lundi 30 décembre 2019

PAS CE JEU D'ARGENT POUR GOGOS PANURGISTES (1) / LE LOTO, le vrai

Une chance sur 19 millions ! Faut avoir la foi pour y croire !.. et qui plus est se retrouver complice d'un truc amoral qui voit quelqu'un gagner au moins l'équivalent de sept propriétés et non sept gagnants d'une propriété chacun ! C'est malsain et plus encore concernant ceux qui viennent de prendre des actions à la Flambeuse des Jeux ! C'est dit mais je contrôle mon débit venimeux ! Pas question de me pourrir la vie à cause des bas instincts de notre espèce ! C'est au contraire d'une liesse générale que je veux vous entretenir... Il fut un temps où Noël et le passage à l'année nouvelle voyaient rentrer chez eux, fiers comme des bar-tabacs, des villageois chanceux chargés des gains qu'une suite heureuse de numéros avait bien voulu leur offrir. Qui donc pouvait se douter que le jeu de loto aurait été importé d'Italie par François Ier ? 

Dernièrement, à l'occasion d'un coupé du ruban rue de la Poste, en marge de la photo d'usage, une affiche sur un mur pour le loto du ping-pong à Lespignan, le village à côté, parce que là-bas, dès le mois de novembre on annonce la reprise de la saison des lotos ! Chez nous, c'est tout juste si quelques rares "loteries familiales" (pourquoi cette étrange appellation intimiste ?) sont organisées... Aïe mama, à devoir encaisser ce genre de coup bas pernicieux, je me demande si je suis encore de Fleury !
Et pourtant, il était une fois mon village plein comme un œuf, plein comme la médina aujourd'hui désertée, plein au point qu'il ne nous serait pas venu à l'idée de considérer le cimetière en tant qu'endroit le plus peuplé de la commune ! Entre les commerces dont les épiceries, la coopérative agricole, le marché, le forgeron, le bourrelier, le tonnelier, les menuisiers, le cagnard, les cafés, le cinéma, des flux de vie se croisaient et se recroisaient. Bien sûr, les ragots colportés, flirtant avec le temps avec de la diffamation pure et simple constituaient l'inconvénient majeur de cette promiscuité. Mais cela choquait moins que la vacuité actuelle... même les hommes se font rares devant la mairie, à peler le monde, à critiquer la municipalitad à espépisser les passants et à tailler une réputation à l'emporte-pièce au passage pimpant de belles gambettes. Aussi prosaïquement, on ne se perdait pas de vue alors, on renouait le lien, à la messe, aux enterrements, au match de rugby, lors des fêtes et des bals qui rythmaient l'année... Souffrez que j'en remette une couche parce que l'an passé je me suis fait l'impression d'un  chien abandonné, à errer dans les rues désertes, un soir de 11 novembre, pour la saint Martin, la fête du village, une fête désormais sans flonflons, sans personne, avec seulement les fantômes de mon passé. Je n'aurais jamais dû descendre de ma machine à remonter le temps !

La saison des lotos resserrait assurément les liens de la communauté. Ils étaient organisés par les associations et clubs divers : le rugby, les donneurs de sang, les chasseurs, peut-être le judo vers la fin des années cinquante... L'activité étant normalement bénéficiaire, il faut un roulement, la fin de saison étant moins suivie. Le nombre de parties, le prix des cartons, l'importance des lots sont mis en balance, attirant parfois des joueurs extérieurs. Rien de comparable cependant à ces lotos géants, il y en eut à Coursan, dans l'Ariège avec une voiture et même une villa sise à Narbonne-Plage, à gagner (1) ! Quand la vie de tous les jours se ressent encore de la guerre (le pain est resté rationné jusqu'en novembre 1949 !), malgré la paix retrouvée, la nourriture demeure le premier des soucis, celui aussi qui grève le plus le budget, alors même le filet garni, avec la boîte de petits pois, le litre d'huile et le kilo de sucre font plaisir. Ne parlons pas de la dinde (au moins dix kilos, le coup de fourchette était à la hauteur de la rareté du festin !), du jambon et, nec plus ultra, synonyme du menu de luxe, la langouste.    
Simca Ariane wikimedia commons Auteur Ruben de Rijcke  
Simca Aronde wikimedia commons Auteur Pibwl

(1) Le loto « Étoile » qui se déroulait simultanément dans tout le département de l’Aude, présentait des lots très importants : non seulement une voiture (une année c’était une Simca, alors à la mode), mais également des ensembles de meubles : salle à manger complète, et même… des villas sur la côte. Plus tard, tout cela fut interdit. En attendant, Marthe, cousine germaine de mamé Ernestine, mère de Nicole et fille aînée de tante Marie et Gérard du quai Vallière à Narbonne, gagna à ce loto une villa à Narbonne-Plage. Il est vrai qu’ils avaient pris les cartons à deux  – avec un prof de musique de Coursan, je crois – et ils ont vite monnayé la maison pour pouvoir partager. (Pages de vie à Fleury II, Caboujolette, François Dedieu, 2008.)    

vendredi 27 décembre 2019

LE RETOUR DU LOUP / des nouvelles fraîches et une chronique du passé.

DES NOUVELLES FRAICHES. 

On ne le sait pas trop mais comme pour l'ours dans les Pyrénées, la présence du loup fait toujours réagir les populations qui admettent d'autant plus mal la mort liée à la prédation si elle est liée au carnage de brebis désarmées. 
Glané sur le Net, ces jours-ci, après la publication " Les loups et le violoneux".    

https://www.20minutes.fr/planete/2678823-20191219-ariege-apres-deux-attaques-brebis-presence-loup-bien-confirmee

Canis_lupus_Hellbrunn wikimedia Commons Mariofan13
La présence du loup est avérée à Campagna-de-Sault, au-dessus des gorges de l'Aude (route du Capcir).

 Dans notre département, plus au nord et plus précisément dans le secteur de la Piège et du Razès (entre Lauragais et Mirepoix dans l'Ariège) où est actée la présence permanente d'un individu qui a donné lieu à 21 constats en 2016 (13 000 euros versés aux éleveurs concernés), 21 autres en 2017 (17 380 euros) et 23 l'an passé malgré un nombre de victimes recensés en recul, passant de 90 à 50 entre 2017 et 2018.

https://www.lindependant.fr/2019/03/06/aude-les-degats-du-loup-en-baisse-en-2018-mais-des-eleveurs-toujours-plus-remontes,8053187.php

Le 4 mai 2019 à Fourtou (source de l'Orbieu la rivière emblématique des Corbières), neuf brebis mortes, deux devant être euthanasiées, d'autres blessées dont celles qui n'y survivront pas. Dans le but de les déstresser, les bêtes ont été rentrées à la bergerie mais il faudra les sortir dès que possible appels du printemps et de l'herbe nouvelle obligent... surtout que l'article le dit bien, les coupables sont des chiens errants.   

https://www.ladepeche.fr/2019/05/12/une-attaque-de-chiens-decime-un-troupeau-de-brebis,8195249.php?fbclid=IwAR3JEYijo7Q1EKbFFYi84pX0tQAUGs7kkirRwh1DqkITbe7_i6VAJxEDAiI

Un autre écho encore plus en plaine, dans le Gard : 
"Le résumé : Depuis le début d'année, selon la FDSEA, 53 brebis ont été tuées dans les Costières. Dont 4 attaques cette semaine.
23 attaques ont été recensées sur le plateau des Costières de Nîmes. Un territoire improbable sur lequel la présence du loup est avérée depuis mai 2017, notamment grâce à cette vidéo. Les éleveurs réclament l'intervention des lieutenants de louveterie afin d'effectuer un "prélevement" du loup, autrement dit, que le loup soit abattu. En 2018 dans le Gard, le loup est à l'origine de la mort de 170 bêtes et de 50 attaques."

https://www.occitanie-tribune.com/articles/12695/aude-aude-video-les-eleveurs-ovins-crient-au-loup-a-generac 

DU RÉCHAUFFÉ...

S'il nous arrive de revenir en arrière pour des pages de livre, cela semble plus compliqué concernant un blog même pour l'auteur des articles. Aussi ai-je repris plaisir à ce que j'écrivais le 30 décembre 2013... Je compte sur votre indulgence ! 

A la fin du 19ème siècle, la présence du loup était encore banale. Dans ma famille la tradition orale en atteste.   

LE RETOUR DU LOUP (publié le 30 décembre 2013)


Si un froid précoce interdit la sortie des rousilhous, le redoux qui alterne vient contrarier, aussi, cette envie de neige des gosses, quand, le nez sous l’édredon, alors qu’il gèle à pierre fendre, on aime se faire peur avec les loups des contes. Des contes et de la vraie vie aussi, pour un passé pas si lointain même si les grandes forêts ont disparu de nos paysages depuis près de mille ans.

La cuisinière ronflait tandis qu’un Cers sifflant décembre harcelait de ses bourrasques la souche de la cheminée. Certainement inspiré par cette atmosphère hivernale, l’oncle Noé, accrochant le tisonnier sur la barre après avoir garni le foyer, raconta comment notre aïeule qui partait à pied jusqu’à Narbonne, eut à se défendre un jour, entre Le Pech de la Pistole et le four à chaux de Mader, avec pour seule arme son bâton, contre les loups. Il restait encore des loups dans la Clape à la fin du XIXème siècle (1).

A propos de mon arrière-arrière grand-mère, mon père confirma :

« .. / .... Mais avant, sur la droite et en tournant à l'ancien petit jardin cultivé jadis par Pantazi (un minuscule triangle où poussait un figuier) et en montant jusqu'au point culminant cet ancien chemin de Narbonne, pris parfois par mamé Babelle pour aller voir sa fille Marie (sœur de mamé Joséphine et de tante Pauline la muette) quand elle était malade à Narbonne – mon arrière grand-mère, qui m'a raconté en languedocien un épisode du Roman de Renart alors que la fièvre due à la rougeole me clouait au lit métallique vert adossé à la cheminée du « salon » dans la chambre où je suis né et où devait mourir en février 1976, mamé Ernestine, mamé Babelle donc, épouse Paul Palazy, y allait à pied ! ... / ... » (2)

Le loup est revenu aussi dans le Jura et les Vosges. Aussi, les lignes de Louis Pergaud n'en semblent que plus proches encore :

« ... /... Et puis ce fut la nuit étoilée dans laquelle la pleine lune peu à peu monta. Une grande torpeur glacée pesait sur le canton ; dans les profondeurs de l'horizon, la bise, en courant sur les paillettes de neige, soulevait comme des sillons d'une écume diaphane. Rien ne bougeait par la campagne et le long des maisons, les chiens de garde, qui d'habitude aboyaient rageusement à la lune, grattaient aux portes avec frénésie et cherchaient coûte que coûte à se réfugier le plus près possible de leurs maîtres.

Alors au cœur de la nuit, au fond de la plaine triste et déserte, longuement retentit le hurlement lugubre et désolé d'un loup ... ; et un autre lui répondit au loin ... et puis un autre encore et ce fut bientôt, sur toute la campagne, le grand concert tragique des vieilles nuits d'antan.

Dans ses antiques domaines d'où l'avait expulsé l'homme, le maître était revenu et son retour proclamait sur ceux des bois, des champs et des maisons le régime implacable et illimité de la terreur... / ... » (3)

(1) En France, si les derniers ont été tués dans les années 1930, depuis 1990, on assiste au retour du loup venant d’Italie. En 2001-2002, certains sont même arrivés dans les Pyrénées après être passés par les Cévennes, la Montagne Noire et les Corbières.

(2) Caboujolette / Pages de vie à Fleury d’Aude II / 2008.

(3) L'arrivée du maître. - Paru dans Mélanges, pp, 15 à 20 ; puis dans Œuvres, t. Il, pp. 349-358. (Le mercure de France 1948) [source Sisyphe.com].
Disponible en e-book libre de droits (pour le lien, si nécessaire, me contacter par un commentaire). 

wikimedia Commons Illustration de 1764 Source Gallica