que le bouquet final sera le dernier... 


Je préfère ces étincelles que dans nos yeux allument ces différences entre semblables. Qu'est-ce que j'ai pu voyager dans ma tête grâce aux vendangeurs espagnols, porteurs d'un souffle plus fort que celui d'un écrivain, d'un cinéaste plus lointain, moins accessible à l'enfant, à l'adolescent. Au village, il y avait aussi les Italiens (le 21 mars, à 20h 55, Arte programme La Strada... je réserve ma soirée), les Gitans qu'on appelait "Caraques". Pour cause de mariage, dans la rue de mes grands-parents, la Polonaise, pas loin une Algérienne, je crois, dans la dernière maison avant les vignes du coteau, les Allemands aussi, restés après la guerre... et je ne sais pas s'ils n'ont pas dit de ma mère, "la Tchèque" ou "l'étrangère"... 

Si les lectures apportent encore à cette polychromie enrichissante, il en est une, singulière, qui me ramène non loin de la maison paternelle. D'ailleurs je la dois à mon père dans une monographie en deux volumes pour laquelle, concernant sa partie, je lui ai forcé la main. A propos de Fleury-d'Aude, notre village natal, entre les chapitres "L'hiver" et "Premiers sourires du printemps", n'y cherchons pas une quelconque logique, se trouvent insérées une quinzaine de pages bien tassées (c'est une autoédition). Le titre : "Un Russe à Pérignan" (1). Parlons-en justement de ce Russe à Pérignan.  



Papa n'avait pas pour habitude de se mettre en avant. Si je me doute que c'est par amour des langues, pour le plaisir d'échanger, de faire vivre l'humanisme qui rapproche les grandes familles de langues en Europe , ce qui lui importait beaucoup (il en parlait sept) , rien n'a percé des visites qu'il a dû rendre auprès de ce Russe au village, des notes, du récit qu'il en fit. Laissons-lui la parole.   

" Un "Russe" à Pérignan. 

19 juin 1974 : 

Une soirée qui annonce l’été tout proche. Dans la rue baptisée « Rampe de la Terrasse », les gens prennent le frais, assis au dehors. Les uns ont sorti leur chaise, qu’ils enfourchent souvent à califourchon pour mieux reposer sur le dossier leurs bras fatigués d’une journée de labeur. D’autres se sont mis sur les bancs de ciment prévus à cet effet.

Monsieur Pantazi est là aussi ce soir. Sans s’en douter, il vit les dernières heures d’une vie bien remplie. A minuit, la crise cardiaque va le réveiller, puis le terrasser. Il aura le temps d’aller à la cuisine, de frapper en passant à la porte de la femme dont il partage la maison depuis tant d’années, et, tandis que la vieille dame lui fait une tisane qu’il ne boira jamais, que la bave de l’agonie lui monte déjà aux lèvres, qu’il montre du doigt, sur une demande, la place du cœur, il revoit dans un vertige les vignes de sa Bessarabie natale, les visages aimés et depuis si longtemps disparus ; un nom chante à ses oreilles : Touzora. Et tout est fini… " François Dedieu. 

(1) le nom d'origine du village, historiquement repris et supprimé, au moins à deux reprises. 

Fleury-d'Aude. Rampe de la Terrasse.