vendredi 13 septembre 2019

L'ONCLE MAURICE, TOUMASSOU, FERNAND et LA FEMME D'ALFRED / Les vendanges à Fleury-d'Aude.

« … L’oncle Maurice.
Ma mère (sa nièce) me racontait un jour qu’il avait acheté une très grande vigne, sans doute dans la plaine, et cela sans argent ! Il comptait sur la future récolte pour payer. Le sort devait le combler. Dès les premières vendanges, tout fut presque apuré. La chance, cette fois, était avec mon oncle… »

« … En vendange.
Toumassou, dans la vigne du Prat où on trouvait près de vingt escargots par souche :
« S’en pas aïci per lous cagaraous (1) ! »
Il lui arrivait d’en manger un, cru, à l’occasion, pour impressionner un auditoire dégoûté… » 

(1) « On n’est pas là pour les escargots ! » Préméditait-il qu’il serait le premier à revenir dans la vigne pour les ramasser ?

« …Un chariot de comportes.
Pour charger les comportes pleines sur le deuxième rang, on balançait aussi la comporte en comptant « un, deux, et trois). Et le 3 coïncidait avec l’arrivée de la charge sur le plateau. Un jour, Fernand Monbiéla (de Poitiers, mari de l’institutrice de l’école maternelle, par ailleurs comique troupier déjà apprécié dans ses chansons par papé Jean à une gare de triage durant la guerre 14-18), sans doute peu partisan de cette méthode, remarqua ironiquement : « Et si nous comptions jusqu’à mille ? » Cela aurait été beaucoup plus fastidieux que la situation enviable de ce jeune médecin qui conseillait à sa jolie patiente, en l’auscultant : « Respirez bien, mon enfant, et comptez jusqu’à mille !.. » 

Au Baous, vendanges 1967.
« … Le Baous.
Les « pins à pignons du Pech de la Pistole » ont notamment poussé dans ce qui fut une jolie petite vigne d’Alfred le coiffeur. Aux vendanges, ils traversaient notre Baous en travers, le petit sentier creux qui aurait dû les desservir étant devenu tout à fait sauvage et inutilisable. La femme d’Alfred, l’Alfrèno, après sa mort, jugea bien superflu, par exemple, de tailler la vigne. Elle estimait « les arbres, on ne les taille pas. Alors, pourquoi tailler la vigne ! » Pas de taille, pas de labour, aucun travail : on a vu le résultat, un joli bois de pins a remplacé la jolie vigne… »

Notes : Lou Baous ("baus" sur les dictionnaires d'occitan), tènement à cheval sur les communes de Fleury et de Salles. La garrigue y est géologiquement différente et plus récente qu'au cœur de La Clape. 

Les textes sont principalement tirés du livre "Caboujolette / Pages de vie à Fleury-d'Aude II / 2008 / François Dedieu.  




mercredi 11 septembre 2019

CABOUJOLETTE & MOISSINES / Les vendanges à Fleury.

1950 

Plus actuelle.
 
A Fleury, au pied de la Clape, le coteau se nomme "Caboujolette". Des lotissements remplacent les vignes qui, jusque vers 1980, touchaient les dernières maisons des "barris", des faubourgs. Au-delà, la garrigue a repris ses droits sur les petites pièces, patiemment et vaillamment entretenues depuis le XIXème malgré la pierraille.  

Pierre Campourcy et l'oncle Pierre aux pals sémaliers.


« … Caboujolette.
Pour aller à Caboujolette – pour moi les vignes de l’oncle Pierre, avec le vieux sorbier, les figues « de Cabassou » avant d’y arriver, et surtout ma  « cabane bambou » (j’ai fait un papier là-dessus) – nous ne pouvions pas prendre le chemin encaissé que tu évoques et qui conduit à la carrière et aux vignes de M. Sanchon. On le prenait encore pour les vendanges, puisque c’est nous qui rentrions sa récolte, et j’ai des photos avec l’oncle Pierre et Pierrou de Montagagne en train de charrier les comportes aux pals sémaliers (la brouette à roue caoutchoutée n’existait pas encore). Nous montions au contraire par le mauvais chemin plein de rochers qui passe à présent par la bergerie Vieu et qui arrivait ensuite jusqu’aux « pins de Virginie », et tout en haut il fallait obliquer sur la gauche. Les quelques comportes de raisins que nous récoltions nécessitaient sur le chariot, avec les secousses de chaque instant et la pente du chemin, un cheval au pas assuré et une « mécanique » (ainsi nommait-on le frein actionné par une servante (uno chambrieiro) faisant levier et abaissée progressivement par un câble (grosse corde) solidement amarré au châssis) en bon état. C’était vraiment du vin qui serait revenu cher s’il avait été question de monnayer la peine… »

« … Les raccourcis de Jojo : Fleury le 17-10-1953 (un samedi). 
Nous sommes arrivés de la mer il a fait une belle saison, je me suis régalé, j’ai appris à nager, nous y sommes restés un mois et demi. J’ai vendangé huit jours après être arrivé. Les vendanges terminées il a fallu aller à l’école le 28 septembre, il n’y a pas eu beaucoup de récolte vu la sécheresse. Il a plu de lundi à jeudi et ce n’était pas trop tôt je suis passé en première division. (Jojo Ferry)… » 
Une façon plus alambiquée de conserver les raisins.
« … Merci pour les « moissines » (1) (C’est dans le Petit Larousse) mais c’est surtout Joseph et Jean Ferry qui conservaient ainsi les grappes, avec le bout de sarment. Mamé Ernestine suspendait seulement chaque fois deux belles grappes attachées par un fil sur une barre (genre manche à balai) posée sur le dossier de deux chaises, sièges en dehors (il y avait chaque fois deux barres de raisins blancs). Le tout était placé dans la cuisine de mamé Joséphine … et souvent beaucoup de grappes se périssaient, mais enfin nous pouvions goûter quelques raisins longtemps après les vendanges… »

(1)   Grappe coupée avec son bout de sarment, afin de conserver le raisin dit « de Noël ».